Lucarne Opposée
·11 janvier 2024
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·11 janvier 2024
La plus belle des compétitions asiatiques reprend ses droits. Le gratin du football continental se retrouve une nouvelle fois pour déterminer qui sera le maître incontesté pour les quatre prochaines années, et succéder à l’énorme surprise qatarie, sacrée avec la manière en 2019.
Si nous sommes tous heureux de retrouver notre tournoi préféré, on ne peut s’empêcher de penser que quelque chose s’est délité depuis la dernière fois. L’AFC avait instauré une alternance Est-Ouest équitable, cette édition sonne malheureusement le glas de ce gentleman agreement. La Chine devant initialement accueillir le tournoi, son abandon officiel pour cause de Zero Covid Policy a rebattu les cartes. L’Australie, la Corée du Sud et l’Indonésie ont soumis leurs candidatures et on se disait que l’Ouest récupérerait sa place, après la dernière édition à l’Est, aux Émirats. Raté. Le Qatar et ses installations flambant neuves sont passés par là et ont raflé la mise sans coup férir. Encore pire, l’Arabie saoudite s’est adjugé l’édition suivante, signifiant que le Golfe Persique accueille trois éditions de suite, misère… Le seul point positif est que les stades ne nécessitent pas de nouvelles constructions, l’ensemble des enceintes utilisées au Mondial (exception faite du stade 974) accueillera les rencontres.
Revenons à nos moutons. Pour cette deuxième compétition à vingt-quatre équipes, tous les gros bonnets du continent sont présents, exception faite d’un Koweït en chute libre. On note avec plaisir le retour de Hong Kong dont la dernière participation remonte à 1968. La Malaisie et l’Indonésie reviennent également sur le devant de la scène après leur organisation conjointe en 2007, tandis que le Kirghizistan enchaîne une deuxième participation d’affilée. Enfin, le Tadjikistan est récompensé de sa progression constante en débaroulant pour la première fois à la grande messe continentale.
Côté favoris, comment ne pas citer le Japon, qui colle des branlées mémorables à tout ce qui lui passe sous la main. Les Samouraï Blue semblent intouchables, mais ont une fâcheuse tendance aux trous d’air (cf. contre le Costa Rica). S’ils arrivent à gommer cette imperfection, dure de dire qui pourrait leur barrer la route. Parmi les autres candidats à la breloque dorée, la Corée du Sud, l’Australie, l’Iran et l’Arabie saoudite sont évidemment à prendre au sérieux et ont leur lot d’arguments. Enfin, dans les outsiders, le Qatar à domicile et les dark horses ouzbek et irakien pourraient totalement créer la surprise. Au palmarès, le Japon devance d’une unité (quatre) Saoudiens et Iraniens, dont les derniers titres remontent à des temps immémoriaux (1996 pour les premiers, 1976 pour les seconds). Suivent les Sud-Coréens qui font grise mine depuis leurs deux titres décrochés avant le déluge (1956 et 1960), puis les Qataris, les Australiens et les Irakiens avec une breloque chacun. Seuls deux anciens champions manquent à l’appel : Israël pour des raisons évidentes et le Koweït qui n’en finit plus de creuser sa tombe.
Au rayon des anecdotes, sachez que les entraîneurs les plus représentés sont les Croates et les Espagnols, au nombre de trois chacun. Un seul cocorico dans la liste, la légende Philippe Troussier. Pour les clubs, le puissant Johor Darul Ta’zim fournit quatorze (!) joueurs au tournoi et croise les doigts pour qu’ils reviennent tous en un morceau. Place désormais au tour d’horizon des participants.
La fièvre du Mondial étant retombée, les Qataris sont repartis sur un nouveau cycle. La page Felix Sánchez s’étant refermée, le Qatar pensait s’offrir une continuité avec Carlos Queiroz, un entraîneur aux antipodes du jeu des Annabi. Force est de constater que ça n’a pas marché et c’est donc un nouvel entraîneur espagnol, Tintín Márquez, qui prend les commandes du champion en titre. Il perpétue le tropisme étrange qui unit l’Espagne au Qatar (Xavi, Aspire, Felix Sánchez et autres tiki qatar…) et présente l’avantage de connaître parfaitement le football local et ses arcanes, ayant entraîné à Castellón et Eupen (deux équipes sous pavillon Aspire), ainsi qu’Al-Wakrah. Le noyau dur de l’équipe championne en 2019 est présent, à l’exception remarquée de Karim Boudiaf et Assim Madibo. L’expérience primera, comme en atteste les cinquante sélections de moyenne par tête de pipe. On notera tout de même la sélection d’un certain Lucas Mendes, ancien de l’OM, et qui évolue au Qatar depuis 2014. Difficile de dire à quoi peuvent prétendre les locaux. Leur jeu a été décrypté et contré de nombreuses fois depuis leur sacre surprise, mais ils restent malgré tout dans le top asiatique. S’ils ne devraient pas avoir trop de mal à sortir d’une poule abordable, ils viennent de se faire scalper par la Jordanie en amical. Un quart de finale serait probablement le maximum qu’ils puissent tirer. À moins d’un arbitrage maison ?
La Chine reste quant à elle l’éternel déception du football asiatique. Qu’il est loin le temps où Sun Jihai brillait sous la liquette de Manchester City, ou que Guangzhou Evergrande soulevait deux ACL d’affilée. Le déclin supersonique du football chinois n’invite vraiment pas à l’optimisme. Sous la férule du Serbe Aleksandar Janković, la Chine s’est plus ou moins sortie du marasme dans lequel elle était tombée, sans non plus faire vibrer les foules. Si elle peut battre plus petit que soi sans trop de problèmes, elle se fait systématiquement dérouiller dès que le niveau s’élève, en témoigne la récente déconfiture à domicile face aux Sud-Coréens. Les matchs amicaux pré-tournoi ont été catastrophiques avec deux défaites dont – comble de l’humiliation – une face à Hong Kong. Pour cette édition, Janković devra espérer que Wu Lei, son seul joueur potable, soit en forme. Avec un seul mercenaire (Wu Shaocong à Gençlerbirligi) et des cadres vieillissants, on voit mal la Chine aller plus loin que les huitièmes de finale. Encore faut-il pour cela vaincre Tadjiks et Libanais, car on les voit mal prendre le meilleur sur les hôtes qataris. Autre stat qui fait mal : si plus de la moitié du roster a vingt-neuf ans ou plus, seul quatre joueurs étaient présents à l’édition émiratie. Autant dire, des vieilles branches mais sans expérience.
