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·30 avril 2025

Clermont : une chute de deux étages loin d'être imprévisible

Image de l'article :Clermont : une chute de deux étages loin d'être imprévisible

Relégué de Ligue 1 la saison dernière, le Clermont Foot 63 vit un nouveau cauchemar. Après une décennie de progression constante jusqu'à atteindre l'élite du football français, le club auvergnat se retrouve au bord du précipice, à deux doigts d'une double relégation qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l'avenir de l'institution. Retour sur une saison où tout ce qui pouvait mal tourner a mal tourné, tant sur le terrain qu'en coulisses.

À deux journées de la fin du championnat, le Clermont Foot occupe la 17e place avec seulement 29 points, synonyme de relégation en National. Un scénario impensable il y a encore quelques mois pour le huitième budget de Ligue 2 (11 millions d'euros). Pourtant, les signaux d'alerte étaient là depuis longtemps. Le président Ahmet Schaefer, qui semblait avoir tout pour plaire à son arrivée en 2019 - "fils d'un banquier suisse, ex-adjoint de Sepp Blatter à la FIFA, une gueule de golden boy, une prestance et un sens du contact hors pair", comme le décrivait le quotidien La Montagne - est aujourd'hui dans le viseur des supporters. Les ultras n'ont pas hésité à déployer une banderole accusatrice lors du match contre Caen : "Schaefer, ton porte-monnaie dans le vert, le club aux portes de l'enfer !!!" L'instabilité chronique a marqué cette saison. Trois entraîneurs se sont succédé sur le banc (Sébastien Bichard, Laurent Battles, puis Sébastien Mazeyrat), un effectif complètement reconstruit (32 arrivées pour 30 départs), et des joueurs importants comme Jérémie Jacquet rappelés de prêt en plein milieu de saison. Comment construire une équipe compétitive dans ces conditions ?


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Le recrutement est au cœur des critiques. "Tous les joueurs sont partis dont certains qui voulaient rester, et le club a été incapable de les remplacer, analyse le compte X SpaceCF63. Sur les quatre dernières années, Clermont a encaissé 60M€. Pourtant aucun investissement n’est arrivé pour refaire une équipe compétitive et voilà où on en est. L’effectif n’a pas le niveau et la gestion du club est une catastrophe." L'hiver n'a rien arrangé. Au contraire, plusieurs joueurs offensifs sont partis sans être remplacés, alors que c'était précisément le secteur de jeu le plus déficient. Le départ de Jérémie Jacquet, rappelé par Rennes, a laissé un trou béant dans une défense déjà friable. Des cas comme celui d'Andy Pelmard, prêté à Las Palmas après un passage raté à Lecce, ou de Maximiliano Caufriez, la recrue la plus chère de l'histoire du club partie en prêt au Red Bull Salzbourg après avoir déçu, illustrent les errements de la politique sportive.

Un lent naufrage

Le parcours du CF63 cette saison ressemble à un long calvaire. Après cinq journées disputées, l'équipe pointait déjà à la 14e place avec seulement 4 points. Au bout de dix journées, la situation n'avait guère évolué avec une 14e position et 9 points au compteur. À la mi-championnat, après dix-sept rencontres, Clermont occupait la 15e place avec 20 points. La dégringolade s'est ensuite accélérée. 16e avec 25 points après vingt-trois journées, puis 17e avec 27 points après vingt-huit matchs, pour finalement stagner à la 17e position avec 29 points après trente-deux journées.

Quelques victoires contre des équipes bien classées comme Guingamp (J8, 4-1), Laval (J11, 1-2) Lorient (J12, 2-1) ont entretenu l'illusion. Selon les propres termes du compte X Space CF63, un fidèle supporter, "ces deux victoires amènent de l’espoir. On se disait que le maintien serait « facile » et que Clermont terminera en milieu de tableau." Le tournant de la saison se situe certainement après la 18e journée. À ce moment-là, Clermont est 12e avec 23 points, plus proche du premier barragiste pour la montée que du premier relégable. Mais depuis, l'équipe est devenue la pire de Ligue 2 (à égalité avec Caen), ne récoltant que six points en quatorze journées.

Sur le terrain, c'est une équipe sans âme qui évolue match après match. Avec la pire attaque de Ligue 2 et seulement la 12e défense sur 18 équipes, Clermont peine à exister. Les statistiques sont impitoyables. L'équipe n'a réussi que cinq clean sheets sur toute la saison, concède beaucoup trop de penalties (deuxième équipe qui en concède le plus dans le championnat) et figure parmi les rares formations à remporter moins de 50% de ses duels. Même le SM Caen, bon dernier, présente de meilleures statistiques dans ce domaine, Clermont se situant au niveau de Martigues dans ces standards peu glorieux. Plus inquiétant encore, les meilleurs buteurs de l'effectif, Maïdine Douane et Mons Bassouamina, n'ont inscrit que 4 buts chacun. Une misère pour espérer se maintenir. Même si l'équipe arrive à se créer des occasions, la finition fait cruellement défaut.

