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·10 novembre 2021
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·10 novembre 2021
Jocelyn Angloma n'était pas un footballeur comme les autres. Arrivé à Rennes en provenance de Guadeloupe à vingt ans, rien ne le laissait supposer une carrière aussi aboutie. Pourtant, il s'est imposé au plus haut niveau. De Marseille à Valence en passant par l'Inter Milan, l'ex-international français (37 sélections, 1 but) a su marquer les esprits. Pour Onze Mondial, il a accepté de revenir longuement sur son très riche parcours. Entretien.
Vous êtes né le 7 août 1965 aux Abîmes en Guadeloupe. Vous commencez le foot dans le club de l’Étoile de Morne-à-l'Eau. De quelle manière le football est-il arrivé dans la vie de Jocelyn Angloma ?
J'ai commencé à jouer au foot dans la rue comme tous les autres gamins de mon âge. Je jouais aussi à l'école, et c'est même là que j'ai été détecté ! C'était courant à cette époque. L'un de mes enseignants aimait le foot et faisait partie du club local. C'est lui qui m'a découvert quand j'avais neuf ou dix ans.
Vous arrivez en France, à vingt ans, pour un essai à Rennes. À ce moment-là, comment appréhendez-vous votre arrivée en métropole ?
Bien, car c'était pour un essai. J'étais bien dans ma tête. Pour un Guadeloupéen, tout jeune, faire un essai en France c'est exceptionnel. Surtout, c'était rare. Quelques joueurs étaient passés par la France avant moi, notamment Marius Trésor que tout le monde connaît. C'est lui le plus grand Guadeloupéen. Il a fait connaître la Guadeloupe grâce à sa carrière. Je suis arrivé en France en novembre, je ne connaissais pas le froid (rires) ! Heureusement, mon essai a été concluant.
Comment s'adapter quand on débarque en Bretagne en provenance de Guadeloupe ?
Il faut savoir avant tout qu'en arrivant, je ne voulais pas rester. Il faisait froid et j'avais laissé toute ma famille. Certaines de mes sœurs vivaient à Paris, donc je m'y suis rendu. C'est là que j'ai pu avoir une discussion avec mon père. Il m'a fait comprendre que je devais faire ma vie, et que je ne devais pas revenir en Guadeloupe. À partir de là, je n'ai pas eu d'autre choix que de m'adapter (rires).
Vous persévérez à Rennes, et vous changez de poste. Pourquoi ?
Quand j'arrive de Guadeloupe, je suis attaquant même si en réalité j'avais joué à tous les postes. J'ai moi-même demandé à jouer au milieu de terrain à Rennes. J'étais plutôt bon donc c'est à ce poste que je me suis installé.
Vous passez de la troisième équipe à la réserve puis de la réserve à l'équipe première très rapidement. Comment expliquez-vous cette incroyable ascension ?
J'ai su saisir les opportunités. Ce sont mes qualités, physiques et techniques, qui m'ont permis d'atteindre l'équipe première très vite. Je n'avais aucun complexe et j'ai su puiser dans mes réserves. C'est vrai qu'encore aujourd'hui je me demande comment tout a pu aller aussi vite… Même si au départ, je ne pouvais pas jouer en championnat puisque je n'avais qu'un contrat amateur. Je jouais en Coupe de France. Mais suite à la blessure d'un joueur, j'ai obtenu une dérogation et j'ai pu disputer les huit derniers matchs de la saison.
Dans la foulée, vous signez votre premier contrat professionnel. En quoi ça a été une fierté pour votre famille qui était en Guadeloupe à ce moment-là ?
C'était énorme ! Je me rappelle de mes frères, qui baignaient dans le foot eux aussi. C'était fort. Mes proches ne comprenaient pas comment j'avais fait pour y arriver aussi vite. Je suis rentré en Guadeloupe un mois après, et les gens ne comprenaient toujours pas (rires). Quand je suis arrivé à Rennes, je jouais en troisième division. C'était déjà un autre niveau par rapport à ce que j'avais connu.
En 1987, vous signez à Lille, et un an plus tard, vous remportez l'Euro espoirs avec les Bleuets. En quoi cette compétition a-t-elle été un tremplin pour votre carrière ?