Dans le registre pays de football bizarre, le Liban sort du lot. S’il n’a jamais été un foudre de guerre, il parvient parfois à se montrer solide et vaillant, faisant vaciller les grandes puissances continentales dans un bon jour. Il est cependant toujours engoncé dans sa crise économique sans précédent et n’a plus les ressources pour faire fonctionner un football englué dans le marasme. L’équipe nationale semble plongée dans une torpeur infinie. Si Ivan Hašek avait réussi à faire illusion durant les qualifs du Mondial malgré la situation chaotique du pays, la situation n’a été qu’un long calvaire pour les supporters libanais. Une valse des entraîneurs tous plus limités les uns que les autres (Taha, Ilić, Jurčević), des cadres vieillissants et revenant le plus souvent dans le moribond championnat local, ainsi que des résultats décevants face à des sans-grades (Mongolie, Bangladesh). La seule éclaircie est le retour du Monténégrin Miodrag Radulović, qui était aux commandes des Cèdres lors de la dernière édition. À lui de tirer le meilleur d’un groupe qui a bien perdu en qualité depuis qu’il l’a quitté il y a quatre ans. Bassel Jradi, dans la forme de sa vie en Thaïlande, ou Hassan Maatouk, dont ce sont probablement les dernières minutes sous le maillot libanais, sont les seuls motifs d’espoir créatif dans une équipe limitée et très âgée (seul trois joueurs de vingt-quatre ans ou moins). Au milieu, Dhaini devrait tenir la baraque, tandis que Matar a prouvé qu’il était un numéro un fiable et décisif. Parmi les soldats réguliers, Sonny Saad, Mohammed Haidar ou Nour Mansour devrait guider un groupe ne transpirant pas le talent par tous ses pores. Malgré tout, cela ne devrait pas être suffisant pour le Liban, tant les certitudes manquent dans le jeu. À moins d’un improbable exploit ? Sous la houlette du Monténégrin, le Liban a pu se révéler être une équipe solide, à défaut d’être flamboyante. Il vient d’ailleurs de battre la Jordanie en mode grinta et ne s’est incliné que d’un petit but face à la puissante Arabie saoudite. Un motif d’espoir dans une poule sans réel cador ?
Néophyte de cette édition que l’on attendait depuis déjà un bon moment, le Tadjikistan voit peu à peu ses investissements porter ses fruits. Au vu de ses excellents résultats en équipes de jeunes, les pousses dorées commencent à éclore progressivement chez les Lions du Pamir. Il faut dire que le championnat local fait la part belle aux jeunes, ceux-ci étant régulièrement titulaires dans les équipes de la Visshaya Liga et glanent même des convocations en équipe nationale. Les récents exploits de l’Istiklol Dushanbe en ACL est symptomatique de cette progression des Centrasiatiques, tout comme la signature au grand Shakhtar Donetsk du joyau Khusrav Toirov. Le Croate Petar Šegrt a concocté un bon mélange de locaux et de légionnaires, avec le capitaine Umarbayev connaissant enfin les joies des plus hautes joutes continentales. Il sera accompagné de joueurs d’expérience tels que le gardien Yatimov, les défenseurs Nazarov et Khanonov, et des milieux Panjshanbe, Rakhimov et Juraboev. Le buteur historique Dzhalilov (hospitalisé pour cause de sérieuse maladie) et le défenseur Asrorov manquent cependant à l’appel. Les petits jeunes (Karimov, Toirov, Aknazarov, Gafurov) vont regarder depuis chez eux et apprendre, en espérant faire partie de la prochaine édition en 2027. Cette équipe jeune (vingt-quatre ans de moyenne), technique et offensive manque cependant d’un vrai buteur, étant donné l’indisponibilité de Dzhalilov. Si Shahrom Samiev fait l’affaire contre des équipes moindres, le niveau risque de s’élever et l’efficacité risque d’en pâtir. Malgré tout, le Tadjikistan fait partie de ces teams que tout le monde attend de voir, et une surprise n’est vraiment pas à exclure, vu la moribonderie de la Chine et du Liban.
« Nous avons l'ambition de remporter la Coupe d'Asie et, pour ce faire, nous devons avoir une mentalité impitoyable et nous concentrer sur ce qui nous attend », détaille en conférence de presse, Craig Goodwin, le 3 janvier 2024. L’Australie arrive donc au Qatar avec l’ambition d’être championne comme en 2015 chez elle. Depuis la fin de sa Coupe du Monde et son parcours historique (première victoire en Coupe du Monde depuis 2010 contre la Tunisie (1-0) puis victoire face au Danemark (1-0) les faisant passer en huitièmes et une élimination face au futur champion du monde). Une année est passée et l’Australie a changé de statut. La Fédération souhaitant disputer plus de matchs et contre des nations du top 25 au classement FIFA, en 2023, les Socceroos ont joué l’Équateur (victoire 3-1 et défaite 1-2), l’Argentine (défaite 0-2), ont tenu tête au Mexique (2-2) et rencontré un lointain cousin, l’Angleterre (défaite 0-1). Cette volonté de s’installer définitivement dans le giron des nations les plus compétitives du monde passera donc par un bon parcours lors de cette Coupe d’Asie. Arnold avait souffert en 2019 (élimination en quarts de finale), mais s’appuie sur un groupe soudé depuis la Coupe du Monde 2022. En plus de la Syrie et l’Inde, derniers de leur groupe en 2019, l’Australie va aussi retrouver l’Ouzbékistan qui avait traîné les ‘Roos jusqu’aux tirs au but en huitièmes de finale de l’édition 2019. Dans ses rangs, la sélection australienne n’a plus d’icône comme la génération Cahill, mais collectif est capable de soulever des montagnes avec quelques joueurs au pic de leur forme à l’image d’Aziz Behich avec Melbourne City, Jordy Bos en Belgique ou le néo-australien Gethin Jones qui enchaîne en deuxième division anglaise et n’a jamais porté le maillot australien. Devant, l'excitation est réelle tant les profils sont variés. Le mètre quatre-vingt-dix de Kusini Yengi, la résurgence de Bruno Fornaroli, qui, à trente-six ans, plane sur la A-League, où les inusables Goodwin et Duke. L'appétit de titre est grand, la volonté des Australiens est de capitaliser l’exploit de 2022.
