UltimoDiez
·25 juillet 2019
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·25 juillet 2019
Nous sommes à la soixante-treizième minute de la dernière finale de la Ligue des Champions opposant Tottenham à Liverpool. En grande difficulté dans le jeu, Dele Alli croit enfin réveiller les espoirs londoniens en lobant Alisson, avant que la dure réalité de la caméra opposée ne révèle finalement une médiocre tentative. Quelques semaines après avoir ouvert aux Spurs les portes du miracle d’Amsterdam grâce à deux passes décisives pour Lucas, le gamin de Milton Keynes est renvoyé à ses critiques, comme un éternel recommencement. Focus sur un joueur unique, à qui il reste beaucoup à prouver.
Depuis son premier but pour les Spurs face à la mythique équipe de Leicester au King Power Stadium, Dele Alli s’est imposé comme un joueur adepte des fulgurances en tout genre. En effet, nombreuses sont les photographies de sa carrière qui ont pu vous faire sauter de votre canapé. Comme elles ont pu changer la face du destin sportif de son club ou de sa sélection.
Son premier fait d’armes a lieu à Selhurst Park, un froid week-end de janvier 2016. On assiste à un derby londonien très tendu où l’on se dirige vers un match nul 1-1 quand Harry Kane a la bonne idée d’envoyer un parpaing vers Eriksen, qui remet de la tête pour Dele. Si vous ne connaissez pas la suite, ça donne dans l’ordre : contrôle – sombrero – rotation – reprise chirurgicale. Un jeune Anglais vient donc tranquillement de lâcher un gamebreaker décisif dans un derby à l’extérieur, et forcément le public en redemande. Il en aura.
Dans une deuxième saison à l’allure formidable, il devient l’un des acteurs majeurs du championnat, en témoignent ses 18 buts et 9 passes décisives en 37 rencontres. En point d’orgue, deux coups de tête en dix minutes pour l’un des rares K.O. subis par le rouleau compresseur d’Antonio Conte cette saison. L’Angleterre réalise qu’elle tient un joyau, qu’elle devra polir pour en tirer le meilleur car il a notamment déçu pour sa première campagne de Ligue des Champions.
Son histoire avec la plus belle compétition européenne démarre un an plus tard à Wembley contre le Real Madrid, pour ce qui est encore aujourd’hui son match référence. Dans ce duel pour la première place du groupe H, Dele fait pleuvoir décalages, louches et dribbles bien sentis, et l’odeur du sang plane sur le double tenant du titre. Après un premier but suite à un magnifique mouvement collectif, il s’occupe de tout sur le deuxième, faisant même vaciller les chevilles de Casemiro sur une terrible feinte de frappe. North East London vit son plus grand frisson européen depuis un dernier quart d’heure torride à San Siro en 2011, et désormais tout le monde connaît Dele Alli.
Ce n’est toutefois qu’en 2018 qu’il réussit vraiment à bouleverser le destin par ses performances. Avec les Three Lions tout d’abord, où il crucifie définitivement d’inoffensifs Suédois en quart de finale de la dernière Coupe du Monde. Puis en phase de poules de la dernière Ligue des Champions, où les Spurs ne comptaient qu’un minuscule point après trois matchs durant lesquels il était suspendu. Un décalage parfait vers Eriksen plus tard et Tottenham arrachait une victoire indispensable face à l’Inter, qui marquera le début d’un fol espoir jusqu’au Wanda Metropolitano.
Tous ces moments parmi d’autres sont la preuve que Dele est un joueur hors normes, capable d’allier spectacle et efficacité. Alors pourquoi tarde-t-il tant à faire l’unanimité ?
Dans notre cher football moderne, le profil de Dele Alli fait figure d’exception. Si sa grande taille (1,88m) renvoie à certains des relayeurs les plus complets comme Paul Pogba ou Sergej Milinkovic-Savic, son profil technique est bien différent de ces joueurs. En effet, ses nombreuses qualités sont plus à-même d’être exploitées dans la zone la plus avancée du terrain, ce qui en fait un parfait 9 et demi moderne.