Beaucoup de recruteurs observent les compétitions de jeunes. Ça m'a surtout mis en avant par rapport à l'équipe de France. J'étais dans l'antichambre de l'équipe A. J'ai été un peu plus connu grâce à ce tournoi. Je jouais avec Éric Cantona, Laurent Blanc, Franck Sauzée pour ne citer qu'eux. Nous avons réussi à remporter le trophée, ce que l'équipe de France espoirs n'a plus jamais su faire.
En 1990, vous arrivez au PSG. Cette saison vous permet notamment de découvrir l'équipe de France. Qu'avez-vous ressenti au moment de porter ce maillot bleu pour la première fois de votre carrière ?
C'était énorme ! C'était beaucoup de fierté pour mes parents mais aussi pour toute la Guadeloupe. C'était rare de voir un Guadeloupéen en équipe de France. Il y avait eu Alain Couriol, Luc Sonor, Franck Silvestre et Marius Trésor bien sûr. C'était une fierté pour moi aussi car en venant de Guadeloupe je n'avais pas suivi toute la formation qui était nécessaire pour intégrer l'équipe de France. Je pense que ma saison à Paris est la plus complète de ma carrière. J'ai joué trente-six matchs de championnat, et j'ai explosé. Paris, c'était une vitrine : les médias étaient omniprésents même si le PSG n'était pas la meilleure équipe à cette époque. C'est un club grâce auquel j'ai pu briller et atteindre les Bleus.
Vous ne restez qu'une seule saison dans la capitale. Comment l'expliquez-vous ?
Bernard Tapie (qui était à l'époque le président de l'Olympique de Marseille, ndlr) avait envie d'avoir les joueurs de l'équipe de France dans son club pour pouvoir gagner cette fameuse Coupe d'Europe. C'est pourquoi il est venu me chercher. La suite, on la connaît.
Quelle méthode Bernard Tapie a-t-il employé pour vous convaincre de rejoindre Marseille ?
Avec Tapie, c'était d'abord un grand discours. Il avait du bagou. Il voulait me faire vibrer. Il m'a fait miroiter, c'était son fort (rires) ! Il me disait que j'allais devenir le nouveau Jean Tigana, le nouveau Frank Rijkaard. Il a fait référence à ces joueurs-là. Il m'a dit que si je venais à Marseille, j'allais connaître ce qui se faisait de mieux. Au final, il a eu raison (rires).
Avez-vous eu des réticences à rejoindre l'OM alors que vous évoluiez au PSG ?
Pas forcément. J'avais une petite appréhension, mais plus par rapport au côté show-biz qui existait à Marseille à l'époque. Comme aujourd'hui à Paris finalement. À la télé, on ne parlait que de Marseille à l'époque. La présence de Bernard Tapie aussi était intrigante. Après, je n'avais pas peur. Venir à l'OM, c'était aussi retrouver le soleil (rires), mais surtout faire partie d'une grosse équipe et retrouver mon pote Abedi Pelé, que j'avais connu à Lille. C'était un joueur magnifique, mais avant tout quelqu'un de formidable. Je connaissais presque tous les joueurs grâce à l'équipe de France.
Quelle relation entreteniez-vous avec Bernard Tapie ?
Il croyait énormément en moi. Dès que je suis arrivé, ça a été une relation de confiance entre nous. Il savait ce que je pouvais apporter et surtout, il avait toujours les mots qu'il fallait. Il pouvait être dur mais il savait me faire croire que j'étais au top. Ça, il savait très bien le faire. Ça m'a beaucoup aidé dans ma vie d'homme : faire savoir qu'on est le meilleur, comment se comporter quand on est sur le devant de la scène, faire face à l'adversité…
Bernard Tapie est malheureusement décédé le 3 octobre dernier. Qu'est-ce que ça vous a fait quand vous avez appris la nouvelle ?
Ça m'a beaucoup touché. C'est quelqu'un qui a beaucoup compté dans ma carrière. En me faisant venir à l'OM, il m'a ouvert beaucoup de portes. J'ai pu jouer à l'étranger dans des grands clubs par la suite, où il était très difficile de s'imposer. Cette nouvelle, elle m'a fait mal. Quand il était malade, j'ai suivi tout son calvaire. Il ne s'est jamais apitoyé sur son sort. Il a su faire face à la maladie. Il avait un cancer mais il parlait comme si de rien n'était. C'était un président magnifique, le « Boss ».