L’Ouzbékistan va-t-il enfin décrocher sa première couronne ? Tous les amateurs de foot n’attendent que ce moment où les Loups Blancs vont enfin briser leur plafond de verre et montrer au monde entier qu’ils sont les meilleurs. La dynamique est en tout cas vertueuse : un coach formateur et expérimenté en la personne de Srečko Katanec, un championnat qui n’en finit pas de progresser, des pépites qui commencent à s’exporter de plus en plus… N’en jetez plus. S’ils arrivent à gommer l’irrégularité qui leur fait défaut et à enfin se dépasser contre les gros calibres, on pourrait enfin avoir une nouvelle tête au tableau des médailles. Une ombre – énorme – noircit cependant le tableau. Son attaquant star, son joyau Eldor Shomurodov s’est blessé avec Cagliari. Catastrophe. Pour le remplacer, il faudra espérer que Igor Sergeiev fasse le taf, mais c’est surtout sur son nouveau diamant Abbosbek Fayzullaiev – brillant de mille feux au CSKA Moscou – que les espoirs de la nation reposent. Pour l’accompagner, les expérimentés Masharipov, Ashurmatov, Sayfiev ou Shukurov feront valoir leur expérience dans leur championnat européen et pourraient enfin valider un titre majeur pour une équipe maintes fois primée chez les jeunes mais au tableau vierge chez les seniors. Quelques jeunes sont du voyage, comme la pépite lensoise Khusanov, presque déjà un pilier de Katanec, et les « Russes » Erkinov et Urunov, excellents frappeurs de loin. À eux de rester concentrés pour dépasser les écueils en travers de leur route. Lors de l’édition précédente, leur chemin s’était arrêté aux tirs aux but face à l’Australie. Une bonne occasion de prendre leur revanche et de montrer à tous que les Loups ont les crocs.
Héctor Cúper, l’ancien mage de Valence qui n’en finit plus de dégringoler, est encore aux commandes des Aigles de Qassioun. On voit cependant mal la Syrie n’être autre chose qu’un fantôme dans cette édition, semblant à des années-lumière de ses opposants. La situation interne est toujours des plus difficiles, même si le spectre djihadiste semble momentanément neutralisé. La fédération locale ne semble pas non plus des plus inspirées, enchaînant les intérims foireux (dont Nabil Maaloul) et s’entêtant avec un entraîneur dont les faits d’armes commencent à remonter. L’Argentin a au moins ratissé le football de son pays pour dénicher des Syriens d’origine, tels Ezequiel Ham, Ibrahim Hesar et Jalil Elías, ainsi que le Colombien Pablo Sabbag. Deux autres gros coups à son actif sont la prise du gardien russo-syrien Maksim Sarraf (CSKA Moscou) et de l’international suédois Aiham Ossou. Il faudra cependant faire avec bien des absences, certaines hautement préjudiciables. Si Mardik Mardikian et Mohammed Osman se sont blessés tardivement, la mise sur la touche de Mahmoud al-Mawas et Omar al-Soma (qui a annoncé sa retraite internationale après une prise de bec tactique avec Cúper) aura des répercussions sur le jeu des Syriens. Peu nombreux sont les motifs d’espoir, si ce n’est la présence du toujours prolifique Khrbin et de Ammar Ramadan, passé par les jeunes de la Juventus. Le reste de l’équipe est un patchwork de joueurs disséminés à travers le monde arabe, avec des gardiens poreux (dont l’inénarrable Ibrahim Alma) et une défense qui devrait bégayer dès que la vitesse va augmenter. On ne donne pas cher de l’équipe syrienne mais, à l’instar de l’Irak autrefois, elle pourrait compter sur sa situation interne pour s’offrir un supplément d’âme et un beau parcours.
Si on est encore loin des sommets continentaux, les Indiens progressent lentement mais sûrement sous la houlette du Croate Igor Štimac. Bon, il y a de fortes chances que les Blue Tigers se fassent poutrer dans les grandes largeurs, mais il faut passer par là pour progresser. Il y a encore quelques années, n’importe quelle équipe asiatique aurait pris les trois points face à l’Inde (même Guam l’a fait). Ces temps semblent révolus puisqu’elle commence à se battre à armes égales avec des teams qui, historiquement, la ratatinaient (Liban, Koweït…). Elle s’est même offert une victoire de prestige au Koweït dans le cadre des qualifs pour le Mondial 2026 – un exploit retentissant tempéré par une grosse fessée administrée par le Qatar quelques jours plus tard. Lors de la dernière édition, sous la houlette de Stephen Constantine, les Indiens avaient éclaté la Thaïlande et ne s’étaient inclinés que de justesse face à Bahreïn et aux Émirats. La tâche semble cette fois tout aussi ardue avec un mondialiste et un des outsiders à la victoire finale. Le match face à la Syrie semble le plus abordable, mais il faudra impérativement répondre au défi physique. Pour ce tournoi, Štimac a convoqué son groupe type, avec des cadres à chaque ligne. Dans les cages, Gurpreet Singh s’est affirmé comme un portier fiable et décisif. Sandesh Jhingan – en échec en Croatie – est revenu briller sur ses terres et contrôle sa défense avec Pritam Kotal. Au milieu, Anirudh Tapa doit animer le jeu, tandis que les buts doivent venir de l’éternel et inoxydable Sunnil Chhetri (quatre-vingt-treize buts en équipe nationale, tout de même…). Il y a malgré tout peu de probabilités de voir l’Inde sortir de ce groupe. Tous ses joueurs évoluent au pays – un championnat en progression mais néanmoins loin des sommets asiatiques – et la différence de gabarit risque de se faire remarquer assez nettement (surtout contre l’Australie). À moins que Štimac ait la clé pour surprendre son monde ?
Éternel candidat à un titre qui le fuit depuis les années soixante-dix, l’Iran se doit enfin de se débarrasser de cette étiquette poisseuse qui lui colle à la peau. Amir Ghalenoei semble avoir instauré une fluidité dans le jeu, ce qui change de la rigidité instaurée par Queiroz. S’ils n’ont aucun mal à flageller des équipes inférieures, les Iraniens semblent coincer mentalement lorsque leurs adversaires répondent facilement à leur défi physique. Que ce soit la Corée du Sud ou le Japon, ils ne parviennent pas à faire déjouer l’équipe adverse dès que celle-ci met du rythme et de l’énergie. Le récent match nul concédé en Ouzbékistan (2-2 alors que les Iraniens menaient 2-0) montre que, lorsque la machine s’enraie, l’absence de plan B se fait sentir. Mais il faut croire que l’Iran, plus que tout autre pays, est une terre de tradition. On a une impression nette de voir les mêmes joueurs à l’œuvre depuis 2014. Tous les cadres sont là. Les Beiravand, Hajsafi, Ghoddos, Jahanbakhsh, Ebrahimi, Ansarifard, sans oublier le meilleur duo d’attaquants asiatique, Taremi et Azmoun. Seul Pouraliganji manque à l’appel pour cause de blessure. Le groupe est extrêmement expérimenté (quinze joueurs à plus de trente capes, et seulement deux débutants) et possède toute la panoplie pour aller jusqu’au bout. Il faudra malgré tout faire attention à la fin de course de certains joueurs en nette perte de vitesse (Beiravand, Ghoddos, Ghayedi), plus proche du MMA que du football. Car oui, l’Iran a une fâcheuse tendance à sortir de ses gonds – tant par son jeu testostéroné que par une maîtrise toute relative de ses émotions – ce qui constitue son talon d’Achille dès que les premières contrariétés apparaissent. Il devrait malgré tout sortir du groupe sans trop de problèmes, avant de passer aux choses sérieuses dès le tour suivant.
