EXCLU – Horacio Elizondo, arbitre de la finale de la Coupe du Monde 2006 revient sur chacune de ses décisions, 18 ans après ! | OneFootball

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·5 juillet 2024

EXCLU – Horacio Elizondo, arbitre de la finale de la Coupe du Monde 2006 revient sur chacune de ses décisions, 18 ans après !

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Zidane, Materazzi, la Coupe du Monde, le VAR, ainsi que son histoire, et sa version des faits, Horacio Elizondo, arbitre du traumatisant France – Italie du Mondial 2006, s’est longuement livré à notre micro, et est revenu action par action sur son match, voici son entretien complet.

Avant d’arbitrer la finale de la Coupe du monde 2006, Horacio Elizondo évoque sa carrière d’arbitre

Adrien MUNCH (BeFootball) : Bonjour Horacio, tout d’abord un grand merci d’avoir accepté cet échange, je souhaite démarrer avec vous par le commencement, vous avez été un arbitre reconnu, a tel point que vous avez officié jusqu’en Coupe du Monde, ma question est la suivante, comment avez-vous décider de devenir arbitre ? Horacio Elizondo (arbitre de la finale de la Coupe du Monde 2006) : Par l’intermédiaire d’un professeur de handball que j’avais à l’université, qui m’a encouragé à devenir arbitre de sport après m’avoir vu diriger de manière amateur un match de handball entre camarades. Il a détecté que j’avais des capacités de leadership pour contrôler les groupes, de la personnalité et une bonne prise de décision.

À partir de là, je me suis inscrit à l’Association du Football Argentin (AFA) pour suivre le cours d’arbitre (durée de 2 ans). Dès la première semaine de cours, je me levais et me couchais en pensant uniquement à l’arbitrage. Une forte vocation s’était réveillée en moi, j’ai trouvé trois valeurs très fortes dans ma formation : SPORT-ENSEIGNEMENT-JUSTICE, qui se sont conjuguées dans l’arbitrage.


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AM : Quel a été votre parcours pour devenir arbitre ? Nous imaginons que passer au niveau “professionnel” n’est pas facile, tout le monde ne peut pas y arriver. Comment avez-vous fait ?

HE :  En Argentine, il y a 7 catégories d’arbitres pour atteindre le niveau FIFA. Après avoir terminé mes études, il m’a fallu presque 6 ans pour devenir arbitre FIFA ; j’ai rapidement gravi les échelons… À l’âge de 29 ans, j’ai débuté en Première Division, et à 31 ans, je suis devenu arbitre FIFA. Je l’ai fait assez rapidement, en m’entraînant durement sur le plan physique, technique et mental.

AM : Lorsque vous êtes sélectionné pour arbitrer la Coupe du Monde 2006, quel est votre sentiment ? Comment l’avez-vous appris ? Est-ce votre première convocation pour arbitrer une Coupe du Monde ? L’avez-vous annoncé à vos proches ? À quoi pensez-vous à ce moment-là ?

HE : J’étais candidat pour arbitrer la Coupe du Monde Japon-Corée (2002) mais un événement politique m’a empêché de participer à cette Coupe du Monde car j’étais Secrétaire Général du Syndicat des Arbitres (je défendais les intérêts de tous les arbitres). Mais bon, j’ai continué ma préparation et en 2006, j’ai pu réaliser cet objectif en me préparant avec la mentalité de me voir en finale… ce qui n’est pas la même préparation que pour être simplement désigné à une Coupe du Monde.

Le sentiment est unique, c’est le même que celui d’un joueur sélectionné pour jouer une Coupe du Monde. J’ai appris ma sélection par la FIFA. Ce processus de sélection commence 3 ans avant (nous étions alors tous des pré-candidats), puis la liste se réduit en fonction des performances lors des différents séminaires, matchs domestiques et internationaux. La première chose que l’on fait, c’est de l’annoncer à ses proches, qui sont inconditionnels et qui t’ont accompagné tout au long de ta carrière… c’est aussi en grande partie leur mérite. Plus que de penser, c’est un sentiment de grande joie, après s’être préparé pendant de nombreuses années pour atteindre l’objectif final.

AM : Comment se prépare-t-on pour une Coupe du Monde en tant qu’arbitre ?

HE : Il faut avoir une mentalité forte et flexible, beaucoup d’entraînement psychologique, une vaste expérience des matchs d’élite : 3 finales de Copa Libertadores, 2 Copa América, 1 Jeux Olympiques, beaucoup de matchs de qualifications (3 processus qualificatifs pour les Coupes du Monde 1998-2002-2006) dans différentes Confédérations, 11 classiques (Boca-River), 4 Coupes du Monde juniors… j’étais arrivé avec plus de 400 matchs en Première Division et plus de 150 matchs internationaux. Il faut également une excellente préparation physique et nutritionnelle, et améliorer la technique jour après jour.

