Amiens SC : pourquoi le mercato estival est encore au point mort ? | OneFootball

Un mois après l’ouverture du marché des transferts et alors même que treize éléments ont quitté le club, l’Amiens SC n’a toujours pas recruter le moindre joueur. Un immobilisme qui résulte de plusieurs facteurs. Explications.

Un effectif dépeuplé

Si l’Amiens SC n’a pas pour habitude d’être proactif en matière de recrutement, attendant souvent les dernières heures du mercato pour passer à l’action, il est rare – pour ne pas dire unique – qu’une reprise se fasse sans la moindre recrue. L’an dernier, Omar Daf avait pu compter sur Kylian Kaïboue et Sébastien Corchia, deux renforts de choix. La saison précédente, Philippe Hinschberger avait accueilli Antoine Leautey et Abdourahmane Barry. Même l’année de la rétrogradation, le club picard s’était montré actif avec les arrivées rapides d’Amadou Ciss et Yohann Thuram.

Ce lundi, Omar Daf a dû composer avec un groupe baroque, comprenant une quinzaine de joueurs d’expérience et complété par de jeunes pensionnaires du centre de formation. Faute de mieux. Faute de recrue. Pourtant, l’entraîneur de l’Amiens SC assure que les manques et les axes d’amélioration sont identifiés. Comme depuis quatre ans, on pense tout naturellement au poste de latéral gauche, au coeur d’un secteur de jeu littéralement sinistré avec seulement trois éléments (Fofana, Urhoghide, Corchia) défensifs d’expérience à disposition.

Vendre est la clé pour l’Amiens SC

Mais pourquoi Amiens n’est toujours pas passé à l’action ? Si le contexte économique global entourant le football français peut servir d’excuse, la plupart des clubs de Ligue 2 ont déjà misé sur des joueurs libres de tout contrat, à l’exception de Bordeaux, Martigues et Ajaccio – dans l’attente du verdict de la DNCG. De son côté, le club picard a passé très tôt l’obstacle du gendarme financier, grâce aux garanties offertes par son actionnaire majoritaire, Bernard Joannin. Ce dernier s’est ainsi engagé à couvrir le déficit structurel du club. Et c’est bien là le coeur du problème.

Cette saison, comme depuis plusieurs années, Amiens a bouclé son exercice en étant déficitaire, et ce en dépit des nombreuses ventes réalisées depuis 2020 pour plus de 50 millions d’euros, de Serhou Guirassy jusqu’à Mohamed Jaouab. Toujours aussi solide financièrement parlant et désireux d’être là pour assurer la pérennité économique du club, Bernard Joannin a tout de même décidé de resserrer assez sévèrement les cordons de la bourse. Au-delà des nombreuses coupes budgétaires à tous les étages du club, le président de l’Amiens SC a également fixé un mot d’ordre pour le recrutement estival : vendre avant d’envisager d’acheter.

Mafouta, premier de cordée ?

Et tel un magasin réalisant un destockage massif avant travaux, l’ensemble de l’effectif de l’Amiens SC est disponible à la vente. Le premier joueur ciblé par la direction du club n’est autre que Louis Mafouta. Auteur de quinze buts la saison dernière, l’international centrafricain a vu sa cote grimper en flèche. Il dispose notamment de touches à l’étranger. Toujours dans le secteur offensif, Antoine Leautey n’est plus intransférable, lui qui avait été retenu la saison dernière avec une revalorisation à la clé. Disposant d’un gros salaire, Gaël Kakuta ne sera pas retenu en cas d’offre à même de satisfaire l’ensemble des parties.

Présent au club depuis 2021, Mamadou Fofana est également un candidat naturel au départ. Encore faut-il que l’international malien trouve un point de chute. Comme beaucoup de joueurs, notamment certains partis librement au 30 juin, le défenseur aura sans doute du mal à retrouver des conditions aussi avantageuses ailleurs. En dépit de leurs envies d’ailleurs, souvent partagées par le club, les candidats au départ ne veulent pas forcément abandonner le confort qui est le leur à Amiens. À titre d’exemple, un ancien milieu de terrain de l’Amiens SC ne trouve aucun autre club de Ligue 2 à même de lui offrir les 25 000 mensuels qu’il touchait en Picardie.

Alex Martin/FEP/Icon Sport

Parmi les rares joueurs à fort potentiel et donc à valeur marchande intéressante, Owen Gene serait toujours suivi de près par Strasbourg, entrant parfaitement dans la politique de rajeunissement de l’effectif dicté par Blue Co, le nouveau propriétaire du club alsacien. Dans le même secteur de jeu, un Frank Boya ne serait pas forcément retenu en cas d’offre, en dépit de son influence grandissante au sein du vestiaire. Il en va de même pour Kylian Kaïboue, qui pourrait bien finir par se lasser de jouer les pompiers de service. Lui qui était venu à Amiens pour s’installer au milieu de terrain et qui semble encore destiné à rendre de fiers services dans le couloir gauche de la défense.

Omar Daf pris dans l’étau Williams-Joannin

Au milieu de tout ça, Omar Daf navigue donc en eaux troubles ou tout du moins dans un contexte extrêmement incertain, comme bon nombre de ses prédécesseurs. D’autant plus que les relations entre Bernard Joannin et John Williams sont toujours un peu plus fraiches. Déçu par les derniers mercato réalisés par son bras droit, le président de l’Amiens SC a quelque peu réduit son champ d’action au sein du club. Disposant de moins en moins de prérogatives inhérentes au rôle de directeur sportif, qu’il n’a jamais réellement assumé, l’ancien agent se retrouve cantonné au recrutement ou plus précisément à la vente de joueurs.

C’est effectivement la principale mission qui lui a été confiée sur ce mercato d’été. Fin stratège, John Williams laisse entendre, en coulisses, qu’il dispose de plusieurs accords pour faire venir de nouveaux joueurs à Amiens. Des accords bloqués par la doctrine présidentielle. De quoi geler (pour le moment) toute arrivée et ainsi être devancé par plusieurs clubs de Ligue 2 ou de National sur certains dossiers, si l’on en croît le responsable du recrutement. Ou l’histoire d’un jeu de dupes qui pourrait bien avoir des conséquences à terme sur l’avenir sportif de l’Amiens SC. C’est donc dans ce contexte que la saison 2024/2025 s’est lancée rue du Chapitre.

Romain PECHON

Crédits photo : Hugo Pfeiffer/Icon Sport