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·1 février 2025

Bradford City, le tueur de géant

Image de l'article :Bradford City, le tueur de géant

Ancien pensionnaire de Premier League au tournant du millénaire, Bradford City fait ensuite face à une terrible crise sportive et financière. Englués en quatrième division, les Bantams retombent alors dans l’anonymat caractéristique des clubs anglais de seconde zone. Cependant, l’arrivée sur le banc de touche d’un certain Phil Parkinson va sortir le club de sa torpeur grâce à des campagnes de coupes héroïques durant lesquelles Bradford s’est fait une spécialité : tuer des géants.

La beauté du football réside parfois dans son caractère irrationnel. Cette folie qui s’empare d’une rencontre et permet de renverser l’ordre établi et la logique. Nous aimons d’ailleurs tous les belles histoires : la Grèce en 2004, Calais en 2000 ou encore le Steaua Bucarest en 1986. Des équipes d’outsiders résistant, grâce à leur abnégation, à des adversaires largement supérieurs. Des exploits restés dans la mémoire collective des fans de football au prix d’une résistance héroïque des joueurs lors des rencontres. Ces configurations de matchs à élimination directe entre petites et grosses équipes s’avèrent souvent être des plus divertissantes pour les adeptes de grandes émotions.


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En effet, nous sommes abreuvés depuis l’enfance de grands récits faisant la part belle « aux petits ». De la mythique Odyssée d’Homère à la légende de David contre Goliath, en passant par la culture populaire avec le film Rocky, l’outsider parvient toujours à vaincre un ennemi semblant invincible, grâce à son courage ou à son intelligence. En France, nous utilisons le terme « Petit Poucet » du conte de Perrault pour désigner ces équipes. Outre-Manche, un héros folklorique est invoqué pour parler des modestes clubs s’offrant le scalp des favoris : Jack, le tueur de géant. Un jeune homme courageux, terrassant les géants vivant dans les îles britanniques grâce à son intelligence et sa ruse.

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Jack, jeune héros folklorique, terrassant un géant dans une adaptation de la légende datant de 1916.

Dans une Angleterre dorénavant dominée par la puissance financière des clubs de Premier League, il devient difficile pour les clubs de divisions inférieures d’éliminer ces gros poissons. Néanmoins, un modeste club de quatrième division, Bradford City, va en faire une spécialité du fait d’un homme, Phil Parkinson.

Il était une fois dans le Yorkshire

Le 28 août 2011, Phil Parkinson débarque dans le Yorkshire au chevet d’un club malade. Financièrement, Bradford est sous oxygène et ne doit sa survie qu’à ses deux présidents. Néanmoins, une relégation en dehors de la Football League mettrait définitivement en péril les finances du club et menacerait son existence. Sportivement, l’effectif des Bantams manque de qualité. Mark Lawn, l’un des présidents du club, le décrit d’ailleurs comme étant « la pire équipe de sa vie » mais concède qu’il a « su en vingt minutes que Parkinson pouvait [les] sortir de la merde ».

Sans marge de manœuvre pour son recrutement et disposant d’un effectif limité, Parkinson ne révolutionne pas Bradford. Il insuffle néanmoins, par ses qualités de meneurs d’hommes, la motivation nécessaire à ses joueurs pour se maintenir. Les Bantams terminent dix-huitièmes, à six points du premier relégable. Une saison insipide, mais qui pose les bases de la méthode Parkinson. Le technicien anglais devient la pierre angulaire du club en créant de la cohésion et de la solidarité dans son vestiaire. Deux valeurs qui mèneront Bradford City vers le succès.

Un long parcours initiatique

Lors de sa deuxième saison dans le Yorkshire, Parkinson hérite d’un double objectif. Tout d’abord, stabiliser le club en championnat. Ensuite, réaliser un beau parcours en coupe, afin de répondre à un impératif économique. En effet, les droits télévisés, mais surtout les recettes de billetteries, notamment en cas de belles affiches, permettent aux clubs de divisions inférieures d’alimenter considérablement leurs finances.

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Valley Parade : le nouveau théâtre des rêves ?

Ayant désormais la confiance de ses dirigeants, Parkinson peut bâtir un effectif correspondant à ses envies. Pour ce faire, le technicien anglais adopte un bon vieux quatre-quatre-deux. Une tactique basique mais efficace. Il remanie entièrement sa défense et son milieu de terrain, en s’entourant de joueurs expérimentés, à l’instar de l’infatigable milieu de terrain Gary Jones, nommé capitaine de l’équipe. Seule véritable satisfaction de la saison précédente, le duo Hanson-Wells est reconduit à la pointe de l’attaque.

