Exclu. Antonin Panenka : « Notre génération n’aurait pas sa place dans le football d’aujourd’hui » | OneFootball

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·22 juin 2024

Exclu. Antonin Panenka : « Notre génération n’aurait pas sa place dans le football d’aujourd’hui »

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Légende du football tchéquoslovaque et inventeur du fameux penalty qui portent son nom, Antonin Panenka appartient au passé. Son héritage, dont il est fier et nous partage ses secrets en exclusivité, perdure dans le football actuel, qui contraste en tout point avec celui qu’il a connu lors des années 70 et 80.

Nous l’avions officieusement quitté en 1982, face à la France (1-1), jour de retraite internationale avec la Tchécoslovaquie, officiellement sept ans plus tard, en 1989, une fois sa carrière terminée en Autriche. Antonin Panenka nous est revenu avec cette moustache qui faisait, avec son pied innovateur, sa célébrité dans le football d’antan. Un sport qui a vu les décennies passer, les talents se succéder, et les légendes écrire les lignes de son histoire.

L’historique milieu offensif de la Tchécoslovaquie (respectivement Tchéquie et Slovaquie de nos jours, ndlr) en fait partie. La légende raconte que son geste sur penalty, un soir d’été en Yougoslavie, lors de la finale de l’Euro 1976 face à l’Allemagne de l’Ouest, tient autant du génie que de l’audace. Lui n’est pas d’accord avec ce récit, le justifie par de la spontanéité, précise qu’il voulait « marquer de la plus simple des manières ». Dans un entretien où « humilité » est le mot d’ordre, Antonin Panenka conjugue football tchèque, autrichien, passé comme actuel. Et dresse sur un piédestal Kylian Mbappé, selon lui, à la même hauteur que Lionel Messi et Cristiano Ronaldo.


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Befoot : « Pavel Nedvěd, Jan Koller, Milan Baroš, Tomáš Rosický puis maintenant Patrick Schick, la Tchéquie a toujours su renouveler ses forces offensives après votre retraite internationale…

Antonin Panenka : Ils étaient tous des footballeurs fantastiques. Les quatre premiers marquaient tous des buts, mais savaient surtout quoi faire du ballon. Ils se battaient sur le terrain. Les jeunes joueurs tchèques d’aujourd’hui sont aussi censés montrer des choses, mais je crains que leur qualité (Schick, notamment) n’atteigne pas le niveau de Nedvěd et de toutes les autres légendes de la Tchéquie. Ils étaient tellement forts.

Quel regard portez-vous sur la progression du football en Tchéquie ?

Je pense qu’à mon époque, la Tchéquie n’a pas connu de bonnes années de football. Je m’explique : le niveau footballistique n’était pas très élevé. En tout cas, en termes de qualité intrinsèque, ce n’était pas si bon. Je dois cependant souligner que lors des trois, quatre, voire cinq dernières années, le niveau s’est nettement amélioré. Cela s’explique principalement par le fait que nos équipes (le Slavia et Sparta Prague, et le Viktoria Plzeň) ont fait un bon bout de chemin, notamment en Coupe d’Europe.

Cela a redoré le blason de notre football. Avec une telle impulsion positive, le public a commencé à revenir dans les stades pour voir de leur propre yeux ce football de qualité. C’est dans l’intérêt de la Tchéquie. En proposant un jeu correct, les fans viendront forcément dans les stades.

La Tchéquie a-t-elle les armes pour réaliser quelque chose de grand à l’Euro ?

Je pense que la Tchéquie démarre cet Euro avec détermination (défaite 2-1 face au Portugal, mardi, ndlr), bien que toutes les équipes qui y participent l’ont aussi. Si la Tchéquie arrive à sortir de la phase de groupes, tout en mettant en place un système qui fait la différence lors des phases finales, tout peut arriver. Évidemment, il y a des équipes qui sont favorites sur le papier, mais j’aimerais qu’il y en ait une qui “mélange les cartes” en créant la surprise. Cela pourrait être le rôle de la Tchéquie.