Ils sont toujours là et pourtant on jurerait ne pas s’en rendre compte. Sans faire de bruit, les Faucons enquillent une onzième participation à la Coupe d’Asie, la sixième consécutive, se hissant fréquemment dans les hautes sphères. Cette fois-ci, ils rajoutent en plus une dimension personnelle. Dans le fond, les Émirats arabes unis aimeraient bien faire la nique à leurs voisins et leur rendre la monnaie de leur pièce. Il y a quatre ans, le Qatar avait ainsi raflé le Graal sur les terres émiraties, tout en écrasant les hôtes 4-0 dans un contexte politique tendu. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, mais le fond demeure. Paulo Bento a pris les rênes des Faucons en juillet 2023 et n’a accumulé que des victoires depuis lors. Sa victoire à Bahreïn pour les qualifications du Mondial pose un signal, les Émiratis semblent avoir trouvé une certaine rigueur. Ils seront menés par les trois hommes en forme, à savoir Canedo, Fabio Lima, et surtout Ali Mabkhout et ses quatre-vingt-quatre banderilles en équipe nationale. Suffisant pour sortir des poules, probablement, et pourquoi ne pas espérer une surprise ? Lors des deux dernières éditions, les Émirats ont atteint les demi-finales à chaque fois, décrochant même une médaille de bronze en 2015.
Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas revu la bouille des Hong-Kongais en foot de haut niveau. Depuis 1968 en fait. Qualifiés grâce à un groupe faible au possible (avec l’Afghanistan et le Cambodge, entre autres), les Dragons menés par le Norvégien Jørn Andersen n’auront que peu de certitudes à l’orée de ce combat contre les habitués du circuit. Seul Udebuluzor évolue en Europe, mais il a dix-neuf ans. Matt Orr va l’accompagner devant, tandis que Yapp Hung Fai gardera les cages pour atteindre ses quatre-vingt-dix sélections. Les vingt-six joueurs convoqués ne totalisent que trente-deux buts tous ensemble. Hong Kong a également naturalisé trois Brésiliens dont l’âge combiné est de cent ans. Encore une belle preuve des prédispositions asiatiques pour les mathématiques. À part ça, rien de bien positif pour une équipe qui n’a remporté que trois de ses dix derniers matchs, contre des faire-valoir (Brunei et Bhoutan). MAIS, dans ses trois matchs, il y a surtout une victoire historique contre l’oppressant voisin chinois. Du coup, même s’ils s’attendent à trois défaites haut les cœurs, ils pourront dire qu’ils auront déjà réussi leur Coupe d’Asie. Ils pourront également se dire qu’ils ont le plus bel écusson de tous les qualifiés.
Difficile de penser au football pour le peuple palestinien actuellement. Le pilonnage en règle de Gaza occupe invariablement les esprits, mettant le ballon rond au second plan. Pourtant, c’est au plus fort de situations dramatiques que naissent parfois des contes improbables. Demandez à l’Irak de 2007 (dont l’histoire est à lire dans le LOmag n°1) Le chaos permanent qui entoure l’équipe, sans compter l’amateurisme total qui entoure leur fédération, n’en rend que plus admirable le travail réalisé par le Tunisien Makram Daboub. Celui-ci a réussi à créer un plan de jeu simple suivi par ses joueurs et qui lui a permis de brillamment se qualifier pour la Coupe d’Asie. Problème, les Palestiniens n’ont que de mauvais résultats à l’extérieur. Ils pourront certes compter sur leur diaspora au Qatar, mais les Iraniens et les Émiratis peuvent en dire autant. Il faudra faire preuve de résilience et enfin disposer d’équipes plus fortes que soi pour accéder à un second tour qui serait historique, et au moins inscrire un second but après celui marqué contre la Jordanie en 2015. Daboub a fait confiance à ses hommes forts, à savoir le portier Rami Hamadi, l’un des meilleurs à son poste sur le continent, les défenseurs Al-Battat, Saleh et Hamed Mayor, tandis que Ataa Jaber, Tamer Seyam et Mohammed Rashid s’occupent de l’animation offensive. Devant, il faut espérer que Oday Dabbagh sorte de son mutisme, car les autres référents offensifs valent tripette. Mahmoud Wadi n’a toujours pas scoré en vingt apparitions, et les frères Qombor sont tout aussi muets. Saleh Chihadeh, retourné en quatrième division suisse, n’a jamais vraiment convaincu, et c’est donc un secteur qui reposera énormément sur ses ailiers Abu Warda, Batran et Seyam pour performer. Si les Iraniens semblent hors d’atteinte, une surprise contre les Émirats n’est pas à exclure. Pour cela, il faudra impérativement battre Hong Kong, sans quoi l’aventure se finira aussi vite qu’elle a commencé. Mais ne vous inquiétez pas, s’il y a bien une équipe en mission pour son peuple, c’est bien la Palestine.