Le début du conte de fée

Pour ce premier tour de League Cup, Bradford hérite de Notts County, pensionnaire de troisième division. L’équipe de Parkinson manque d’automatisme et ne doit son salut qu’à la belle performance de son portier, Matt Duke, ainsi qu’à l’improbable raté d’un joueur adverse. La décision se fera finalement en prolongation lorsque l’avant-centre de Bradford, James Hanson, trouve la lucarne adverse d’une belle frappe enroulée.

Lors du second tour, Bradford se déplace à Vicarage Road pour affronter le Watford de Gianfranco Zola, alors en deuxième division. Malgré l’ouverture du score adverse, les Bantams réagissent grâce à une frappe surpuissante de leur ailier Kyel Reid. Les hommes de Parkinson arrachent finalement leur qualification au bout du suspense, par l’intermédiaire de Thompson. Un premier exploit, tant la différence sportive et financière entre les deux équipes est énorme.

Le troisième tour est moins excitant sur le papier. Bradford affronte Burton Albion, autre équipe de quatrième division. Piégés par leur adversaire du soir, les Bantams sont rapidement menés de deux buts. Mais les hommes de Parkinson ne se laissent pas abattre. Ils comblent tout d’abord leur retard grâce à un doublé du jeune attaquant bermudien Wells, avant de finalement s’imposer en prolongation sur une frappe lointaine de Darby.

La mort du premier géant

Le tirage au sort du quatrième tour voit Bradford recevoir Wigan. A première vue, ce tirage ne fait pas particulièrement peur. Néanmoins, les Latics, menés par Roberto Martinez, affectionnent particulièrement les matchs à élimination directe. En témoigne leur sacre en FA Cup cette même saison face à Manchester City. Le rapport de force est donc clairement déséquilibré, d’autant plus que trois divisions séparent les deux clubs. Le club du Yorkshire fait donc face à son premier géant. Un face-à-face déséquilibré, rappelant alors l’histoire de Jack. Dans le conte, le jeune héros triomphe du géant Cormoran en le faisant tomber dans un fossé après l’avoir appâté.

Une histoire dont s’inspire peut-être Parkinson, qui opte pour une tactique simple. A l’image de Jack, il souhaite attirer Wigan dans son piège en laissant le ballon aux Latics. Son objectif est clair, gagner du temps et emmener son adversaire dans le guet-apens des tirs aux buts. Malgré les nombreuses situations adverses, Bradford parvient à garder sa cage inviolée durant 120 minutes. Le piège s’est refermé sur Wigan. En effet, les Bantams sont devenus maîtres dans l’art des tirs aux buts, s’imposant lors des sept séances précédentes. Les joueurs de Parkinson ne craquent pas, contrairement à leurs adversaires, et se qualifient pour le tour suivant.

La vengeance des géants ?

Les Bantams se hissent donc en quart de finale de la compétition et ne peuvent désormais plus se cacher. Le tirage au sort les voit recevoir Arsenal. Une affiche prestigieuse qui ravit les présidents du club, conscients de l’engouement que va susciter la rencontre. Néanmoins, l’issue du match ne fait guère de doute. D’autant plus qu’Arsène Wenger va jouer un sale coup à son homologue. En effet, leurs adjoints respectifs se sont côtoyés du côté de Stoke et s’échangent des informations avant la rencontre. Wenger insiste sur le fait que ses titulaires ne feront pas le déplacement dans le Yorkshire. Ils seront finalement tous présents.

Sentant ses troupes démotivées à l’annonce de la composition d’équipe adverse, Steve Parkin, le flegmatique adjoint de Parkinson, décide simplement d’écrire sur un tableau « Putain de merde ». Un acte remotivant instantanément ses troupes. Il galvanise ensuite ses joueurs en leur apprenant que les Gunners se plaignent du terrain ainsi que des vestiaires et fait ainsi renaître l’espoir au sein de son équipe. Parfois, tous les héros ne portent pas de maillot de football. Une résilience faisant écho à notre héros légendaire Jack. En effet, capturé par le géant Blunderbore, Jack se libère et terrasse son ennemi en le poignardant. Les Bantams vont donc devoir résister à un adversaire supérieur dans tous les domaines du jeu. A l’exception d’un seul, le jeu aérien, secteur dans lequel Bradford va tenter de poignarder son adversaire. Les hommes de Parkinson vont donc user du jeu long et tenter de glaner quelques coups de pied arrêtés.