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Il y a 48 ans, Antonin Panenka permettait à la Tchécoslovaquie de remporter son premier Euro, suite à son penalty qui a fait le tour du monde. © Icon Sport

L’Euro se déroule en Allemagne, un pays face à qui vous êtes devenu une légende. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Cela n’a pas forcément d’importance à mes yeux à vrai dire. C’était contre l’Allemagne, certes, et bien sûr que je suis heureux en me remémorant ces souvenirs. Ce sont nos voisins, ceux de la Tchéquie. J’adore aller en Allemagne et en Autriche, parce que depuis que je suis à Vienne (Panenka a signé au Rapid en 1981), j’ai un lien particulier avec l’Allemagne.

Ils parlent allemand là-bas, donc c’est davantage agréable pour moi plutôt que quand je me rends dans un pays où il faut parler en Anglais ou en Espagnol (il ne parle pas ces langues couramment, ndlr). Je pense que l’Euro sera excellent, car nous savons que les Allemands sont de très bons organisateurs. Espérons et croyons fermement que le football sera de la même qualité.

Vous avez quasiment joué une décennie en Autriche. Suivez-vous toujours le football autrichien ?

Je regarde, bien sûr. J’essaie de le faire quatre fois par an, surtout pour mon club, le Rapid Vienne. Je pense que le système de leur championnat est semblable au nôtre. Il y a trois quatre excellentes équipes : Salzbourg, Sturm Graz, l’Austria Vienne et Rapid Vienne. C’est un cas similaire à nous tous car la ligue tchèque est dominée par trois équipes : le Slavia, le Sparta et le Viktoria Plzeň.

« J’aime regarder le football français, c’est plaisant. Ils sont si agréables à l’œil. Je pense que la France a les moyens d’aller au bout en Allemagne. » Antonin Panenka

L’Autriche s’est inclinée face à la France (0-1), lundi. Que pensez-vous de cette génération dorée française, portée par Kylian Mbappe ?

Les Français font incontestablement partie des favoris pour l’Euro. J’aime regarder le football français, c’est plaisant. Ils sont si agréables à l’œil. Je n’en parlerai pas aussi bien que vous (il rigole), mais je pense que la France a les moyens d’aller au bout en Allemagne.

Face à la France, vous avez marqué votre premier but avec la Tchéquie (1974), mais aussi disputé votre dernier match en sélection (1982). Quel souvenir gardez-vous de l’équipe de France estampillée années 80 ?

Dominique Rocheteau, Alain Giresse, Jean Tigana, Marius Trésor et bien sûr Michel Platini… Ils étaient beaucoup plus populaires et forts qu’on ne le pense. Le match le plus marquant face à la France était en 1982, lors de la Coupe du monde, en Espagne (son dernier, en phase de poules). J’avais marqué un penalty ce jour-là. Le match s’est terminé sur le score d’un but partout. J’ai toujours bien joué contre la France, car eux aussi voulaient proposer du beau football.

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Antonin Panenka s’est frotté plusieurs fois aux Bleus, entre les années 70 et le début des années 80, celles de Platini. © Michel Barrault / Onze / Icon Sport

Vous êtes le précurseur du geste qui porte votre nom : la panenka. Parlez-nous de cette inspiration.

Ce sujet a beaucoup fait parler, et pour cause, c’était inédit. Cela n’était pourtant qu’un penalty. Au départ, je me disais que nous ne découvrirons rien de nouveau. À la base, je n’ai jamais pensé dans ma vie, et même dans mes rêves les plus fous, à cette manière de tirer. Tout était spontané. Le penalty est devenu si viral, et moi célèbre… Cela a eu un si grand impact alors que j’ai seulement vu une façon comme une autre, à ce moment la plus simple, pour marquer un but.

Une fois que c’était fait, j’étais si heureux à ce sujet. Je n’y croyais pas. C’est l’histoire d’un penalty qui s’est répandu dans le monde entier. En Espagne, en Italie, en Argentine, au Brésil ou encore au Mexique… La panenka est devenue tellement populaire. La voir être imitée dans le Monde entier ne pouvait pas me rendre plus fier.

Quel est votre meilleur souvenir de footballeur, si ce n’est pas cette panenka ?

