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·19 mars 2020

AC Ajaccio, histoire d’une renaissance

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Lorsque, devant la progression exponentielle de l’épidémie de Covid-19, la LFP a pris la décision de suspendre la Ligue 1 et la Ligue 2, l’Athletic Club Ajaccien pointait à la troisième place de la deuxième division française. Et le club de la cité impériale restait sur une victoire marquante face au leader lorientais. Pourtant, il était difficile de croire à de tels résultats pour l’ACA au début de cette saison, alors que le club venait tout juste de voir sa relégation en National pour raisons financières annulée.

La longue décadence

Quand l’AC Ajaccio redescend en Ligue 2 à l’issue de la saison 2013-2014 après trois saisons en Ligue 1, c’est la fin d’une période dorée pour les habitués de Timizzolu. Au cours de ses trois dernières saisons en Ligue 1, le club de la cité corail a vécu des moments mémorables et vu passer des joueurs marquants. Le zébulon mexicain Mémo Ochoa, l’exemplaire Benjamin André ou la star Adrian Mutu ont ainsi marqué les supporters des Rouge et Blanc. Le match immense ponctué de 12 parades d’un Ochoa possédé face à l’armada parisienne un soir d’août 2013, la victoire à l’arrachée et l’explosion de joie du Stade Francois-Coty face à l’OM en mai 2012 ou encore le maintien décroché au Stadium de Toulouse lors de la dernière journée de la saison 2011-2012 sur un doublé de Johan Cavalli resteront comme des événements marquants pour le club corse au cours de ce passage en première division.


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Mais alors que se referme une période faste, une nouvelle bien moins vertueuse s’ouvre pour eux. En effet, alors que le club retrouve les rugueuses joutes de l’antichambre de l’élite française, les soucis s’accumulent. Surtout sur le plan financier. « On a été déficitaire de nombreuses années et on a payé les mauvais choix, par exemple Ravanelli et son staff. Plus la descente en Ligue 2, les gros investissements pour le centre de formation et les infrastructures », se rappelle Baptiste, fidèle parmi les fidèles du club. La situation devient vite difficile, se dégrade années après années et le club sombre dans un cercle vicieux. « On a dû brader nos joueurs puisque nous avions le couteau sous la gorge, la situation financière a aussi rejailli sur certaines saisons où on a souffert sportivement ». Effectivement, l’ACA ne brille pas vraiment en Ligue 2 et passe même proche de la descente en 2015 et 2016 finissant deux fois 17ème. Jusqu’à ce que le peuple rouge et blanc croît être un retour sur le devant de la scène, les barrages décrochés en 2018, mais qui se révélera finalement être le dernier rayon de soleil avant l’obscurité.

Une année en enfer

Le vendredi 18 mai 2018 aurait dû être une fête, un moment de joie pour tout un club. Après une belle saison ayant vu le club corse se classer à la troisième place de Ligue 2, celui-ci devait recevoir le HAC pour décider qui affronterait le 18ème de Ligue 1 lors du barrage de promotion-relégation. Mais rien ne se passera comme prévu. Lors de l’arrivée du bus normand au stade le vendredi, la pression populaire est très (trop?) forte et donne lieu à des incidents conduisant le club doyen à refuser de jouer. Après de longs pourparlers, le match est reporter deux jours plus tard, le dimanche 20 mai. Cette fois-ci, tout commence bien et aucun incident n’est à déplorer en amont du match. Mais dans l’enceinte de François-Coty, la tension est extrême, tant en tribune que sur la pelouse. Et lorsque Jean-Philippe Mateta, le buteur havrais donne l’avantage au sien sur penalty et s’en va chambrer les tribunes, tout explose à nouveau. La tension en tribune est énorme et une bagarre générale éclate sur le terrain, aboutissant à trois exclusions. Le match se termine à 9 contre 9 (le milieu ajaccien Coutadeur ayant été exclu sur l’action du penalty) et voit l’actuel joueur de l’Olympiakos Mady Camara remettre les deux équipes à égalité à la 120ème minute et Jean-Louis Leca donner la victoire à l’ACA d’un arrêt décisif lors de la séance de tir au but. Mais loin de calmer les esprits, cette qualification ne fait qu’amplifier les polémiques. Les versions s’affrontent et les accusations de racisme fusent des deux cotés. Le traitement médiatique est particulièrement dur envers le club corse. Ravivant les plaies et laissant un goût amer dans les bouches : « On a ressenti beaucoup d’incompréhension par rapport à la surmédiatisation. On a été dégoûté tout simplement du cinéma des Havrais, on s’est fait avoir tout simplement,… Beaucoup de tristesse aussi pour les joueurs. Mentalement, cela a été très compliqué à gérer. Pour tout le monde. » raconte Baptiste.