Les Samurai Blue sont tout simplement LES favoris de cette édition 2023 de la Coupe d’Asie. Finalistes de l’édition 2019 et vaincus par de surprenants Qataris, ils sont désormais les porte-étendards des nations asiatiques sur la scène internationale en pointant à la 17e place du classement FIFA. À la suite d’une Coupe du Monde 2022 miraculeuse, le Japon a détrôné l’Iran, deuxième fleuron asiatique désormais à quatre places derrière. Ces bons résultats ont permis à Hajime Moriyasu, sélectionneur depuis 2018, de se maintenir à son poste contre vents et marées. La Coupe du Monde passée, exit la vieille garde composée des Kawashima, Nagatomo, Yoshida, Sakai ou Shibasaki. Moriyasu intègre des jeunes, parfois pensionnaires de J.League, pour leur faire endosser un rôle davantage à leur mesure. Bien lui en est pris car les Samurai Blue restent depuis juin 2023 sur huit victoires d’affilée avec trente-quatre buts à la clé et des victoires de prestige contre l’Allemagne et la Turquie en amical. C’est ainsi que l’archipel nippone a pu démontrer son énorme potentiel offensif. Les dynamiteurs et superstars Junya Ito (Reims), Kaoru Mitoma (Brighton) ou Takefusa Kubo (Real Sociedad) – ces deux derniers arrivent blessés au Qatar – feront bien sûr partie des vingt-six joueurs sélectionnés. Ils seront en concurrence notamment avec Ritsu Doan (Fribourg), Takuma Asano (Bochum), qui s’étaient tous deux distingués durant la Coupe du Monde, Daizen Maeda (Celtic), Takumi Minamino (Monaco) ou encore Keito Nakamura (Reims), ce dernier ayant été particulièrement prolifique en sélection durant la fameuse série de victoire en cours. Tout ce beau monde devrait servir en pointe Ayase Ueda (Feyenoord) ou Mao Hosoya (Kashiwa Reysol). Asano et Maeda pourrait aussi s’y retrouver. Au milieu, Moriyasu kantoku pourra se reposer sur sa pierre angulaire et capitaine Wataru Endo, qui roule sur la Premier League depuis plusieurs semaines avec Liverpool ainsi que sur Hidemasa Morita (Sporting) ; Reo Hatate (Celtic) et Kaishu Sano (Kashima Antlers) feront la rotation. En défense, ça s’annonce tout aussi costaud : dans l’axe, Ko Itakura (Mönchengladbach), qui revient en pleine possession de ses moyens, Takehiro Tomiyasu (Arsenal), le local Shogo Taniguchi (Al-Rayyan) et les belges Koki Machida (Union Saint-Gilloise) et Tsuyoshi Watanabe (La Gantoise) ne devraient pas laisser beaucoup de ballons à leurs adversaires ; sur les côtés, on espère voir briller Yukinari Sugawara (AZ Alkmaar) et Hiroki Ito (Stuttgart), tout comme Seiya Maikuma (Cerezo Osaka) et Yuta Nakayama (Huddersfield). Enfin, les buts devraient être gardés par le jeune Zion Suzuki, auteur d’un début de saison prometteur du côté de Saint-Trond. Il profite des absences de Daniel Schmidt, auteur d’un début de saison blanc et à peine transféré à La Gantoise, d’un Kosuke Nakamura pas titu à Portimonense et d’un Keisuke Osako convalescent pour s’imposer devant Daiya Maekawa (Vissel Kobe) et Taishi Brandon Nozawa (FC Tokyo). Vous l’aurez constaté, très peu de joueurs de la J.League à déplorer – seulement cinq représentants alors que les trois joueurs de champ pourraient bien se faire la malle en Europe durant le mercato hivernal. Les yeux avisés auront également remarqué quelques absences de marque : revenu (un peu) en grâce en sélection après la Coupe du Monde, Kyogo Furuhashi, auteur d’une première partie de saison convaincante, restera à Glasgow ; Ao Tanaka, pièce maitresse du milieu de terrain nippon, reste également à la maison pour lui laisser le temps de trouver un nouveau club ; même raison pour Daichi Kamada, en échec à la Lazio, et de toute façon peu prolifique en sélection. On pourrait également pointer les absences d’Atsuki Ito (Urawa Reds), appelé régulièrement en bleu en 2023 et qui aurait pu donner de sérieux coups de pouce au milieu, ou Yuya Osako, auteur d’une saison magistrale à vingt-deux buts en pointe de l’attaque du champion 2023 Vissel Kobe, lui qui compte cinquante-sept sélections pour vingt-cinq buts et qui avait encore été appelé en 2022.
Attention, outsider en vue ! Les suiveurs du football asiatique se rappellent encore lorsque, en pleine apocalypse de la guerre civile irakienne, l’équipe nationale avait déjoué tous les pronostics pour s’adjuger la couronne continentale. Cette épopée, tous les Irakiens donneraient un bras pour la revivre. Le cercle vertueux initié il y a près d’un an grâce à l’Espagnol Jesús Casas et au président de la fédération Adnan Dirjal est en train de porter ses fruits. Avec Casas, l’Irak a gagné la Coupe du Golfe, la Kings Cup et surtout a battu l’Indonésie (5-1) et le Vietnam (1-0 à Hanoi), deux de ses adversaires en groupes. Autant dire que l’avantage psychologique est du côté des Irakiens, qui évolueront quasiment à la maison, avec leur foule de supporters et les températures auxquels ils sont habitués. Casas se met à avoir des problèmes de riche. Un coup d’œil aux absents suffit à s’en rendre compte. Entre Mustafa Nadheem, Ali Faez, Humam Tariq, Hussein Ali ou Alaa Abbas, ce sont près de deux cent-cinquante capes qui se font la malle. Le technicien espagnol a pris néanmoins un gros risque en convoquant des bizuts au niveau international asiatique, comme le Rouennais Ahmad Allée, Danilo al-Saeed de Sandefjord, les ailiers boutonneux Amyn et Madjed ou le talentueux mais fragile Zidane Iqbal. Mais la mayonnaise peut prendre rapidement. La défense est solide, entre Ali Adnan, les centraux Sulaka et Natiq, Doski qui évolue en Tchéquie, ou la toute nouvelle acquisition Hussein Ali (un autre) de Heerenveen. Bashar Resan et le virevoltant Bayesh animent les ailes, tandis que Osama Rashid (Vizela) et Amir al-Ammari (Halmstad) tiennent le milieu. En attaque, Aymen Hussein convainc enfin après des années de mutisme, tandis que l’ancienne pépite Mohanad Ali se refait une santé, et que « l’Anglais » Ali al-Hamadi plante ses premières banderilles sous la tunique des Lions de Mésopotamie. Le point faible de cette équipe est le sémillant Jalal Hassan, dernier rempart capable de bourdes improbables, et un déficit d’expérience pour une bonne partie du groupe (seuls neuf joueurs étaient là il y a quatre ans). Malgré tout, l’Irak devrait atteindre les quarts de finale, s’il parvient à rester concentré. À partir de là, que la magie de Babylone opère.
De plus en plus de joueurs de l’ASEAN s’exportent dans le reste du continent ou en Europe. Cette tendance est cependant beaucoup moins présente au Vietnam, où peu de joueurs tentent l’aventure étrangère. C’est ainsi que la sélection présente à l’Asian Cup ne compte que des joueurs évoluant en V.League. Symbole à la fois d’un championnat de plus en plus compétitif financièrement, capable de retenir les joueurs, mais aussi de la difficulté de quitter ce cocon, où la ferveur et l’enthousiasme sont forts. Les Guerriers de l’Étoile d’Or sont une équipe ascendante du football asiatique. Et ce grâce aux travaux du précédent sélectionneur, Park Hang-seo, resté plus de cinq ans et parti en octobre. Il a donc été remplacé par le Français Philippe Troussier, qui a notamment entraîné le Japon entre 1998 et 2002. Ce changement de coach donne pour l’instant peu de résultats, notamment dans le jeu, où le Vietnam semble moins inspiré qu’avant. Ce qui sera problématique puisque le groupe est très relevé. Par ailleurs, le Vietnam doit déplorer une cascade de blessés : tout d’abord, Đặng Văn Lâm, un des meilleurs gardiens d’ASEAN, sa doublure Trần Nguyên Mạnh, l’ancien d’Heerenveen Đoàn Văn Hậu, Phan Văn Đức, Nguyễn Văn Quyết, le capitaine Quế Ngọc Hải et surtout l’attaquant Nguyễn Tiến Linh, fer de lance de la sélection et qui enchaînait les buts depuis quelques années. Sans compter l’absence pour méforme totale de Nguyễn Công Phượng, qui enchaîne sa troisième déconvenue à l’étranger. Malgré tout, l’équipe vietnamienne reste assez bien armée, avec l’arrivée de Nguyễn Filip, gardien binational tchèque qui a déjà disputé l’Europa League et dont la naturalisation tombe à pic. Sur le front de l’attaque, le faux neuf Phạm Tuấn Hải sera aussi un joueur à suivre, pour sa vélocité et sa technicité. Enfin, si le Vietnam brille par sa défense, c’est en partie grâce au jeune Nguyễn Thanh Bình, un défenseur avec un excellent sens de l’anticipation. Le tout en espérant que l’ancien Pallois Nguyễn Quang Hải retrouve la magie qui lui avait permis d’emmener le Vietnam en quarts de finale en 2019. Le groupe emmené par Philippe Troussier aura en tout cas pour objectif de sortir des phases de groupes, mais la tâche s’annonce ardue, entre un Japon qui marche sur l’eau et l’Irak qui remporté une victoire décisive à Hanoï en novembre dernier.