Pour tout vous dire, je ne sais pas, du moins je n’en ai pas. Ce dont je suis certain, c’est que j’aimais le football. Mon amour pour le ballon rond est intact à ce jour et ça sera toujours le cas. J’ai une pensée pour ma femme, qui a sacrifié toute sa vie pour que je puisse me consacrer pleinement à ce sport. J’ai toujours été prêt et dans les meilleures conditions pour que je joue au football. C’était mon fantasme, ce que j’aimais faire par-dessus tout, en plus d’être une profession. Très peu de personnes ont expérimenté ce que j’ai vécu dans ma relation avec ce sport.

« Le football ? C’était mon fantasme. » Antonin Panenka

Après vous, quel joueur a réussi de la meilleure des manières la panenka ?

On ne peut pas parler de “meilleure”. Ce qui importe, c’est que si quelqu’un frappe un ballon de cette façon et inscrit un but, alors le principal est assuré. Marquer une panenka, c’est toujours une réussite, c’est toujours beau à voir. Mais si ça ne marche pas (il grimace), alors le joueur a un peu l’air d’un âne.

J’en ai observé énormément depuis. Un jour, une télévision sud-américaine m’a montré une centaine de penaltys que je devais commenter en disant si la panenka était bien effectuée. J’y ai découvert un joueur de deuxième division argentine. Et bien j’ai constaté qu’il les tirait encore mieux que moi (il rigole).

Kylian Mbappé disait : “le football il a changé”. Par rapport aux années 70 et au football communiste que vous avez connu, quelles sont les différences les plus marquantes avec celui d’aujourd’hui ?

Il est diamétralement opposé sur plusieurs points. Le jeu est devenu beaucoup plus rapide, il est plus agressif. Malheureusement, il n’y a pas beaucoup d’espace pour les joueurs techniques et créatifs. Ils ont le temps de ne rien faire. Tout de suite, il y a de l’attaque ou de la défense, ça va vite. Cela donne un football qui n’est pas très plaisant à mes yeux, moins intéressant pour les spectateurs.

Aujourd’hui, c’est beaucoup plus dur physiquement. Notre génération ne trouverait pas sa place dans le foot actuel, car c’est trop rapide et agressif. Évidemment, si vous êtes formé depuis tout petit, vous trouvez une issue favorable. Il faut aussi prendre d’autres choses en compte : les équipements, les chaussures, le ballon, la surface de jeu, le régime alimentaire…

Aujourd’hui, tout le monde a son cuisinier. Les joueurs prennent des compléments alimentaires, ce qui peut aider à prolonger une carrière. Ce n’était pas le cas à notre époque, nous n’avions pas toutes ces vitamines, il n’y avait rien de tout ça. Donc le contraste est énorme avec notre époque. On le voit dans d’autres sports : les performances et les records sont d’un tout autre niveau.

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La panenka, recopiée par tous, a créé des moments iconiques. À l’image, celle de Zidane, en finale du Mondial 2006 contre l’Italie. © Icon Sport

Lequel préférez-vous ?

Je ne le regarde plus trop à vrai dire. En fait, je ne suis pas du genre à comparer, même les époques. Evidemment, ce qui me manque aujourd’hui, c’est cette créativité. Il manque des joueurs techniques et créatifs, avec des idées, une pensée, une philosophie de jeu. Il y en a très peu, ou en tout cas moins qu’avant. Il y a quelques années, j’en comptais deux à trois par championnat, même chez nous en Tchéquie. Aujourd’hui si je regarde la ligue tchèque, j’ai du mal à en nommer.

Quels joueurs composent votre onze de légende ?

À vrai dire, je ne suis pas fan de ces équipes, de ces comparaisons entre plusieurs joueurs, plusieurs noms, plusieurs légendes. Faire des classements, tout ça pour évaluer qui était onzième ou dixième… Je n’aime pas ça. Cependant, si j’étais entraîneur, j’aimerais avoir [Cristiano] Ronaldo, [Lionel] Messi et [Kylian] Mbappé dans mon équipe.

Ces trois joueurs sont en avance sur leur temps. Ils sont au-dessus du lot. On dirait qu’ils évoluent sur une autre planète. Ils sont tellement exceptionnels que même les meilleurs sont en dessous d’eux. Quant aux futurs très bons, ils seront au moins un étage en dessous. C’est avec eux que j’aimerai jouer au football. »

Propos recueillis par Hicham Bennis et Nathan Heuillet.

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