S’il est un finisseur inventif mais également clinique lorsqu’il s’agit de déployer le timing de son jeu de tête, son efficacité a diminué lors de la saison dernière. Avec seulement cinq buts pour trois petites passes décisives en Premier League, le bilan est décevant. Son efficacité offensive est par exemple remise en question, pour preuve les 5 expected goals (xG) de moins que lors de la saison 2017-2018. Pour sa défense, il est logique de mentionner les blessures et les ajustements tactiques nécessaires de son coach. Reculé à de nombreuses reprises à un poste de relayeur, il s’est attardé à être un relais fiable vers Eriksen, Son, Kane ou encore Lucas. Toutefois, cette expérience a démontré qu’imaginer un avenir à ce poste semble précipité, aussi bien pour le joueur que pour le club, qui s’est empressé de recruter Tanguy Ndombele pour remédier à ce cas épineux.
Plus largement, c’est à mon avis son style qui a pu créer de l’incompréhension dans le jugement de sa saison et du joueur en général. En effet, les gestes qui sont assimilés à du flair et de la vista dans les 30 derniers mètres deviennent assurément de la nonchalance au cœur du rectangle. Ce constat n’est pas inquiétant car de nombreux joueurs sont passés par cette épreuve là, où la tentation du beau geste ne doit pas entraver la rigueur dans sa réalisation.
On aurait d’ailleurs presque pu parler football pendant tout l’article (dommage…) mais son appétence toute particulière pour les challenges et les polémiques sur Instagram n’aident pas non plus. Si aucun cadeau ne lui sera fait, le plus simple est sans doute d’élever son niveau de jeu vers des proportions qu’il n’a encore jamais atteintes.
Est-ce si simple ? Non, mais les solutions existent. Et les enjeux à venir en valent la peine.
Catalyseur des féroces ambitions des Spurs, le duo Alli-Kane sera l’atout majeur pour continuer à chasser le rêve d’un titre en Premier League. Relégué au second plan par la saison exceptionnelle d’Heung-Min-Son et le dernier trimestre fou de Lucas, Dele espère redevenir le deuxième contributeur offensif de son équipe. A cet égard, l’ajout de Tanguy Ndombele est une perspective réjouissante. Capable de casser les lignes par les dribbles ou par la passe, il offre une option supplémentaire au milieu de terrain londonien, et permet surtout un saut qualitatif certain.
On devrait donc peu revoir Alli au poste de relayeur, sachant que derrière Ndombele, Pochettino dispose encore par exemple du profil gestionnaire de Winks ou de notre Moussa Sissoko national. L’épanouissement collectif pourrait donc profiter à l’individuel, mais son rendement personnel ne sera pas seul juge au final. En effet, ce qui l’attend cette saison dépasse largement la simple ligne de statistiques.
On pense tout d’abord à une nouvelle enceinte dont l’histoire en Premier League attend ses prouesses, au sein d’un club qui rêve d’un titre de champion depuis 1961. Dans son sillage se profile aussi un Euro 2020 dont le point final s’écrira à Wembley. Son premier but en sélection face aux Bleus en 2015, son match face au Real, les rencontres galères après la NFL, Alli entretient une relation particulière avec ce stade. Une grande saison avec son club lui permettrait d’arriver en parfait épouvantail avec les Three Lions, et peut-être de faire taire définitivement les doutes.
Joueur d’instinct et d’instants, Dele Alli va devoir retrouver de la continuité pour briller. Sans doute moins bridé dans la nouvelle animation de Pochettino, il détient les clés pour faire souffrir les défenses du Royaume avec son ami Harry.
Il a souvent été question de temps avec Dele. Forcément, tant l’on attend qu’il prenne conscience du joueur qu’il peut devenir.
Crédit photo: Giuseppe Maffia / NurPhoto