Avec un peu plus de vingt-quatre ans de moyenne d’âge, l’Indonésie est la sélection la plus jeune de cette Asian Cup. Si le pays a traversé moments difficiles et suspensions lors de la précédente décennie, le voilà plus que jamais de retour sur la scène continentale. Une réussite due en partie à l’excellent travail du coach sud-coréen Shin Tae-yong, en poste depuis janvier 2020, et qui intègre beaucoup de jeunes. Qu’il est loin le temps où l’Indonésie se vautrait à la dernière place des qualifications pour 2022, récoltant neuf défaites en dix matchs face, affront majeur, à ses voisins et rivaux malaisien, thaïlandais et vietnamien. Exit Mc Menemy, bonjour Shin Tae-yong. C’est peu dire que le coach sud-coréen a su redresser un bateau en perdition, l’amenant facilement en finale de l’AFF 2020. Cependant depuis novembre, la sélection est un peu moins en forme, avec des contreperformances lors des qualifications à la Coupe du Monde 2026. Les deux derniers matchs amicaux, contre la Libye, se sont soldés par deux défaites, même si l’équipe A n’était pas alignée. Un onze type composé notamment de Marselino Ferdinan, un des plus gros prospects de l’ASEAN, et qui évolue désormais à Deinze en deuxième division belge. Il sera à suivre, tout comme le jeune Elkan Baggott, binational anglais et défenseur central d’Ipswich déjà bien intégré en sélection. Enfin, l’ailier Witan Sulaeman sera l’arme offensive majeure. Malgré un début de carrière en club compliqué, il performe beaucoup en sélection. Ces trois jeunes joueurs représentent parfaitement la sélection indonésienne, qui mélange talents locaux et binationaux. Un gros travail de scouting est effectué pour convaincre les joueurs de la diaspora de rejoindre la Tim Garuda. Ainsi, Justin Hubner, Ivar Jenner et Rafael Struick, tous trois Hollandais, ont reçu le fameux sésame. Quelques mois auparavant, c’est Sandy Walsh (Malines), Jordi Amat (Johor) et Shayne Pattynama (Viking Stavanger) qui revêtaient la tunique rouge pour apporter leur expérience à un groupe très jeune. On suivra aussi la progression de Ramadhan Sananta, futur artilleur en chef de la sélection. Malheureusement pour l’Indonésie, le tirage au sort aura été loin d’être clément. Nul besoin de présenter le Japon, le Vietnam est un rival historique et actuellement dominant, tandis que l’Irak les a récemment écrasés 5-1 en qualifications, dans un climat assez similaire à celui qu’ils retrouveront au Qatar. Autant dire qu’il faudra un véritable exploit pour les voir sortir des groupes.
Après une Coupe du Monde réussie, la Corée du Sud se lance dans la Coupe d'Asie avec l'ambition assumée de la remporter. Avec seulement deux succès en 1956 et 1960, la Corée du Sud est-elle condamnée à rester éternellement un favori ? Comme à l'accoutumé, la KFA lance un cycle de quatre ans axé sur le prochain Mondial ne laissant ainsi que peu de temps à son nouveau sélectionneur pour préparer la Coupe d'Asie. Mais celui-ci se voit néanmoins confier la mission de ramener le trophée à Seoul. Nommé en février 2023, Jürgen Klinsmann a donc la lourde tâche d'aller chercher une troisième couronne asiatique. Après un début de mandat compliqué avec un bilan de trois matchs nuls et deux défaites, le sélectionneur allemand a réussi à redresser la barre en remportant les six derniers matchs des Guerriers Taeguk, certes face à des adversaires de moins gros calibre. Si le jeu proposé est encore loin d'être satisfaisant, comme en témoigne la dernière prestation lors de l'unique match de préparation face à l'Irak (1-0), la confiance commence à venir. Ce qui n'empêche pas le sélectionneur allemand de naviguer en eaux troubles au milieu des critiques des supporters et des journalistes pour son absence dans le pays, les résultats mitigés et les choix de joueurs.
Les joueurs justement. La liste de Jürgen Klinsmann ne comporte aucune surprise par rapport aux dernières sélections. Mais des choix restent surprenants et font fi de toute considération de la situation des joueurs en club. Autorisé à convoquer vingt-six joueurs, Jürgen Klinsmann a décidé d'amener avec lui trois joueurs supplémentaires qui interrogent. Kim Ji-soo ne joue pas en équipe première à Brentford, mais le sélectionneur allemand souhaite donner de l'expérience à un jeune joueur. Yang Hyun-jun est en difficulté du côté du Celtic, mais se voit appeler en lieu et place de joueurs comme Um Won-sang (Ulsan) ou Song Min-kyu (Jeonbuk). Enfin, Park Jin-seop (Jeonbuk) est convoqué alors que son coéquipier, Paik Seung-ho, reste à la maison. Que dire également de la présence de Moon Seon-min (Jeonbuk) et Lee Ki-je (Suwon Bluewings) qui n'ont pas réalisé de grandes saisons. Jeong Woo-yeong ne joue plus avec son club de Stuttgart mais est bien présent également. Autre point d'interrogation pour Jürgen Klinsmann et qu'il ne semble pas avoir anticipé, le poste de n°9. Hwang Ui-jo étant suspendu pendant l'enquête judiciaire qui le concerne en Corée du Sud, il semblait légitime de voir un autre attaquant être appelé, comme Joo Min-kyu (Ulsan). Il n'en est rien. Klinsmann part ainsi au Qatar avec Cho Gue-sung (Mitdjylland) et Oh Hyeon-gyu, qui cire le banc du Celtic. Aligné régulièrement à la pointe de l'attaque de Tottenham, Son Heung-min pourrait donc reprendre ce rôle avec les Guerriers Taeguk. Mais le système de Jürgen Klinsmann à deux attaquants dont un vrai 9 ne laisse pas de grande marge de manœuvre avec les joueurs appelés. Ces différents points évoqués, il est nécessaire de souligner que l'effectif sud-coréen est l'un des plus fournis du plateau avec des joueurs en grande forme en club comme Kim Min-jae (Bayern Munich), Son Heung-min (Tottenham), Hwang Hee-chan (Wolverhampton) ou encore Lee Kang-in (PSG). Reste à savoir si ces hommes-là sauront mener leur pays vers le succès alors qu'ils commencent seulement à avoir des automatismes sous Jürgen Klinsmann. Réponse très bientôt.
