Le Journal du Real
·24 November 2024
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Avocat de formation, Santiago Bernabéu s’est rapidement consacré au sport. Il a été joueur du Real Madrid de 1914 à 1920 et de 1921 à 1927. En 1929, il est nommé secrétaire du conseil d’administration du club, poste qu’il occupera jusqu’en 1935. En 1943, il est élu président du Real Madrid. Il restera en charge jusqu’à son décès en 1978.
Le mandat de Santiago Bernabéu en tant que président a été unique et inégalé dans l’histoire du football mondial. Il a été le président qui a propulsé le Real Madrid au sommet de la scène mondiale.
Certaines de ses contributions pour le club restent plus présentes que jamais dans le Real Madrid d’aujourd’hui. En voici les principales.
Au début des années 1940, l’ancien stade Chamartín était devenu trop petit pour la population croissante de Madrid et le nombre grandissant de supporters de football. Malgré les rénovations successives qui l’ont porté à une capacité de 25 000 places, le stade restait insuffisant pour les besoins du club.
Face à cette situation, au printemps 1943, le président Antonio Santos Peralba exprime la nécessité de construire un nouveau stade d’une capacité initiale de 40 000 spectateurs, mais les difficultés financières du club font planer des incertitudes sur sa réalisation.
Avec l’arrivée de Santiago Bernabéu à la présidence en septembre 1943, le projet de nouveau stade prend un élan décisif et beaucoup plus ambitieux. Lors de sa première réunion avec le conseil d’administration, Bernabéu déclare : « Messieurs, nous avons besoin d’un stade plus grand et nous allons le faire ».
La vision de Santiago Bernabéu est de construire un stade encore plus grand que celui proposé par Peralba, avec une capacité d’environ 75 000 spectateurs. Bernabéu était fermement convaincu qu’un stade plus grand permettrait de récolter plus d’argent, ce qui permettrait au club de se développer, de recruter de meilleurs joueurs et d’attirer plus de supporters, créant ainsi un cercle vertueux qui profiterait à l’équipe sur le long terme.
Le financement de la construction a été sérieusement entravé par la méfiance des socios et des banques. Malgré le fait que de nombreuses personnes, y compris certains membres et supporters, doutaient de la viabilité du projet, Santiago Bernabéu est resté ferme dans son intention.
Dans un contexte où les banques ne considéraient pas le football comme un investissement sûr et où il n’était pas possible d’obtenir des aides officielles de la part des instances sportives, Bernabéu a délégué au trésorier Luis Corrales Ferras la tâche de concevoir un plan de financement innovant. Ce plan consistait à émettre des obligations garanties par des hypothèques sur les propriétés du club.
Bernabéu a présenté ce plan à Rafael Salgado, président du Banco Mercantil e Industrial et supporter du Real Madrid. Grâce aux explications passionnées et détaillées de Bernabéu, Salgado accepte de financer le projet, convaincu de la viabilité et du potentiel du nouveau stade. Cette décision a été cruciale pour la réalisation du projet et, en reconnaissance de son soutien, l’une des rues adjacentes au stade porte aujourd’hui son nom.
Santiago Bernabéu ne se satisfait pas de ce qu’il a réalisé avec l’inauguration du Nuevo Chamartín. Il ne cesse de proposer de nouvelles idées pour améliorer le stade et l’adapter à la masse sociale croissante du club.
Dans cette deuxième phase de construction, qui a débuté en 1952, les principaux objectifs étaient d’atteindre une capacité de 125 000 spectateurs et de doter le stade de l’équipement le plus moderne possible. Le stade avec sa nouvelle capacité a été inauguré en juin 1954.
Le 4 janvier 1955, à l’issue de l’Assemblée Générale des socios compromissaires, il a été décidé que le stade prendrait son nom actuel en l’honneur du président du club et architecte du stade : Santiago Bernabéu.
Outre le nom du stade et le stade en lui-même qui font aujourd’hui toujours partie intégrante du Real Madrid, Santiago Bernabéu a effectué une manœuvre reprise par Florentino Pérez la décennie passée.
Il a démontré qu’il est parfois nécessaire de se montrer audacieux en prenant des risques à court terme, même s’ils sont minimes, pour assurer la pérennité du club à long terme.