« Les jours avant la finale France – Italie, j’étais très excité par des milliers de sentiments »

AM : Pendant la Coupe du Monde, à quoi ressemble votre quotidien ?

HE : C’est très similaire à celui des joueurs… vous avez votre concentration, les entraînements quotidiens (technique-physique-mental), et ensuite les compétitions ; après avoir arbitré, il y a les retours techniques, les possibles axes d’amélioration, on continue à s’entraîner et on revient en compétition.

AM : À mesure que la compétition avance, la FIFA vous retient, comment réagissez-vous en apprenant que vous allez diriger la finale de la Coupe du Monde ? Comment gérez-vous la pression ? Peut-on parler de “peur” ?

HE : Chaque match qui passe en Coupe du Monde (il y en a eu 5 – match inaugural – matchs de groupe – quarts de finale) génère de plus en plus de confiance, de sécurité, de motivation et de responsabilité ; les seuils de tous vos sens augmentent notablement, et tout cela génère un stress totalement positif qui vous maintient en état d’alerte. Les états émotionnels, comme la pression, sont totalement internes, la pression est gérée par soi-même, ce que l’on reçoit de l’extérieur sont des stimuli qui affectent votre propre pression, en fonction de ce que vous vivez. Il est vital de relâcher toutes ces émotions pour qu’elles ne nuisent pas à votre attention et à votre concentration au moment de prendre des décisions.

AM : La finale a lieu le 9 juillet 2006, à Berlin, dans quel état d’esprit êtes-vous ce jour-là ? Nous imaginons que vous êtes plutôt excité ?

HE : Les jours avant la finale France – Italie, j’étais très excité par des milliers de sentiments, d’expériences et de sensations traversaient continuellement mon esprit. Pour le jour du match, j’ai commencé à utiliser différentes techniques pour contrôler mes émotions, et devenir une sorte de glaçon, en visualisant continuellement les différents scénarios positifs qui pourraient se présenter lors de la direction du match.

AM : Comment se passe la journée avant d’arbitrer une finale de Coupe du Monde ? Quelle est votre préparation, à quel moment arrivez-vous au stade ? À qui parlez-vous ?

HE : Je vais commencer par la fin de la question… je parle avec mes proches, surtout avec ma femme, une personne très importante dans la réalisation de mes objectifs ; dans ses mots et gestes, je trouvais un supplément de motivation, de paix, de force, de sécurité. La journée avant la finale a été marquée par une préparation spécifique, les derniers mouvements d’entraînement précis, la récupération ; et surtout, commencer à se concentrer et à visualiser le jeu. L’arrivée au stade s’est faite 3 heures avant le début de la finale… finir de planifier avec l’équipe arbitrale les derniers détails, reconnaissance de la pelouse, massages, échauffement… et puis la compétition.

Le coup d’envoi de la finale France – Italie…

AM : Il est 20h à Berlin, vous sifflez le début du match, quel est votre sentiment ? Que pensez-vous de l’atmosphère autour du match, dans les tribunes, sur le terrain ?

HE : Mon sentiment est totalement neutre, toute la partie émotionnelle a été éradiquée progressivement les jours précédant le match. Concentration et attention absolues (pleine lucidité mentale), et pour atteindre cet état de lucidité, il faut évacuer tous les aspects émotionnels

Le fameux penalty de Zidane…

AM : À la 5e minute de jeu, Florent Malouda s’échappe dans la surface italienne, entre en collision avec Marco Materazzi et Fabio Cannavaro, dans les rediffusions télévisées, le contact semble très léger, vous décidez de siffler pénalty. Racontez-nous.

HE : Pour moi, c’était un pénalty très clair, car j’ai pu construire un angle de vision idéal pour observer que Malouda pénétrait dans la surface de pénalty à grande vitesse, laissant presque derrière lui la tentative de lutte de Materazzi, réduisant l’espace de course du joueur français ; qui, avec un simple contact, trébuche, transformant cela en une action de crochetage. Le crochetage se produit avec la jambe droite de Materazzi, ancrée au sol. Ce léger contact déstabilise Malouda, lui fait perdre le contrôle de son corps et donc du ballon, en raison de sa grande vitesse. Un contact à grande vitesse vous fait perdre le contrôle de votre corps…

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Faute de Materazzi sur Malouda lors de la finale de la Coupe du Monde 2006

AM : Pensez-vous que c’était vraiment un pénalty dans cette action ? Avec le VAR aujourd’hui, ce pénalty aurait-il été maintenu ?