Vous arrivez à l'OM en 1991 alors que le club vient de perdre une finale de C1. Vous vous imposez au poste de latéral malgré une très forte concurrence. Comment l'expliquez-vous ?
Tout d'abord, il faut savoir que c'est en équipe de France que j'ai joué pour la première fois comme latéral droit. C'est Michel Platini qui m'avait testé dans cette position. Quand j'arrive à l'OM, il y a Manu Amoros, une magnifique personne, qui joue à droite. Il était polyvalent et pouvait jouer arrière gauche à la place d’Éric Di Meco. Ça tournait en fonction des matchs. Tous les postes de l'effectif étaient doublés. C'était nécessaire pour avoir une équipe très compétitive. Et c'est dans cette équipe que j'ai su m'imposer.
À Marseille, vous garnissez votre palmarès avec en point d'orgue cette victoire contre le Milan AC le 26 mai 1993 en finale de la Ligue des Champions (1-0). Parlez-nous de cette folle soirée, qui a été un peu gâchée pour vous…
C'était un trophée très difficile à gagner. Mais je pense que notre équipe était forte et préparée à ce type de match. Récemment, j'ai entendu parler Franco Baresi (le capitaine du Milan AC à l'époque, ndlr) de ce match-là et même lui a reconnu qu'on avait une équipe qui était très forte. Pour nous, le Milan AC c'était quelque chose d'énorme. Mais ce jour-là, on a su se surpasser. On aurait pu perdre et prendre des buts, mais on a été à la hauteur mentalement. C'est surtout ça qui a fait la différence au vu de l'environnement. Je parle de tout ce peuple qui était là, à Munich, et du fait de représenter la France dans une finale européenne. C'était énorme ! Malheureusement pour moi, je me suis fracturé le tibia et je n'ai pas pu faire la fête. Gagner des titres, c'est superbe, magnifique. Mais quand on ne peut pas faire la fête après pour savourer c'est frustrant.
Cette victoire, c'est aussi celle de Raymond Goethals. En quoi était-il différent ?
Il avait ses joueurs. Son équipe ne bougeait pas trop. Il croyait beaucoup en moi. En mes qualités techniques et physiques. Il savait ce que je pouvais apporter. Il m'appelait « le petit ». Des fois, il disait à Basile (Boli, ndlr) « va parler au petit ». Je ne sais toujours pas pourquoi, puisque je suis plus âgé que Basile (rires) ! J'avais une belle relation avec lui. Quand on a confiance en quelqu'un, la relation est toujours bonne.
À Marseille, vous avez eu la chance de côtoyer de très grandes stars, de Jean-Pierre Papin à Chris Waddle en passant par Marcel Desailly pour ne citer qu'eux. Que pouvez-vous nous dire sur ces joueurs ?
L'OM, c'est un club de stars ! Quand je jouais à Paris, je les regardais jouer et je me disais que ces gars-là étaient en avance sur moi. On peut aussi citer Basile Boli, Franck Sauzée ou Didier Deschamps qui est arrivé en même temps que moi. Aujourd'hui, quand je parle de Papin, Waddle ou Carlos Mozer, les gens sont encore émerveillés. J'ai pu progresser au contact de ces joueurs.
Pour bien illustrer cela, il suffit de voir l'effectif de l'équipe de France à l'Euro en Suède en 1992 où pas moins de neuf joueurs de l'OM étaient présents chez les Bleus. Pourtant, la France a connu une élimination précoce. Comment l'expliquez-vous ?
On venait de remporter nos huit matchs de qualifications, donc on était favori. C'était Michel Platini le sélectionneur. Rien que ça, ça représentait quelque chose d'énorme. Malheureusement, le groupe a déraillé. Il y a eu des dissensions entre les joueurs. Un peu des problèmes d'ego aussi (rires). Ça arrive souvent quand il y a beaucoup de grands joueurs. Mais ça paie cash. La mayonnaise n'a pas pris. L'équipe a très mal vécu cette élimination.
