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·7 décembre 2021
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S'il refuse d'être qualifié de patron de la défense au profit du collectif, avec l'humilité qu'on lui connait, Nayef Aguerd franchit un cap cette saison avec le Stade rennais. Retour (...)
Un peu de repos, enfin. Juste un petit peu. Avec 24 matchs et 2151 minutes au compteur, Nayef Aguerd n’a raté que 9 minutes avec le Stade rennais depuis le début de saison, remplacé en fin de partie face à Saint-Etienne. Ajoutez à cela ses 6 titularisations avec la sélection du Maroc depuis septembre, et vous obtenez un joueur ayant joué 2691 minutes au 7 décembre, plus qu’aucun autre joueur de l’effectif du SRFC.
« Je me sens bien, Thomas (Choinard, responsable performance, ndlr) nous suit de près. J’essaye de tout faire correctement en dehors du terrain. Je suis content du temps de jeu, j’ai toujours travaillé pour jouer enchainer des matchs. » confiait Aguerd, avant la réception du Vitesse Arnhem (3-3) il y a une dizaine de jours. Pour autant, il n’en a pas toujours été ainsi.
Il faut remonter le temps et parcourir des milliers de kilomètres pour retrouver un Nayef Aguerd, déçu dans un premier temps. A deux doigts de rejoindre Valence, le jeune Marocain vit sa première désillusion et doit rester au pays. Direction le FUS Rabat, où Walid Regragui récupère un joueur bien différent de celui de 2021. « Visuellement quand on me le présente, c’est une tige. Il était tout frêle, grand, il ne ressemblait à rien. » confie l’entraîneur, aujourd’hui au Wydad Casablanca. « Il était désarticulé, tu te dis que ce n’est pas costaud pour un défenseur central, et qu’il va y avoir du boulot. Ensuite on me fait un bon rapport de ses matchs et je vais le voir avec les Espoirs. Au bout d’une demi-heure, je dis au responsable qu’il s’entrainera avec moi le lundi. Il allait très vite pour sa taille, il sautait très haut, il avait gagné tous les duels et m’avait convaincu qu’il pouvait faire de bonnes choses dans la relance. »
Aguerd a presque 18 ans, et un vrai travail physique s’engage pour construire un défenseur solide. « On a fait beaucoup de post-formation avec Nayef. Il était demandeur. On a axé d’abord sur son physique, beaucoup de musculation, de gainage, au niveau des jambes aussi. » Davantage massif, Nayef est armé pour le haut niveau, mais se heurte au rythme de la Ligue 1 à son arrivée à Dijon, en 2018. « Il l’a vu dès qu’il est arrivé, au niveau de l’intensité des entraînements et la charge de travail. Physiquement il était assez frêle. Il s’est beaucoup épaissi en arrivant en France, dès le premier mois il a beaucoup travaillé sur ça. » explique Fouad Chafik, son coéquipier au DFCO. Même constat du côté de Julien Stéphan, qui le fait venir à Rennes deux ans plus tard. « Ce ne sera jamais un joueur ultra musculeux ou volumineux à ce niveau là. Il a pris, et prendra je pense encore en masse musculaire, mais c’est un joueur qui a une très bonne lecture, va vite, a un très bon jeu de tête. Il avait peut-être besoin de gagner en dureté dans le duel. Mais l’enchainement des matchs, la découverte de la coupe d’Europe, tout ça accélère le développement du joueur. »
Aujourd’hui Nayef Aguerd empile les minutes de jeu à vitesse grand V, mais n’a pas progressé qu’au niveau physique. Adroit gaucher, à l’image de son ouverture pour Jérémy Doku amenant le second but face à Lorient (2-0), le défenseur central n’a pas toujours eu la même aisance. « Il n’avait pas du tout de pied droit, il n’était pas capable de faire une passe à plus de 10-15 mètres. » remonte Walid Regragui. « On a beaucoup travaillé ça, ainsi que sa relance pied gauche. Il n’avait au départ qu’une seule forme de relance, jouer long et tendu vers l’opposé. On a appris à trouver des angles de passe, par-dessus, avec « des balles en neige » comme je lui disais pour trouver l’attaquant, des passes dans l’intervalle, des passes cachées. On a beaucoup travaillé les sorties de balle. Quand je regarde Rennes jouer, dès qu’il donne au gardien, il accélère pour donner un angle de passe. » Fouad Chafik abonde en ce sens, lui aussi. « Il a une bonne relance, ne panique pas et cherche toujours à relancer propre. La sérénité qu’il dégage, c’est vraiment supérieur à ce qu’il était à Dijon. Les joueurs qu’il a autour de lui font qu’il a progressé dans ce domaine. »