Le match contre Caen (0-1, 28 février) a été particulièrement révélateur. Face à une équipe qui n'avait plus gagné depuis 11 rencontres, Clermont a réussi à faire passer Malherbe pour le PSG de Luis Enrique ou le Brésil 2002. Le comble pour un club qui avait des ambitions de première partie de tableau. Autre image marquante, la réception d'Amiens, où le club avait mis toutes les places gratuites pour créer un engouement et remplir le stade. Alors que les Clermontois tenaient la victoire, l'expulsion du capitaine Johan Gastien à la 57e minute est venue tout gâcher. Score final : 1-1. Quand ça veut pas, ça veut pas.

Où est passé l’argent ?

Les révélations du journaliste Romain Molina ont jeté une lumière crue sur la gestion du club par Ahmet Schaefer et sa holding Core Sports Capital (CSC). Selon ses investigations, "en quelques années, les propriétaires ont réussi à faire sortir une vingtaine de millions d'euros du club, que ce soit par les dividendes, qui d'ailleurs étaient plus hauts que ce qui avait été annoncé, et surtout par ce qu'on appelle une convention de service."

Cette convention aurait coûté jusqu'à 300 000 euros par mois quand Clermont évoluait en Ligue 1, contre 50 000 euros initialement. Au total, plus de 10 millions d'euros seraient sortis des caisses de cette manière, auxquels s'ajoutent 9,3 millions d'euros de dividendes versés aux actionnaires. Des dividendes qui surpassent l'argent gagné par le club. Plus problématique encore, l'argent du fonds d'investissement CVC, censé ne pas revenir aux actionnaires sous forme de dividendes, aurait été utilisé de cette façon. "C'est une vraie question si c'est légal ou pas vis-à-vis des instances du football professionnel", s'interroge Molina.

Interrogé sur la gestion du club, les supporters n'hésitent pas à qualifier Schaefer "d'escroc et de menteur", lui reprochant son manque d'ambition. Le modèle économique mis en place par CSC, qui détient également d'autres clubs, est également pointé du doigt. Selon certaines sources, Clermont aurait servi de "vache à lait" pour financer les autres clubs du groupe. "Lors de son passage en Ligue 1, le CF63 a payé près de 10M€ de convention de service à Core Sport Capital. Clermont aurait payé pour les autres clubs", rapporte Romain Molina. Le départ de Jérôme Champagne, ancien conseiller du président apprécié des supporters, semble avoir été un tournant dans la gestion du club. "Lui il aime le club, et son départ est un tournant ici, depuis son départ, la gestion est n'importe quoi. Il a été arnaqué par le président, il était au courant de certaines choses comme d'autres", confie le gérant du compte Space CF63.

Quel avenir pour le Clermont Foot ?

À trois journées de la fin, Ahmet Schaefer a lancé un message qui sonne comme un ultime cri de ralliement : "Trois matchs, trois finales. On n’a plus le choix : atteindre les barrages est le seul objectif qui doit mobiliser les joueurs et le staff pour les vingt prochains jours." Mais loin de galvaniser les troupes, cette sortie - diffusée via un communiqué officiel - a irrité des supporters qui ne comprennent ni le timing, ni la forme. Pour l'avenir, il s'assombrira si le club enchaîne une nouvelle descente. Une relégation en National, 18 ans après la dernière, pourrait avoir des conséquences dramatiques sur les finances du club, déjà fragilisées par un déficit annoncé de 7 à 8 millions d'euros pour la saison en cours.

Les supporters, eux, semblent avoir tranché : le responsable, c’est Ahmet Schaefer, accusé d’avoir liquidé les meilleurs joueurs et dilapidé les finances du club. Certains menacent de ne pas renouveler leur abonnement tant qu’il restera aux manettes. Une frange plus radicale a même déserté le stade en cours de saison, écœurée par la tournure des événements.

Ironie du sort, le stade Gabriel-Montpied est en pleine transformation. Les travaux, qui devaient initialement s'achever fin 2025, ne seront finalement livrés qu'au printemps 2026. L'enceinte, qui passera à 17 000 places avec une nouvelle tribune de plus de 6 000 places, devait accompagner l'ambition sportive du club. Mais en National, ces infrastructures risquent de sonner bien creux. La fin de saison s'annonce électrique pour un club qui, il y a encore deux ans, savourait sa place en Ligue 1. La chute pourrait être vertigineuse, mais l'histoire du football regorge de clubs qui ont su rebondir après des périodes sombres. Alors que d'autres n'ont pas cessé de sombrer. Le Clermont Foot 63 saura-t-il se relever de cette descente aux enfers ?

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