Le Nuevo Chamartín devenu Santiago Bernabéu dans les années 50 (realmadrid.com)
En 1955, suivant l’idée proposée par le journaliste de L’Équipe Gabriel Hanot, Bernabéu s’est réuni à l’hôtel Ambassador à Paris avec Ernest Bedrignan (vice-président de la Ligue de football professionnel) et Gustav Sebes et a créé ce qui était à l’origine un tournoi peu structuré joué entre des équipes invitées : la Coupe d’Europe des clubs champions.
Au fil du temps, cette compétition s’est transformée en ce qui est aujourd’hui la Ligue des champions. Santiago Bernabéu a été nommé vice-président et collaborateur direct de l’initiative de Hanot.
L’Europe s’était ainsi dotée d’une grande compétition supranationale, l’Amérique du Sud lui emboîta le pas. Cinq ans plus tard, en 1960, naissait la Copa Libertadores, tournoi réservé aux équipes vainqueurs des championnats nationaux respectifs.
Comme le Real Madrid avait remporté les 5 premières éditions de la Coupe d’Europe des clubs champions, Santiago Bernabeu était désireux de donner à sa formidable équipe de stars un rayonnement prestigieux, et la naissance de la Copa Libertadores stimulait une fois de plus son esprit créatif.
Avec 5 victoires d’affilée, son Real Madrid avait amplement démontré qu’il était l’équipe la plus forte d’Europe, probablement même la plus forte du monde. Mais comment le prouver ?
Maintenant qu’une équipe championne d’Europe pouvait être opposée à une autre d’Amérique du Sud, l’attribution de ce titre devenait possible. L’idée était d’organiser un match aller-retour entre les deux continents de football les plus prestigieux de la planète pour couronner le club le plus fort du monde.
Cependant, la FIFA, refuse la reconnaissance officielle de l’événement. L’UEFA intervient alors, et fait sienne la proposition de Bernabeu. L’instance européenne propose d’organiser un match entre le vainqueur de la Coupe des champions et celui de la Copa Libertadores.
La FIFA répond en refusant catégoriquement l’autorisation de mettre en jeu un titre mondial et ajoute qu’elle ne voit pas d’un bon œil le match amical entre les deux clubs (qu’elle ne pouvait d’ailleurs pas interdire en vertu de la réglementation en vigueur).
Les lois internationales du football de l’époque permettent à tout club d’organiser un match amical, même avec une équipe d’un autre continent, mais l’événement, avertit la FIFA, ne peut avoir d’autre signification, et l’UEFA ne peut outrepasser sa compétence territoriale en Europe, tout comme la Confédération sud-américaine en Amérique.
Mais cela ne suffit pas à arrêter Santiago Bernabéu, qui continue d’organiser les matchs et la première Coupe intercontinentale voit le jour en 1960.
Outre son esprit novateur et sa volonté de perfectionner le football, Santiago Bernabéu a démontré beaucoup de détermination et de pugnacité pour que ses idées prennent forme.
D’un point de vue sportif, Santiago Bernabéu s’est lancé dans une stratégie ambitieuse consistant à recruter des joueurs de classe mondiale en Espagne et à l’étranger, le plus important d’entre eux étant Alfredo Di Stéfano.
Sous la présidence de Bernabéu, de nombreux noms légendaires du Real Madrid ont joué pour le club, comme Muñoz, Di Stéfano, Gento, Rial, Santamaría, Kopa, Puskás, Amancio, Pirri, Netzer, Santillana ou Juanito.
Grâce notamment aux 7 premiers cités, le Real Madrid est entré dans une ère de domination sans précédent, tant sur le plan national qu’international, comme en témoignent ses cinq Coupes d’Europe consécutives et ses nombreux titres nationaux.
L’équipe du Real Madrid victorieuse de la Coupe d’Europe des clubs champions avant la finale contre l’Eintracht Francfort à Glasgow en 1960 composée entre autres de Santamaria, Del Sol, Di Stefano, Puskas et Gento (Photo by Central Press/Hulton Archive/Getty Images)
Telles sont les principales valeurs dont Santiago Bernabéu a fait preuve durant son mandat. Les exemples qui l’attesté sont particulièrement probants. Le 12 octobre 1957, une inondation à Valence coûte la vie à 81 personnes. En Espagne, l’événement est appelé la « Grande inondation de Valence ».