HE : Bien sûr, il y avait bien penalty, avec le grand nombre de caméras disponibles aujourd’hui, le VAR ne m’aurait pas appelé pour changer ma décision, car je l’aurais décrit comme je l’ai fait dans la question précédente, et depuis la cabine, ils auraient pu constater qu’avec un angle où l’on observe entre les joueurs (je pense que la caméra derrière le but droit, opposé à la surface où le pénalty a été sifflé, aurait été parfaite). Ce qui trompe dans la plupart des vidéos où l’on peut observer cette finale aujourd’hui, c’est qu’elles ne montrent que des vues latérales ou en diagonale… l’important est de voir l’action sous un angle opposé et qui permet d’observer entre les joueurs.

AM : Et ensuite… ce geste de génie de Zidane, la fameuse « Panenka« … avez-vous eu des doutes sur ce but ? En particulier sur le fait que le ballon avait complètement franchi la ligne ?

HE : De mon emplacement, aucun doute, et de l’emplacement de mon deuxième assistant arbitre, non plus ; ce que nous avons fait, c’est constater entre nous deux que le ballon avait entièrement franchi la ligne, à travers les intercommunications et le contact visuel.

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Panenka de Zidane face à Gigi Buffon, 1-0 pour la France contre l’Italie

AM : Après ce but, à quoi pensez-vous ? En France et certainement ailleurs, tout le monde pensait “c’est fou, comment peut-il oser faire un geste pareil à ce moment-là, en finale de Coupe du Monde” ?

HE : Rien, nous pensons seulement à continuer le jeu, il n’y a ni place, ni temps, ni espace pour se distraire avec ces questions et d’autres… Après le match, en analysant calmement, on commence à découvrir le talent des joueurs.

AM : À la 19e minute, c’est Materazzi qui répond, avec un but de la tête sur un corner, pour le 1-1. C’est assez fou comme Zidane pour la France et Materazzi pour l’Italie vont cristalliser l’attention pendant tout le match.

HE : Cela ressemble à un scénario de film, préétabli, où ces deux-là finiraient par devenir les 2 héros de ce film.

AM : À la 34e minute, Materazzi, encore lui, fait une intervention très limite sur Franck Ribéry, vous sifflez rapidement en faveur de l’Italie. Dans les rediffusions, on observe un excès d’engagement de la part de l’Italien. Qu’est-ce qui vous a poussé à siffler rapidement en faveur de l’Italie ?

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Action litigieuse entre Materazzi et Franck Ribéry

HE : Ce que j’observe sur le terrain, c’est que Ribéry incline son corps vers l’arrière, déplaçant Materazzi dans sa tentative de jouer le ballon. Le joueur français ne tente pas de disputer le ballon… il le déplace d’abord avec son corps en l’air.

La deuxième mi-temps…

AM : À la mi-temps, que se passe-t-il ? Nous imaginons que vous discutez avec vos assistants. C’est un peu flou pour le grand public, que fait un arbitre à la mi-temps d’un match ? Débriefing ?

HE : À la mi-temps, les arbitres passent en revue les actions de la première mi-temps, ce qui a été bien fait, et ce qui peut être amélioré pour la seconde mi-temps. Nous discutons également de la planification de la seconde mi-temps, des prolongations et des pénalties. Il s’agit aussi de retrouver rapidement la concentration, car le pic de stress diminue… ce qui peut être dangereux ; il faut se réactiver avant de retourner sur le terrain.

AM : À la 54e minute, Zidane passe à Malouda, gros tacle de Zambrotta dans la surface, pour vous ce n’est pas une faute ?

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tacle très appuyé de Zambrotta sur Malouda, dans la surface

HE : En effet, il m’a semblé que le joueur français cherchait le contact, il a penché tout son corps vers le joueur italien, provoquant le contact, et oubliant de continuer avec le ballon. D’une certaine manière, il a cherché à m’obliger à siffler le pénalty.

AM : Avec le temps qui passe, sentez-vous que la tension augmente ? En particulier entre Zidane et Materazzi ?

HE : Non, tout restait calme… le match était calme, facile à contrôler.

Le coup de boule de Zidane, le moment où tout a basculé…

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Le coup de boule de Zidane sur Materazzi

AM : Jusqu’à ce moment historique… vers la 108e minute. Comment comprenez-vous qu’il y a un problème ?