Le traditionnel porc-épic de l’Asie. Bahreïn est l’exemple même de l’équipe pénible à jouer, capable de scorer sur sa seule action du match et de faire le dos rond pendant quatre-vingt-dix minutes. Sous Helio Sousa, Bahreïn avait même décroché ses deux premiers titres au WAFF Championship et à la Coupe du Golfe en 2019. Helio Sousa s’en est allé et Juan Antonio Pizzi a pris la relève entre temps. On ne sait jamais ce qui peut se passer avec Bahreïn, capable de battre les équipes du top continental, puis se vautrer contre plus petit que soi. Comme à chaque édition, ils ne seront pas à prendre à la légère, et pourrait même faire tomber un gros poisson s’ils parviennent à l’attirer dans leur piège. Lors de la dernière édition, ils avaient même poussé les Sud-Coréens aux prolongations en huitièmes de finale avant de finalement capituler. Et devinez qui se trouve dans leur groupe ? Il y a de l’expérience au sein de l’équipe, à commencer par le légendaire portier Sayed Jaffar et ses cent soixante-et-une sélections. Un autre centenaire, Waleed al-Hayam, l’accompagne en défense, mais c’est surtout au milieu que la différence se fera. Entre Ali Madan, Mohammed Marhoon (de retour de Tchéquie), Kamil al-Aswad et Jasim al-Shaykh, on frôle les trois cents capes ! Devant, c’est l’autre Tchèque, Abdulla Helal, qui sera chargé d’alimenter le marquoir, suppléé par Al-Humaidan en back-up. Une équipe sans véritable star donc, mais animé d’un état d’esprit solidaire. S’il est dur de les voir atteindre le Graal, il est tout à fait possible de les voir s’extirper des groupes. Leur dernière rencontre avec les Malaisiens avait d’ailleurs tourné à leur avantage lorsqu’ils se sont imposés 2-1 à Kuala Lumpur.
L’orage gronde dans le royaume hachémite. Qu’il semble loin le temps où les Nashama brusquaient l’Australie et rendaient fous le gotha asiatique. Sous Borkelmans et Adnan Hamad, la Jordanie était le poil à gratter par excellence, dur à manœuvrer et redoutable sur coups de pied arrêtés. Tout cela semble révolu depuis que Hussein Ammouta a pris les rênes de l’équipe. Depuis septembre, la Jordanie a perdu six fois, pour deux piteux matchs nuls. Ils ont arraché un nul inespéré au Tadjikistan, avant de prendre le bouillon face aux Saoudiens à Amman. Seule éclaircie, la victoire face au Qatar il y a quelques jours. Le technicien marocain a convoqué une équipe qui ne se renouvelle que très peu, avec huit joueurs en dessous des vingt capes. La « baleine » Amer Shafi a rendu son tablier dans les buts, remplacés par Abu Layla, en attendant que Fakhouri explose pour de bon. En défense, Anas Bani Yaseen est le doyen du groupe du haut de ses cent quatorze capes et tiendra la baraque avec Yazan al-Arab et Ihsan Haddad. Au milieu, Al-Rawabdeh et Al-Mardi devront être dans un bon jour pour compenser la baisse de forme de la star Musa Al-Taamari après un début de saison canon avec Montpellier. Devant, l’expérimenté Al-Dardour épaulera les talentueux Ali Olwan et Yazan Al-Naimat, des habitués du championnat local. En bref, la Jordanie a une carte à jouer si Al-Taamari se réveille, et surtout si son sélectionneur parvient à fédérer son groupe pour sortir d’un groupe abordable (exception faite des Coréens). On a cependant l’impression que le sabordage grandeur nature arrive, ce qui ne constituerait une surprise pour personne.
Les Harimau sont prêts à rugir de nouveau ! Sous la houlette de Kim Pan-gon (le sosie du bandit dans Squid Game), la Malaisie retrouve la grande scène continentale, seize ans après sa dernière apparition. Retombée dans l’anonymat une décennie durant, elle semble avoir enclenché une dynamique intéressante depuis quelques années, d’abord sous Tan Cheng Hoe, puis du Sud-Coréen. Les vingt-sept derniers matchs se sont soldés par dix-neuf victoires, deux nuls et six défaites. Pas mal pour des revenants ! C’est surtout l’état d’esprit qui fait plaisir à voir, revenant d’entre les morts pour battre le Kirghizistan 4-3 après avoir été mené 1-3, ou en arrachant des partages contre la Chine et la Syrie, des équipes censées être au-dessus d’elle. Sans grande surprise, le principal pourvoyeur de l’équipe nationale est la superpuissance Johor Darul Ta’zim, la meilleure équipe d’Asie du Sud-Est, et capable de tenir la dragée haute à des clubs plus huppés en ACL. Douze joueurs évoluent sous la liquette bleue et rouge, Sabah, Selangor et Kuala Lumpur City se partageant le reste. Seuls Junior Eldstal (Dewa United) et Dion Cools (Buriram) monnaient leur talent à l’étranger. La star incontestée de l’équipe est évidemment Safawi Rasid, capable de dribbler la terre entière si besoin, ainsi que Arif Aiman, nouveau dépositaire du jeu de Johor. La’Vere Corbin-Ong viendra mettre son mètre quatre-vingt-quatre sur corner de temps à autre, tandis que Brendan Gan orientera le jeu du haut de ses trente-cinq ans. La Malaisie repose beaucoup sur les naturalisés, que ce soient des Malaisiens d’origine ou des étrangers jouant dans le championnat local, s’attirant les foudres de ses supporters, fiers de leur tradition footballistique. Elle a malgré tout une carte à jouer dans un groupe où seule la Corée fait figure d’épouvantail.