Le géant est mort ce soir

Une tactique qui s’avère payante puisque les Bantams ouvrent le score dans le premier quart d’heure après un coup-franc. Un premier coup de poignard assené aux Gunners. Arsenal déjoue complètement face au courage des hommes de Parkinson, qui repoussent chacun des assauts londoniens. Mais, sur l’une des dernières actions du match, Vermaelen égalise. Bradford n’a désormais plus qu’une solution, emmener les Gunners aux tirs aux buts.

Restants sur une série de huit succès consécutifs dans cet exercice, les Bantams s’avancent confiants. Le Toss permet à Bradford de débuter cette séance. Doyle se présente face à Szczesny et trompe le Polonais d’une frappe sèche. Santi Cazorla arrive ensuite face à Duke. En confiance après son bon match, le gardien anglais détourne la frappe du milieu espagnol. Un second coup de poignard qui fait exulter Valley Parade. Jones, le capitaine des Bantams, enfonce ensuite le clou. Deux à zéro. Chamakh a l’opportunité de ramener les Gunners à un but et surtout de faire redescendre la folie qui s’empare alors du stade. Mais l’ancien Girondin heurte le poteau. Délire dans le stade. Bradford entrevoit une qualification historique en demi-finale.

Cependant, rien ne va se passer comme prévu. En effet, Darby voit son penalty stoppé par Szczesny et Wilshere transforme le sien en prenant Duke à contre-pied. Connell s’élance ensuite pour Bradford et envoie son ballon dans la lucarne. Trois à un. Oxlade-Chamberlain ramène cependant les Gunners à un but de leur adversaire. Le dernier tireur de Bradford, Jones, a l’occasion de tuer le match en transformant son pénalty. Les joueurs du Yorkshire, debouts dans le rond central, s’apprêtent à bondir pour célébrer cette victoire historique. Jones s’élance, mais voit son tir être détourné par Szczesny. Stupeur dans les tribunes. Vermaelen, héros du match côté londonien, a la possibilité d’envoyer les deux équipes en mort subite. Sa frappe prend Duke à contre-pied, mais s’écrase sur le montant. La folie s’empare de Valley Parade. Les Bantams sont en demi-finale de la compétition.

Jamais deux sans trois : s’offrir le scalp d’un nouveau géant ?

Bradford s’offre une affiche de prestige pour ce dernier carré en héritant d’Aston Villa, club anglais historique. Les Villans comptent bien mettre un terme au conte de fées des Bantams, à l’instar du géant Thunderdale qui tente de tuer Jack lors d’un banquet en son honneur. Aston Villa souhaite d’ailleurs attaquer Bradford sur son terrain et faire la décision dès le match aller, en misant notamment sur ses atouts offensifs comme Benteke ou Agbonlahor.

Spécificité de la League Cup, les demi-finales se jouent lors d’une double confrontation. Un règlement qui ne joue pas en faveur des équipes plus modestes. En effet, si l’exploit est possible lors d’un match à élimination directe, se qualifier dans le cadre d’une rencontre en aller-retour est une tâche beaucoup plus ardue. Cependant, Parkinson a un plan. Le match aller se déroulant dans l’antre des Bantams, l’objectif est d’aller chercher la victoire et de tenir le score lors de la prochaine rencontre à l’extérieur.

Aston Villa monopolise donc le ballon et assène ses premiers coups de boutoir. Néanmoins, Bradford résiste et surprend même son adversaire en ouvrant le score par l’intermédiaire de Wells. La pression des Villans s’intensifie alors, mais les Bantams ne cèdent pas et parviennent même à glaner quelques coups de pieds arrêtés dans le camp d’Aston Villa. Sur l’un d’eux, Jones adresse un centre parfait pour son défenseur McArdle qui catapulte le ballon dans la lucarne des visiteurs. Aston Villa ne rend cependant pas les armes et réduit la marque à dix-minutes du terme de la rencontre. Les Bantams souffrent, mais s’offrent un ultime corner. Jones met le ballon dans la boîte et trouve McHugh dont la tête surpuissante trouve la lucarne adverse. Trois buts à un !

La tête du géant

Bradford dispose donc d’une avance confortable avant ce match retour à Birmingham. Mais les Villans n’ont pas dit leur dernier mot et comptent renverser la situation à Villa Park. La configuration du match reste inchangée. Aston Villa adopte une stratégie offensive pour refaire son retard, tandis que Bradford tente de préserver son avantage avec l’intention de piquer son adversaire sur coup de pied arrêté.