HE : Au moment où je vois Materazzi au sol, et qu’il ne se relève pas, je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Je venais de l’autre surface de réparation, où se déroulait le jeu.

AM : Comment vous rendez vous compte que quelque chose s’est passé ?

HE : Quand nous nous retournons pour aller voir ce qu’il s’est passé, avec la plupart des joueurs, depuis la surface de réparation.

AM : Certains disent que personne n’avait rien vu, mais que les rediffusions des écrans dans le stade ont guidé votre arbitre assistant. Confirmez-vous que la diffusion des images a aidé votre assistant à vous expliquer ce qui s’était passé ?

HE : Tous les matchs de cette Coupe du Monde étaient retransmis en direct sur l’écran des stades, sauf les actions polémiques… les images de l’action entre Zidane et Materazzi n’ont jamais été diffusées à l’écran du stade… Dans aucun match de cette Coupe du Monde, les actions polémiques n’ont été rediffusées… il n’y a eu qu’une seule tentative lors du match inaugural (où j’étais l’arbitre) Allemagne vs Costa Rica… et ensuite, cela a cessé.

AM : Vous allez sortir un carton rouge pour Zidane, à quoi pensez-vous ? Zizou faisait une Coupe du Monde si parfaite, c’était son dernier match…

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Expulsion de Zinedine Zidane par Horacio Elizondo

HE : Un arbitre ne pense pas à tout cela, sinon il entrerait sur le terrain de jeu fortement conditionné, et donc moins objectif. Je ne pense à rien en particulier, c’est une décision de plus dans toute ma carrière… froideur et objectivité avant tout.

AM : Comment jugez-vous le comportement des Italiens autour de cette altercation ?

HE : Peu de joueurs ont observé l’action, car le jeu se trouvait ailleurs sur le terrain ; pour cette raison, tous demandaient ce qui s’était passé…

AM : On vous voit échanger avec les joueurs, les Italiens, puis les Français, en particulier Zidane, que dites-vous lors de ces échanges ?

HE : J’interagissais avec certains pour les calmer, car ils discutaient entre eux, car beaucoup d’entre eux cherchaient une explication de ce qui s’était passé car ils ne savaient rien ; n’ayant rien vu. Avec Zidane, j’ai échangé quelques mots après lui avoir montré le carton rouge. Il m’a demandé si nous avions vu autre chose, à quoi j’ai répondu non, et je lui ai demandé s’il savait ce qui s’était passé, il a baissé la tête, est resté silencieux et est parti.

Et enfin, la séance de tirs aux buts…

AM : Ensuite, la séance de tirs au but, en avez-vous déjà arbitré une avant celle-ci ? C’est une question que nous n’oserions pas poser, mais je vais le faire quand même, à ce moment-là vous permettez-vous de faire un petit pronostic dans votre esprit ? Comme penser « je sens que cette équipe a plus de chances de gagner dans cet exercice ».

HE : Mon esprit était concentré pour que tout se passe bien… attentif à l’exécution, aux procédures, etc. Il n’y avait pas de pronostic dans mon esprit… toujours concentré sur notre tâche, cherchant à maintenir la neutralité en tout moment.

AM : En décembre 2022, la France a de nouveau perdu en finale de la Coupe du Monde, encore une fois aux tirs au but, cette fois contre l’Argentine, votre pays. Votre profession vous a obligé à beaucoup d’impartialité, nous imaginons que ce jour-là, vous l’avez mise de côté pour célébrer cette magnifique victoire avec les vôtres.

HE : En fait, je n’ai jamais été fanatique de quoi que ce soit, je n’aime pas la pensée fanatique, car elle vous ferme les portes de l’objectivité. Pour ce match, j’étais au Qatar, je travaillais comme analyste arbitral pour la chaîne de télévision TELEMUNDO (États-Unis) ; encore une fois à la recherche de la vérité et de l’objectivité dans les analyses.

AM : Une nouvelle défaite pour la France aux tirs au but, après celle de 2006 contre l’Italie, celle de 2021 à l’EURO contre la Suisse, en France Didier Deschamps et de nombreux dirigeants disent que « c’est juste une loterie de toute façon », les observateurs s’indignent beaucoup en entendant cela. Pendant cette séance de tirs au but entre la France et l’Italie, avez-vous trouvé que l’Italie était « mieux » préparée que la France pour cet exercice ?

HE : C’est une réponse que seuls les joueurs peuvent donner, seuls eux peuvent communiquer ce qu’ils ont ressenti, et ce qu’ils ont vécu pendant la séance de tirs au but. Nous étions concentrés sur la séance de tirs au but, essayant de garantir que tout se passe bien.