Finalement, Ajaccio sera condamné à jouer le barrage aller à huis-clos sur le continent. Éreinté physiquement mais surtout mentalement, les Corses ne pourront rien faire d’autre qu’acte de présence face à un Toulouse FC qui ne demandait pas tant de circonstances favorables.

Cet épisode des barrages sera le point de départ d’une année terrible pour le club de la cité corail. Dégoûté par la tournure de la fin de saison, le club n’arrivera jamais à retrouver son niveau et se battra jusqu’au bout pour assurer son maintien sportif en deuxième division. Et, alors que celui-ci est finalement acquis de haute lutte, un nouveau coup de massue s’abat sur les têtes ajacciennes. L’ACA est relégué en National pour raisons financières. « Encore une fois, on était usé de ces tracas. Mais on a gardé espoir, notamment par rapport à ce que nous disait Léon Luciani (président du club à l’époque, ndlr) ». C’est dans ce contexte difficile que l’été commence du coté de la cité impériale.

Un spectaculaire redressement

Dans un nouveau paradoxe, c’est à ce moment là que le club va redresser la tête et repartir de l’avant. Cela va passer par un grand chamboulement de l’organigramme. Luciani, en poste depuis plus de 10 ans, quitte la présidence et est remplacé peu après par Christian Leca. Un directeur général est nommé en la personne d’Alain Caldarella. La cellule de recrutement a aussi été modifié et les responsables des équipes « inférieures » ont changé : Patrick Leonetti pour la réserve, Jordan Galtier pour les U19 et Dominique Bijotat pour les U17. De nouveaux actionnaires sont aussi arrivés au club afin de le pérenniser financièrement. Sans pour autant se mettre en lumière : ceux-ci souhaitent rester dans l’anonymat.

L’effectif aussi va être chamboulé. Le club enregistre, entre autre, le départ de l’historique Riad Nouri, des cadres Ghislain Gimbert, Yann Boé-Kane, Manuel Cabit, Jérémy Choplin, Jérôme Hergault et du prometteur Caleb Zady Sery. Dans de telles conditions, rater le recrutement pourrait donc se révéler fatal.

Compte tenu des circonstances extrêmement difficile (gros manque de moyens et de temps) à cause de la longueur des procédures avant la réintégration en L2, la mission apparaît très compliquée. Pourtant, avec le recul, l’ACA a réalisé l’un des meilleurs mercato de France, Ligue 1 et Ligue 2 confondus. Les arrivés de Gaetan Courtet, Cyrille Bayala, Hugo Cuypers, Gedeon Kalulu et Mathieu Huard ont été de vraies réussites, tous ayant eu un rôle prépondérant dans la saison acéiste. Ablie Jallow et Alexis Flips, sans être aussi importants, ont aussi su être utiles. Et le tout, sans dépenser un euro en indemnités, le club n’ayant enregistré que des arrivés en prêt ou des joueurs libres.

A ces recrues sont venus s’ajouter de jeunes joueurs issus du centre de formation et de l’équipe réserve. Le plus connu d’entre eux, le virevoltant Matteo Tramoni faisait déjà parti du groupe pro mais s’est imposé cette saison comme un titulaire indiscutable avec plus de 1 500 minutes de jeu. Le jeune buteur Mounaïm El Idrissy, post-formé au club, est lui monté en puissance au fur et à mesure de la saison, inscrivant des buts décisifs tout au long de la saison. Le frère de Matteo, Lisandru Tramoni, seulement âgé de 16 ans et considéré comme l’un des plus grands espoirs français a effectué ses débuts professionnels cette saison.

Enfin, l’explosion de certains joueurs déjà présents au club a apporté une réelle plus value : l’albanais Qazim Laçi, impressionnant au milieu et déjà prêt pour l’échelon supérieur et l’ancien du Sporting club de Bastia, Ismaël Diallo, très solide en défense centrale.

