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Lucarne Opposée

·13 juillet 2025

À la recherche de Pocitos

Image de l'article :À la recherche de Pocitos

13 juillet 1930, France et Mexique ne le savent pas encore, mais le match que les deux sélections s'apprêtent à disputer est le premier d’une histoire un devenu sommet mondial. Lorsque Lucien Laurent inscrit le premier but de l’histoire de la Coupe du Monde, il fait naître les premiers applaudissements dans un petit stade aujourd’hui disparu. Voyage à la recherche de l’Estadio Pocitos.

Montevideo, à l’angle des calles Coronel Alegre et Charrúa se dresse un petit monument qui semble anodin. Au pied d’une blanchisserie, une sculpture, colonne de ciment pourrait ne pas parler au profane. Pour l’amateur de foot, elle est bien plus que cela. « Cero a Cero y Pelota al medio » n’est autre que la matérialisation du rond central d’un stade resté dans l’histoire comme celui dans lequel fut inscrit le premier but d’une phase finale de Coupe du Monde : l’Estadio Pocitos.


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En attendant le Centenario

Au début du XXe siècle, le tramway était l’un des moyen de déplacement les plus pratiques dans Montevideo. D'abord tirés par des chevaux, ce n’est qu’en 1906 que les trams de la ville deviennent électriques. Le passage à la propulsion mécanique laisse à la compagnie de tramway locale un terrain vague, jusqu’ici utilisé par les chevaux pour se reposer. Fondé par des cheminots, le CA Peñarol hérite alors de ce terrain, cadeau de la compagnie ferroviaire dont il est issu. Le 6 novembre 1921, les Carboneros découvrent alors leur nouvelle enceinte et quittent Las Acacias (connu aussi sous le nom d’Estadio José Pedro Damiani où joue encore la réserve des Carbonero). Dessiné par  Juan Antonio Scasso, Pocitos est un précurseur : s’inspirant des anciens théâtres grecs, il est le premier stade de foot elliptique de l’histoire et sert de « maquette » au futur Centenario (qui n’est que sa version plus grande). Pendant plus de dix ans, Peñarol s'installe alors dans ce stade de 10 000 places qu’il a inauguré ce 6 novembre face à un adversaire particulier.

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Le stade qui scelle une amitié

Lorsque les Carboneros inaugurent Las Acacias en 1916, le rival sur le terrain est tout naturellement le Nacional. Mais depuis 1916, les tensions entre les deux géants n’ont cessé de monter et les clásicos gagnent en intensité. En 1921, Nacional ne veut pas participer à l’inauguration de Pocitos, Peñarol se tourne alors vers son frère argentin : River Plate.

Au début des années 1910, Peñarol et River Plate commencent à tisser des liens et s’affrontent régulièrement lors de rencontres amicales. Alors que le rival Nacional s’est rapproché du rival des Millonarios, Boca, les rencontres amicales se font de plus en plus fréquentes entre Peñarol et River. C’est ainsi que lorsque ce 6 novembre Juan Cat, gérant de la compagnie de tramways Sociedad Comercial de Montevideo (La Comercial) donne le coup d’envoi du match d’inauguration, ce sont les Millonarios qui font face aux Carboneros. Ce match marque le tournant de l’amitié entre les deux clubs. L’année suivante, les deux clubs sont ensemble, frontistes au sein de leur fédérations respectives, Peñarol est ensuite de l’inauguration de l’Estadio Alvear y Tagle en 1923 (qui est ensuite démoli pour faire place au Monumental que les Carboneros inaugurent également en 1938). Dans les années trente, River Plate utilise comme maillot de rechange un maillot rayé jaune et noir alors que Peñarol en fera de même en 1936 (la photo ci-contre). Depuis, le lien perdure.