Il y a en revanche un domaine dans lequel Nayef Aguerd excelle depuis toujours, celui du jeu aérien. Impérial dans ce secteur, le numéro 6 en est déjà cette saison à 4 buts avec Rennes et un avec le Maroc. Cible privilégiée sur corner ou coup franc, il est systématiquement cherché par Benjamin Bourigeaud, ou Lovro Majer qui savoure. « C’est probablement le meilleur joueur que j’ai vu jouer de la tête. Il est très bon, il saute vraiment haut et sent où la balle arrivera. » Bruno Genesio sait également l’arme supplémentaire qu’il détient dans son arsenal offensif, avec son central. « Il a plein d’autres qualités, mais dans le secteur jeu c’est certainement l’un des meilleurs. Il me fait un peu penser à Carlos Mozer. C’est un garçon qui lit à la fois très bien les trajectoires et est capable de monter très haut et de rester quasiment suspendu pendant une seconde avant de frapper le ballon. En plus de ça il est précis, donc c’est certainement l’un des meilleurs joueurs de tête du championnat. » confiait-il récemment. Ces corners sont travaillés collectivement et individuellement, de façon à ce que les tireurs savent quelle zone chercher, et les receveurs quelle course faire. A la différence de ses coéquipiers, Aguerd peut lui compter sur un talent naturel. « C’est quelque chose d’inné, même si on peut toujours le développer. » juge Julien Stéphan, qui a recroisé la route du SRFC le 24 octobre avec Strasbourg (1-0). « Quand il est arrivé il l’avait déjà. C’est devenu encore plus une cible privilégiée. Il était déjà très haut dans les statistiques sur la dangerosité sur coup de pied arrêtés, il confirme cette année. Il a une très bonne lecture, un bon niveau d’engagement et un excellent timing. Il a tout pour fonctionner et être performant dans ce domaine là. »
Inné, c’est aussi le mot qu’emploient Walid Regragui et Fouad Chafik pour parler du jeu de tête de celui qu’ils ont connu. A Dijon, Aguerd ne travaillait « pas particulièrement » cet aspect de son jeu, comptant sur son timing, son sens du placement. « C’est un aimant. On a l’impression que le tireur n’a qu’à tirer et que le ballon arrive sur sa tête. » témoigne Chafik. « Au niveau du timing c’est incroyable. Il saute au bon moment, saute haut, et reste longtemps dans les airs. Il a le flair, c’est dur de l’expliquer, c’est incroyable d’attirer les ballons comme ça. Arriver à se procurer 3 ou 4 grosses occasions dans un match, c’est énorme. » Avec son mètre 90, c’est ainsi que Nayef Aguerd tape dans l’oeil de Walid Regragui il y a presque dix ans. « C’est ce qui m’a attiré. Il avait pris tous les duels, sautait au bon moment. Il a ce côté timing depuis l’académie. Je pense que c’est inné. Il vient de Kénitra, il a dû aller souvent à la plage pour travailler ça (rires). »
Loin de Kénitra et aujourd’hui à Rennes, Nayef Aguerd a mis toutes les chances de son côté pour atteindre le niveau lui permettant aujourd’hui de passer un cap. Enchainer un match tous les trois jours ou presque depuis le 8 août nécessite des compromis. Ce « travail invisible » dont on parle souvent se matérialise par une vie saine, un sommeil plein, l’accompagnement d’un chef à domicile pour gérer une bonne nutrition, mais aussi l’installation chez lui de tout le matériel nécessaire à une bonne récupération. La « cryo » et les bains froids sont également un passage obligatoire après toutes les rencontres du Stade rennais, Aguerd figurant toujours parmi les derniers joueurs à sortir du vestiaire.
L’hygiène de vie aidant à assurer un haut niveau depuis le début de la saison, Aguerd force le respecte et change de dimension, sur le terrain mais aussi en dehors. Son coéquipier et ami Martin Terrier ne dira pas le contraire. « Je suis très content pour lui, c’est un ami très proche, sur le terrain ou en dehors. Quand on finit un match, on a tendance à donner notre avis sur nos performances. J’essaye d’être le plus objectif pour lui, pour qu’il progresse. C’est un mec en or, je pense qu’on en voit rarement dans ce sport. Sur le terrain c’est un leader d’équipe. » confiait récemment le numéro 7 rennais.