Sur le pré, la différence de niveau entre les deux équipes est flagrante. Aston Villa monopolise le ballon et recherche constamment Benteke, véritable poison pour la défense de Bradford. Les Villans font le siège de la surface adverse et multiplient les situations. Acculés, les Bantams finissent par craquer dès la vingt-quatrième minute de jeu sur un but de Benteke. Une ouverture du score qui galvanise l’équipe de Birmingham. Bradford plie, mais ne rompt pas et regagne les vestiaires en étant toujours qualifié.

Remotivés par Parkinson et remis d’aplomb par la pause, les joueurs du Yorkshire sortent de leur torpeur. Cette détermination retrouvée leur permet de se projeter davantage et de grappiller quelques coups de pied arrêtés. Sur l’une de ces rares situations, Jones, distille le ballon dans la boîte. Son centre enroulé lobe Benteke et trouve la tête d’Hanson. Le ballon se loge dans la lucarne de Given, impuissant. Délire dans le parcage visiteur. Bradford est sur le point de réaliser un nouvel exploit. Les Villans tentent de réagir, mais se heurtent à la défense héroïque des hommes de Parkinson. La réalisation de Weimann, à quelques secondes de la fin du temps réglementaire, n’ébranle en rien les Bantams, qui s’adjugent la qualification pour la finale de la compétition. La clairvoyance de Parkinson, tout comme celle de Jack, permet à nos héros de s’offrir, à nouveau, la tête géant.

Il était une fin

Malheureusement, les contes de fée ne sont que de simples histoires pour enfants. A Wembley, devant plus de 80 000 spectateurs, les Bantams ont rendez-vous avec l’Histoire. Ils font face à Swansea, véritable attraction de la saison en Premier League et favori naturel pour cette rencontre. Malgré la supériorité adverse, Bradford a des atouts à faire valoir. Tout d’abord, l’équipe du Yorkshire bénéficie du soutien populaire de la foule. Une ferveur pouvant transcender les joueurs et les aider à résister face à ce nouveau géant. De plus, Swansea est une équipe aussi inexpérimentée que Bradford à ce niveau de compétition et n’a jamais remporté de trophée majeur.

Cependant, tétanisés par l’enjeu, les Bantams craquent complètement. Outrageusement dominés, ils craquent par trois fois avant la pause. Réduits à dix après l’expulsion de Duke, les hommes de Parkinson sombrent encore davantage et s’inclinent finalement cinq buts à zéro. Une fin d’aventure au dénouement cruel, mais qui ne doit pas occulter le formidable parcours de l’équipe du Yorkshire. Mais cette rencontre ne sera pas la seule de Bradford à Wembley. En effet, qualifiée pour les playoff, la bande de Parkinson arrache sa promotion en troisième division grâce à une victoire contre Northampton. Un succès venant couronner une saison historique pour le modeste club du nord de l’Angleterre.

Le retour des héros

Cette campagne ne fut d’ailleurs pas le seul coup d’éclat de Parkinson à la tête de Bradford. Lors de la saison 2014-2015, le club va de nouveau faire parler de lui, cette fois-ci en FA Cup. Les Bantams s’offrent le scalp de Milwall, de Sunderland, mais surtout de Chelsea, dans ce qui reste aujourd’hui l’un des plus grands exploits de l’histoire du football anglais. En effet, sous la houlette de José Mourinho, les Blues sont irrésistibles depuis le début de saison. Invaincu à domicile et disposant d’un effectif impressionnant, Chelsea semble intouchable. Avant la rencontre, le Special One déclare même que perdre contre Bradford serait « une honte« . Cependant, le club du Yorkshire va réaliser l’impossible.

Menés deux buts à zéro à Stamford Bridge, les hommes de Parkinson vont livrer une prestation majuscule. Réduisant le score avant la pause, les Bantams réalisent ensuite une seconde période parfaite et inscrivent trois buts devant un public de Stamford Bridge médusé. Une performance héroïque incarnant la quintessence du Bradford de Parkinson : une équipe surprenante, solidaire et courageuse.

Véritables fossoyeurs de grandes équipes, la bande de Parkinson a fait vibrer toute l’Angleterre lors de campagnes de coupes héroïques. Animés par une solidarité et un courage à toute épreuve, à l’instar du héros folklorique Jack, les Bantams ont réalisé des exploits qui resteront gravés à jamais dans l’histoire du football anglais.

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