Malgré ça, vous figurez tout de même dans le onze type de la compétition...
Ça m'a vraiment étonné, j'étais dans le onze type de la compétition alors que je n'avais joué que le premier tour. Je n'avais pas été mauvais, mais d'habitude ce sont les joueurs qui vont loin dans le tournoi qui y figurent. C'est quand même une distinction assez valorisante.
Vous avez évoqué Michel Platini. Qu'est-ce que ça fait d'être entraîné par une telle légende ?
Moi, j'aurais aimé jouer avec lui (rires) ! Ça aurait été bien d'être son coéquipier. C'était une vraie star. Un Ballon d'Or. Il avait tout gagné. Tout le monde avait envie d'être à ses ordres. En tant qu'entraîneur, il était assez cool et ouvert. En fait, il était plus sélectionneur qu'entraîneur. Je crois qu'entraîner, ce n'était pas son truc.
En 1993, l'affaire VA-OM éclate et un an plus tard, le club est relégué en deuxième division. Vous quittez Marseille. En avez-vous voulu à quelqu'un à ce moment-là ?
Non, pas vraiment. Au départ, je devais prolonger à l'OM mais malheureusement mon contrat n'a pas été homologué. C'était aussi le cas de Di Meco par exemple. C'est pour ça que je n'ai pas pu continuer à l'OM. Personnellement, c'est vrai que je voulais rester à Marseille. Je me voyais finir ma carrière à l'OM. Mais c'est difficile d'en vouloir à quelqu'un. Les faits sont là et ils ont été confirmés. J'ai dû prendre une décision pour ma carrière. Des fois, un footballeur est obligé d'être égoïste. Il faut savoir penser à soi pour avancer. Dans tous les cas, je ne pouvais pas faire autrement.
Vous quittez l'OM pour le Torino et découvrez la Serie A. Comment vous-êtes vous adapté à au championnat italien ?
Ça a été compliqué au départ mais c'était tout à fait normal car je n'avais aucune notion d'italien. Pendant les vacances, je mettais des cassettes en italien dans ma voiture et j'essayais d'apprendre la langue (rires). Ce qui m'a aidé, c'est que de nouveau j'ai pu retrouver Abedi Pelé. Nous nous sommes entraidés. Le vestiaire était formidable, j'essayais de parler anglais, une langue qu'Abedi maîtrisait (Abedi Pelé est Ghanéen, ndlr). Le Torino était en reconstruction. On était des étrangers, ce qui était important à l'époque. On se devait de faire la différence. Mais je n'ai eu aucun problème à m'intégrer très rapidement. J'ai gagné le cœur des supporters en marquant quand on a gagné trois buts à deux contre la Juventus.
Parlez-nous de cette rivalité avec la Juventus.
À Turin, c'est le Torino avant tout ! C'est un club qui a marqué les années 40 en Italie. Leur stade s'appelait le Filadelfia. Le fameux accident d'avion de l'équipe (le 4 mai 1949, l'avion transportant les joueurs s'est écrasé et tous ses passagers sont décédés, ndlr) a marqué la ville. La rivalité avec la Juve est énorme. On ressentait cette rivalité en ville, mais les gens étaient respectueux entre eux. Peu importe leur camp. Sauf le jour du match (rires) !
En 1996, vous disputez l'Euro en Angleterre avec les Bleus sous les ordres d'Aimé Jacquet. L'éclosion d'un certain Lilian Thuram vous pousse sur le banc. Comment l'avez-vous pris ?
J'étais mitigé. Il faut savoir accepter la concurrence mais je n'ai pas été averti. J'aurais aimé être concerté. Ça a été dur, d'autant plus que ça a été ma dernière grande compétition. J'ai quand même pu jouer un petit peu. Au final, on a fait un bon Euro et Thuram a été performant. Je l'ai aidé à s'intégrer. C'est un Guadeloupéen, on avait une bonne relation.
Avec le recul, quel bilan faites-vous de votre carrière internationale ?