Aller plus loin : Boca - Nacional, River - Peñarol : Les frères du Rio de la Plata

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Un stade mondial

Neuf ans après son inauguration, Pocitos entre dans l’histoire du football. En 1929, l’Uruguay est désigné pays hôte de la première Coupe du Monde de football de l’histoire. Seul candidat ayant véritablement les moyens d’accueillir cette compétition, l’Uruguay se lance dans la construction de l’immense Centenario. Malheureusement, les travaux sont ralentis par d’importantes pluies et les organisateurs sont contraints à devoir trouver un autre stade pour les premiers matchs de l’épreuve dont le coup d'envoi est prévu le 13 juillet.

En cette fraiche après-midi d’hiver, à Montevideo, Français et Mexicains font ainsi rouler les premières balles d’une Coupe du Monde à Pocitos alors qu'au même moment, USA et Belgique s'affrontent au Gran Parque Central. Ce 13 juillet 1930, il neige et le match se déroule devant plus de 4 000 personnes. Alexis Thépot dans les buts, Marcel Capelle  et Etienne Mattler en défense, Tintin Chantrel, Marcel Pinel et le capitaine Alexandre Villaplane au milieu, Ernest Libérati, Edmond Delfour, André Maschinot, Marcel Languiller et Lucien Laurent devant, la France ouvre son histoire mondiale avec une bande de gamins qui découvrent pour la plupart la sélection, seuls Alexis Thépot et Alexandre Villaplane ayant plus de dix sélections. À la 19e minute, Thépot intercepte le ballon, fait une longue relance sur Augustin Chantrel, qui trouve Ernest Liberati sur l’aile. Celui-ci déborde et centre en retrait sur Lucien Laurent qui reprend instantanément de volée du pied droit. Le jeune attaquant français inscrit alors le premier de l'histoire de la Coupe du Monde, il fait entrer Pocitos dans l'histoire. Puis Alexis Thépot se blesse, Tintin Chantrel, l'envoyé spécial (en l’absence de journalistes dépéchés sur place, il écrivait les comptes rendus publiés en France) termine dans les buts, mais finalement les Bleus s'imposent 4-1 avec d’autres buts de Langiller, qui jouait à Roubaix, et de Maschinot, auteur d’un doublé et qui, comme Lucien Laurent, porte le maillot de Sochaux. Le lendemain Roumanie et Pérou s’affrontent sur le même terrain, ce sera le dernier match mondial de Pocitos. Trois ans plus tard, Peñarol quitte définitivement le petit stade aux 10 000 places et part s’installer définitivement au Centenario.

Grignoté par l’urbanisation

Avec l’expansion de la ville, dans un quartier de choix car proche de la Rambla, Pocitos, totalement délaissé est condamné. En 1937, les rues commencent recouvrir la pelouse. En 1940, il disparait complètement et finit, au fil des années par tomber dans l’oubli. Il faut attendre le début du XXIe siècle pour que Pocitos renaisse de ses cendres. Entre 2002 et 2006, Héctor Enrique Benech se lance dans un projet fou : retrouver les traces du stade disparu. Une longue enquête, à la recherche de témoignages (jusqu’à un couple voulant enterrer son chien mort qui retrouve un morceau du vieux stade enterré dans son terrain), de photographies d'époque. Un travail titanesque finalement récompensé. Benech et son équipe s’appuient sur la topographie de certains terrains existant encore et finalement parviennent à resituer Pocitos. Comme tous les pays sud-américain, l'Uruguay aime se rappeler l’histoire de son football., deux monuments sont alors construits : le premier pour le rond central, le second, place à quelques pas dans la Calle Coronel Alegre, rend hommage à la lucarne décrochée par Lucien Laurent plus de soixante-dix ans plus tôt. Ils sont désormais les vestiges d'une mémoire, placée au cœur de la ville et venant rappeler qu'il y a près d'un siècle, l'Estadio Pocitos a écrit le premier chapitre de l'une des plus grande histoire du football.

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Initialement publié le 13/07/2020, mis à jour le 13/07/2025

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