AM : Comment se passe « l’après-match » pour vous entre la France et l’Italie ? Quand le match se termine, comment vous sentez-vous ? À quoi pensez-vous ? Et que faites-vous ?

HE : La première chose que l’on ressent est une sensation interne, propre, d’avoir accompli le travail ; puis vient le moment où vos directeurs techniques descendent dans les vestiaires pour vous féliciter, pour savourer les 5 matchs dirigés en Allemagne lors de ce Mondial, l’ouverture et la clôture du tournoi, la fin du film… beaucoup de choses se terminent avec le dernier match… toute une préparation spécifique qui a duré 4 ans, au cours desquels beaucoup de choses se sont passées, beaucoup de choses ont été vécues, beaucoup de personnes ont contribué à atteindre la meilleure performance possible, etc.

AM : Pensez-vous avoir fait « un bon match » lors de cette finale ?

HE : Bien sûr, je m’étais préparé pour cela.

AM : Après ce match, dans les heures, jours et semaines qui ont suivi, il y a eu un grand tumulte médiatique autour du geste de Zinédine Zidane, comment l’avez-vous vécu de votre côté ? Que pensez-vous de tout cela ?

HE : Tranquille, même distant de tout cela, profitant de l’expérience d’avoir dirigé en Coupe du Monde. En Argentine, cela a été vécu différemment, c’était la première fois dans l’histoire qu’un arbitre argentin dirigeait la finale d’une Coupe du Monde, où ici et dans toute l’Amérique du Sud, la performance était très appréciée. Dès mon retour en Argentine, plus de 100 journalistes m’attendaient à l’aéroport, chaque fois que j’arbitrais sur un terrain dans le championnat argentin, les gens se levaient pour m’applaudir et reconnaître le travail accompli en Coupe du Monde. Même le président de la Nation m’a invité à la maison de gouvernement pour me féliciter… Tout ce qui a été vécu était incroyable.

AM : Quelle était votre relation avec la France et les Français avant ce match ? Et surtout, après ce match, avez-vous été un peu « hué », « insulté » ?

HE : J’ai toujours été très bien traité par tous les Français, il est logique qu’éventuellement (dans un match) on vous hue pour une décision que vous avez prise, où ils peuvent croire que vous les avez défavorisés momentanément.

AM : Quand on est arbitre international, ou même arbitre, on a l’impression qu’il est impossible d’avoir une affinité avec un joueur ou une équipe, car cela pourrait biaiser votre jugement. Je voulais briser ce tabou avec vous.

Avant un match, avez-vous déjà ressenti que vous préféreriez la victoire d’une équipe plutôt qu’une autre ? Ou même penser « je vois cette équipe gagner plus que l’autre » ? Après tout, vous restez avant tout un humain, je ne connais personne qui regarde un match sans essayer de deviner qui va gagner. Avez-vous eu cette réflexion avant ce match France – Italie ? Et si c’est le cas, alors, qui auriez-vous vu gagner avant le début du match, et qui auriez-vous préféré voir gagner ?

HE : Nous analysons toutes les équipes que nous allons diriger, comment elles jouent, avec quels joueurs elles jouent, quelles sont leurs tactiques et stratégies, mais nous n’entrons pas dans l’analyse des possibilités de victoire de chacune, nous analysons seulement les outils dont dispose chacune pour atteindre ses objectifs.

Et 18 ans après…

AM : Que faites-vous aujourd’hui ? Il me semble que vous occupez un poste à la Fédération costaricienne de football ?

HE : Après ma retraite, j’ai été Directeur des Arbitres à l’Association du Football Argentin (AFA), puis Instructeur au Département de Développement de la FIFA, ensuite Conseiller de l’Association Paraguayenne de Football (APF), plus tard je suis devenu Directeur de l’Arbitrage de cette Association ; Membre de la Commission des Arbitres de la Fédération Bolivienne de Football (FBF) et maintenant je suis Directeur de l’Arbitrage à la Fédération du Costa Rica (FCRF).

AM : Pour finir, quel est votre point de vue sur l’arbitrage moderne (VAR, technologie de la ligne de but, hors-jeu automatique…) ?

HE : C’est un nouvel outil, encore très jeune, qui est en plein développement. Ce qui est clair, c’est qu’avec cet outil, on commet moins d’erreurs qu’avant...

AM : Merci à vous, sincèrement. Un dernier mot peut-être ?

Horacio Elizondo : Oui, je veux juste envoyer un gros « abrazo » à toute la France !

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