Apprécié de ses coéquipiers, Nayef Aguerd est vice-capitaine, tout comme Benjamin Bourigeaud, derrière le capitaine Hamari Traoré. « Il a pris confiance, il a senti la confiance que lui donnait le club, celle du public, de tout ce qui entoure le club. Pour un joueur, ça fait partie de ce qu’il faut pour passer un cap. » juge Regragui. « Il fait partie des cadres de l’équipe, il est international, il est en train de gravir les échelons. Mais il y a encore du travail, il peut encore passer des paliers. Il a passé un cap au niveau athlétique, il joue tous les 3 jours et ne se blesse pas. Il enchaine et est régulier. Rennes lui a permis de passer dans une autre dimension chez les défenseurs en France, et c’est ce qu’il souhaite. C’est un compétiteur Nayef. Il est ambitieux et sait où il veut aller. » Julien Stéphan, en connaissance de cause, fait le même état des lieux. « C’est quelqu’un d’intelligent, d’ouvert, qui parle avec tout le monde, est facile, est dans la communication et très respectueux. Pour un entraîneur, ça fait beaucoup d’arguments positifs pour en faire un joueur cadre. Il est aussi exemplaire dans son comportement. Il se dégage vraiment par ses performances. Il n’a pas mis longtemps pour s’imposer en douceur dans le vestiaire. Ce n’est pas une grande gueule Nayef, c’est quelqu’un qui impose le respect naturel pour toutes ces raisons. »
Un élément important du collectif donc, qui sait aussi s’imposer. « S’il a quelque chose à dire, il le dit. Peu importe que le joueur soit expérimenté ou pas, il ne va pas se cacher. » se souvient Fouad Chafik. « Quelques fois, il n’hésitait pas à me faire quelques remontrances. Il veut le bien de l’équipe et du joueur. Il a une double personnalité. En dehors du terrain il est super gentil, mais une fois dessus c’est un chien, il ne lâche rien. S’il faut vous crier dessus, il va vous crier dessus. C’est vraiment appréciable. Sur le terrain c’est vraiment un autre homme. »
Au côté de Warmed Omari le plus souvent, ou de Loïc Badé, Nayef Aguerd incarne aujourd’hui la valeur sûre de la charnière du Stade rennais. S’il se défend d’être le patron pour mettre en avant le collectif du onze de Bruno Genesio, l’international marocain concourt grandement à faire de Rennes la meilleure défense de Ligue 1 (avec Marseille) après 17 journées. Il n’en demeure que certains axes de progression existent encore. « Sur les duels avec les petits gabarits, notamment se retourner beaucoup plus vite, dans l’anticipation. Il y a des axes de progression aussi dans le choix des relances. Il est très joueur et cherche toujours à relancer proprement, mais il ne doit pas oublier qu’il est défenseur central, et que parfois ce n’est pas honteux de devoir dégager. » estime Walid Regragui, Fouad Chafik pointant lui quelques « petites sautes de concentration ». Et Julien Stéphan de résumer « C’est un très bon défenseur de Ligue 1. Il peut encore se bonifier avec le temps. Au haut niveau il est encore jeune. Dans les années à venir, je pense que ça va encore s’élever. Je ne pense pas qu’il soit encore au summum de sa carrière, loin de là, il a certainement encore de la marge. »
A 25 ans, Nayef Aguerd est aujourd’hui titulaire indiscutable au Stade Rennais où il est sous contrat jusqu’en 2025, et s’avance avec le Maroc sur la Coupe d’Afrique des Nations en janvier, un mois durant lequel son club va devoir compter sans lui. Les doutes entourant cette problématique du manque d’un autre défenseur central soulignent l’importance grandissante d’un Aguerd bien différent de celui arrivé il y a un an et demi en Bretagne. Hier valeur montante au côté de l’expérimenté Damien Da Silva et du flop Daniele Rugani, Nayef est aujourd’hui une caution pour le SRFC. Celle d’une assise défensive solide, et d’une première relance précieuse. Au moment où le Stade rennais tend à changer de dimension. Au moment où Nayef Aguerd lui-même change de dimension. Au meilleur des moments.