Au cœur de l’actualité footballistique de ces derniers mois, souvent haï, et parfois encensé, le ballon rond saoudien est particulièrement clivant. C’est beaucoup moins le cas de son équipe nationale, qui fait peu parler d’elle et qui n’est que rarement citée parmi les favoris au titre. Et pour cause, contrairement à des pays comme le Japon et la Corée du Sud, aucun joueur de cette sélection saoudienne ne joue en Europe, ni même tout simplement à l’étranger. La faute à une politique de conservation des talents, en place depuis longtemps, pour éviter une fuite de talents qui dégraderait le championnat. Les Faucons sont pourtant très bien armés pour cette Asian Cup. Le pays, corecordman avec la Corée du Sud du nombre de finales disputées (six), s’avance avec un groupe pour une fois assez jeune. Le nouveau coach Roberto Mancini n’a ainsi pas convoqué des joueurs comme Salman Al-Faraj, emblématique meneur de jeu de la sélection depuis 2013, ou Sultan Al-Ghannam, latéral au profil offensif. On retrouve à leur place des jeunes, aux profils variés. L’exemple le plus parlant est la convocation d’Abbas Al-Hassan, dix-neuf ans, qui dispute sa première saison pro à Al-Fath, où il brille déjà. Devant, l’expérimenté Al-Shehri devra batailler avec Abdullah Radif, vingt ans, buteur longiligne très technique, et avec Firas Al-Buraikan, attaquant rapide, plus explosif et déjà redoutable face au but. L’effectif de la sélection est, au final, assez jeune et plutôt inexpérimenté, mais pourra compter sur les patrons Mohammed Kanno et Salem Al-Dawsari. Même si remporter la compétition semble être une marche trop haute et que l’après Renard a été particulièrement compliqué, Mancini aura l’obligation d’emmener les siens en demi-finales. Les tâtonnements dont l’équipe a fait preuve jusque-là pourrait cependant lui jouer de vilains tours, à commencer par des voisins omanais qui ne demandent que ça.
Septembre 2023, la Thaïlande affronte l’Irak en finale du tournoi amical de la King’s Cup. Alors sous la direction de l’entraîneur germano-brésilien, Mano Polking, les Changsuek livrent une prestation de grande classe. Un Chanathip des grands soirs, des sorties de balles aussi classes qu’intelligentes, et la sensation de voir naître un sérieux outsider pour la Coupe d’Asie. C’était sans compter sur les méfaits de la politique et la guerre des égos dans le football thaïlandais. Cinq mois plus tard, la sélection est un champ de ruines, dans lequel personne ne semble pouvoir porter le costume de héros. Mano Polking à la maison, c’est désormais l’entraîneur japonais Masatada Iishi qui, par un malsain concours de jeux institutionnels, est arrivé sur le banc de la sélection, il y a trois semaines. Oui, trois malheureuses semaines afin de tout reconstruire de zéro, et préparer un groupe en vrac pour une compétition majeure. La fédération a détruit en un mois ce que Mano Polking et son staff avaient construit en deux ans. C’est donc dans ce calamiteux contexte que Masatada Iishi a annoncé une liste de vingt-six joueurs le 3 janvier dernier. Mieux vaut tard que jamais. Au rayon des mauvaises nouvelles, comme si tout le reste ne suffisait pas, les absences, pour cause de blessures, de Chanathip Songkrasin au milieu et Teerasil Dangda en attaque. On parle là, des deux joueurs les plus intelligents de la sélection, les maîtres à penser sur toutes les phases offensives. Autant dire qu’on peut parler d’une catastrophe totale. Pour le reste, du classique. Le coach nippon s’appuie sur les mêmes joueurs que Mano Polking avait l’habitude de prendre. Ça valait bien le coup de changer d’entraîneur ! À noter, le retour de l’ex-prodige de Samut Prakan, Jaroensak Wonggorn dans le groupe, ainsi que l’absence d’un pur avant-centre, malgré la disponibilité d’Adisak Kraisorn. Dans une poule où l’Arabie saoudite fait figure d’intouchable, la Thaïlande devra se battre avec Oman et le Kirghizistan afin de finir deuxième. L’idée de terminer parmi les meilleurs troisièmes reste cependant l’option la plus réaliste.
Le football omanais est à l’image de son pays. Discret, loin du clinquant des pétromonarchies voisines, mais tout de même passionnant. Très méconnue, la sélection omanaise est pourtant devenue incontournable en Asie. Grâce d’une part à certains coups d’éclat, comme la victoire contre le Japon lors des qualifications à la Coupe du Monde 2022, mais aussi grâce à sa régularité, et son style de jeu, ultra défensif, faisant de ses cages une forteresse aussi imprenable que le fort Al-Mirani, monument de la capitale Mascate. Cette imperméabilité fait d’Oman une sélection très redoutée. En poste depuis quatre ans, le technicien croate Branko Ivanković a consolidé un collectif déjà très soudé, une identité de jeu développée par deux français entre 2008 et 2015 : Claude Le Roy puis Paul Le Guen. Mais si les Ahmar ont développé ce jeu en équipe, c’est pour palier un manque évident de qualités individuelles. Certains joueurs sont tout de même réellement intéressants, notamment le milieu Arshad Al-Alawi, un joueur très technique indispensable, ou Salah Al-Yahayei, un milieu offensif rapide, clé de voûte des contres éclairs qui ont fait tomber le Japon, ou plus récemment les Émirats arabes unis. La sélection omanaise devrait en tout cas sortir des poules, et pourrait, avec un bon tirage, accéder sans encombre aux quarts de finale. Cependant, face aux équipes avec de grands talents individuels, comme le Japon ou la Corée du Sud, ce sera très difficile pour le sultanat de gagner.
On ne va pas se mentir, ça fait du bien de voir des pays émergents revenir parmi nous. Il y a quatre ans, les Kirghiz avaient agréablement surpris leur monde en atteignant les huitièmes, durant lesquels ils auront poussé les hôtes émiratis en prolongation. Coachés par le Russe Aleksander Krestinin, auteur d’un plan de développement visant à faire progresser le football kirghiz, ils s’étaient vaillamment défendus face aux Coréens et aux Chinois, avant de laminer les Philippins. Krestinin s’en est allé, et c’est le Slovaque Štefan Tarkovič qui a pris sa place. Force est de constater que la mayonnaise a du mal à prendre, à part une victoire surprise contre Oman en novembre. Beaucoup de défaites en amical et surtout cette remontada subie en Malaisie en menant 3-1 à la 72e. S’ils retrouvent les Omanais, le terrain jouera en faveur de leurs adversaires et il y a fort à parier que les Faucons Blancs rentreront à Bishkek plus vite que prévu. Il faut cependant mettre au crédit de Tarkovič une volonté de rajeunir significativement l’équipe. Le gardien titulaire Erzhan Tokotayev (Sanliurfaspor) n’a que vingt-trois ans, comme le milieu du Neman Grodno Gulzhigit Alykulov, alors que les deux promesses nationales Almazbektov (Galatasaray) et Kimi Merk (Pakhtakor Tashkent) accumulent les apparitions du haut de leurs dix-huit et dix-neuf ans. Le reste de l’équipe est disséminé en Asie centrale et en Russie. Musabekov, Zhyrgalbek, Kozubaev, Kichin et Duyshobekov seront les véritables piliers d’une équipe dont il est dur d’espérer quelque chose, tant le groupe est relevé. On devrait néanmoins s’attendre à du spectacle, tant les équipes d’Asie centrale sont amatrices de jeu débridé.