Presque seul gage de stabilité dans un été mouvementé, le technicien local Olivier Pantaloni, en poste depuis 2014, a survécu à la terrible saison dernière et a conservé son poste. Il a su mettre en place une équipe extrêmement solide défensivement (22 buts encaissés en 28 matchs, deuxième défense de L2 derrière le VAFC) autour de l’un des meilleurs gardien de la division, Benjamin Leroy. Offensivement, l’animation passe principalement par le pouvoir de percussion des ailiers Tramoni et Bayala et la participation des excellents latéraux Huard et Kalulu.

Organisé d’abord en 4-2-3-1, l’émergence d’El Idrissy a poussé le technicien natif de Bastia à opter pour le 4-4-2. Pour protéger Leroy, la ligne défensive est généralement constitué, de droite à gauche de Huard, Diallo, Avinel et Kalulu. Le double pivot Coutadeur-Laçi est l’un des meilleurs de la division. Tramoni et Bayala anime donc les couloirs, alors que Cuypers, Courtet et El Idrissy alternent en pointe.

Vers des lendemains qui chantent ?

Aujourd’hui, l’AC Ajaccio apparaît comme un club du premier tiers de Ligue 2. Avec un effectif solide, savant mélange de jeunesse et d’expérience, parfaitement adapté à la rudesse de la deuxième division française, le club semble en mesure de s’inscrire durablement dans les hauteurs du classement si la montée venait à lui échapper.

Mais les principaux motifs d’espoir ne viennent finalement pas de l’équipe première, mais des coulisses. Après des années de souffrances sur le plan financier, Ajaccio a enfin sorti la tête de l’eau et peut sereinement envisager l’avenir. Finie la grande braderie sur le cours Napoléon lorsque arrivent les périodes de mutations, les Rouge et Blanc sont désormais en mesure de conserver leurs joueurs et de les vendre au prix qu’ils estiment juste. Le cas des frères Tramoni, annoncés un peu partout en France mais restés en Corse, est là pour le prouver. Les investissements consentis dans les infrastructures, notamment le stade François-Coty (propriété du club, fait rare en France) et le centre de formation commencent à payer. Plusieurs jeunes issus de la formation ou de la post-formation commencent à pointer le bout de leur nez en équipe première : Félix Tomi (19 ans, milieu offensif), Faiz Mattoir (19 ans, attaquant), Lucas Pellegrini (19 ans, milieu défensif) ou encore Clench Lofilou (20 ans, milieu défensif). Les jeunes Njiké (22 ans, milieu défensif), Cimignani (18 ans, attaquant) et Berenguier (17 ans, défenseur central) semblent amenés à faire de même sous peu.

Les équipes réserves (5ème sur 14 du groupe D de National 3), U19 national (5ème sur 14 du groupe D) et U17 national (7ème sur 14 du groupe D) obtiennent de solides résultats à un bon niveau de compétition. L’équipe Gambardella s’apprêtait elle à recevoir le PSG avant l’interruption des compétitions. Le capitaine emblématique Johan Cavalli travaille aussi à sa reconversion comme entraîneur auprès de l’équipe U19 aux côtés de Jordan Galtier. Et c’est là aussi l’une des grandes forces de l’ACA : l’esprit de corps et l’implication dont font preuve toutes les composantes du club. Jamais, même dans les récentes périodes sombres, des dissensions ne sont apparues aux grands jours. Nombres de joueurs passés au club témoignent d’une grande affection envers celui-ci. La love story entre Moussa Maazou (aka le « seul corse black ») et le club corse en est une superbe illustration. La passion, la folie presque, de ses supporters les plus fidèles en est une autre. « L’ACA c’est tout simplement une grande famille » résume Baptiste.

Après plusieurs années de turbulences et après être passé proche de la catastrophe, l’AC Ajaccio apparaît aujourd’hui comme assaini. Solides sur leurs bases sportives, institutionnelles et économiques, les pensionnaires de Timizzolu peuvent regarder l’avenir d’un œil serein. Quelle que soit l’issue de cette saison bien étrange, le club a tout pour poursuivre sa progression et pourquoi pas ramener le football corse là où le destine la passion qu’il suscite, en haut de l’échelle du football français. Le chant de l’ours n’est pas prêt de s’arrêter.

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