La catastrophe n’a pas épargné le stade Mestalla de Valence, qui avait été rénové quelques mois seulement avant l’inondation. Les vestiaires et la partie inférieure des tribunes ont été presque entièrement détruits, l’eau à l’intérieur du stade a presque recouvert les portes.
Dès que cette tragique nouvelle arrive dans la capitale espagnole, Santiago Bernabéu écrit une lettre à son collègue Luis Casanova pour lui exprimer son soutien inconditionnel.
De plus, Santiago Bernabéu lui envoie un chèque de 100 000 pesetas pour qu’il puisse compenser les dommages subis par le stade. Bernabéu appela les autres clubs d’Espagne à aider Valence, mais le don du président madrilène resta le plus généreux et le plus significatif pour Valence.
Dans une lettre de réponse datée du 31 octobre 1957, Casanova exprima sa sincère gratitude au président du Real Madrid et souligna le niveau de fraternité qui, à cette époque, liait les clubs et lui-même à son ami, Don Santiago.
Ce n’était pas la première fois que le Bernabéu venait en aide à Valence : dès juillet 1950, Santiago avait soutenu le conseil d’administration de Casanova en lui fournissant un crédit pour une reconstruction complète du Mestalla. Sans Don Santiago Bernabéu, Valence n’aurait pas pu avoir son beau stade ni se remettre de la « Grande Inondation ».
Le 6 février 1958, Manchester United est dévasté par une tragédie. Un accident d’avion à Munich tue huit joueurs, trois membres du personnel et dix autres personnes. L’équipe venait de remporter un quart de finale de la Coupe d’Europe.
Trois mois après l’accident, Manchester United perd sa demi-finale contre Milan, mais Milan est battu 3-2 par le Real Madrid en finale. Bernabeu dédia la victoire à ses amis de Manchester et offrit même le trophée à United, qui le refusa.
Si cette offre était purement symbolique, il y avait aussi des promesses matérielles, notamment celle de prêter à United le meilleur footballeur du monde, Alfredo Di Stéfano pour la saison 1958-59. Ce prêt n’a pas pu se concrétiser car l’Argentin aura pris la place d’un joueur Anglais.
Le Real Madrid a apporté son aide différemment. Il a confectionné un fanion commémoratif portant les noms des personnes décédés à Munich, appelé « Champions d’honneur », qui a été vendu en Espagne afin de collecter des fonds pour United. Les blessés et les personnes endeuillées se sont vus offrir la possibilité de se rétablir gratuitement dans les luxueuses installations de Madrid en Espagne.
Une série de matchs amicaux entre les deux équipes a également été organisée pour collecter des fonds. Outre le coût humain et sportif, le désastre de Munich a affecté les finances de United.
En conclusion, l’on remarque que, outre le stade qui porte son nom qu’il a laissé et qui est toujours celui dans lequel joue l’équipe du Real Madrid, Santiago Bernabéu a effectué des manœuvres inspirantes et instauré des valeurs que le président actuel s’efforce de perpétuer.
Florentino Pérez n’a jamais douté dans sa velléité de rénover le stade afin qu’il devienne une source de revenus supplémentaires pour le club et ceci, quand bien même cela a nécessité de contracter des prêts et de s’endetter.
Avec la Super Ligue européenne, Florentino Pérez, comme Santiago Bernabéu en son temps, souhaite créer une compétition qui répond aux besoins du football contemporain en n’hésitant pas à défier les instances du football pour mener à bien ce qu’il est convaincu d’être le plus opportun.
Florentino Pérez s’est plusieurs fois enorgueilli de s’être inspiré de Bernabéu pour ses Galactiques, projet qui visait à réunir les meilleurs joueurs au monde. Cette idée, moyennant quelques ajustements lors de son deuxième mandat, lui a permis d’obtenir en tout et pour tout pas moins de 7 Ligue des champions.
Avec le don de 1 million d’euros consacré aux victimes de la tragédie de Valence, le président du Real Madrid ne fait ni plus ni moins que de perpétuer les valeurs instaurées au Real Madrid par Santiago Bernabéu.