C'est pas mal, même si je pense que j'aurais pu faire beaucoup mieux. Mais ça ne dépendait pas seulement de moi. J'ai continué à être performant par la suite mais j'ai pris la décision d'arrêter l'équipe de France après 96. Dans son ensemble, le bilan est quand même assez positif. Surtout au vu de mon parcours. Je ne suis arrivé en métropole qu'à vingt ans, c'est assez tard.
Deux ans après votre retraite internationale, l'équipe de France est devenue championne du monde. Est-ce que ça a pu nourrir quelques regrets au fond de vous ?
Non, pas du tout. J'avais pris ma décision. J'y avais bien réfléchi. Sur le moment, je ne m'étais même pas projeté sur le Mondial en France. Et comme je suis parti à l'Inter Milan après l'Euro, je voulais me consacrer à mon nouveau club. C'était l'Inter Milan quand même (rires) !
Votre saison à l'Inter, c'est notamment une finale de Coupe de l'UEFA perdue à domicile contre Schalke 04 (1-1, 4-1 aux tir au but pour les Allemands, ndlr). Mais c'est aussi une sacrée concurrence avec Beppe Bergomi, le capitaine, et Javier Zanetti, une future légende du club. Comment avez-vous vécu cette situation ?
Très bien. J'ai joué pratiquement tous les matchs. Bergomi jouait souvent dans l'axe, et même parfois à gauche. Quand Zanetti jouait arrière droit, je passais au milieu. Ou inversement. En fait, on a souvent joué ensemble. La concurrence était saine, toujours au profit de l'équipe. Il n'y avait aucun problème. L'entraîneur, Roy Hodgson, m'appréciait énormément. Ça m'a forcément aidé. D'autant plus qu'il parlait français couramment. En fait, il parlait toutes les langues (rires). Il y avait aussi Djorkaeff (Youri, ndlr) dans l'équipe. Il aimait bien les Français (rires).
Vous évoquez Djorkaeff. L'Inter Milan, c'est de nouveau l'occasion pour vous d'être dans un vestiaire de stars !
Oui, c'est clair ! Il y avait Iván Zamorano, Paul Ince, Aron Winter, Gianluca Pagliuca dans les buts… Mais pour moi, on s'est ratés. On aurait pu faire beaucoup mieux, même si on fait cette finale qu'on perd aux penalties. On aurait pu aller jouer le titre (l'Inter a terminé troisième, à six points de la Juventus, championne d'Italie, ndlr). On gagnait souvent à l'arrache. L'équipe aurait pu être beaucoup plus forte.
En 1997, vous quittez l'Inter. Pourquoi ?
Un nouvel entraîneur, Luigi Simoni, est arrivé. Aujourd'hui, il est malheureusement décédé. Il ne me connaissait pas et voulait à tout prix me tester, alors que j'avais trente-deux ans. Je me suis dit qu'il y avait un petit souci (rires). J'avais l'opportunité de partir et Valence s'est présenté. J'allais pouvoir signer un dernier contrat. Je crois qu'avec le recul, c'était la bonne décision.
Vous arrivez donc à Valence, où vous côtoyez Claudio Ranieri puis Héctor Cúper, deux entraîneurs renommés aux principes de jeu bien définis. En quoi étaient-ils différents ?
Avec eux, Valence a trouvé de la stabilité alors qu'auparavant, les entraîneurs tournaient souvent sur le banc du club. De mauvaises décisions avaient été prises. L'arrivée de Ranieri a tout changé. Cette stabilité nous a permis de remporter la Coupe du Roi (3-0 face à l'Atlético Madrid, ndlr). C'était un entraîneur italien : de la rigidité et du travail. Ranieri, c'était un entraîneur magnifique. Avec lui, ça jouait au ballon. Il était strict mais cool à la fois. Il pouvait nous donner quatre jours de repos après une victoire importante, à condition d'être au top à notre retour. Il était fort dans l'aspect mental. Quant à Cúper, il savait ce qu'il voulait. Mais il fallait être dans ses petits papiers (rires). C'était mon cas.
En Espagne, vous avez fréquenté de très grands joueurs : Romário, Ariel Ortega, Gaizka Mendieta, Roberto Ayala ou encore Pablo Aimar pour ne citer qu'eux. Quel est le joueur qui vous a le plus marqué à Valence ?
Il y en a beaucoup à Valence ! Mon pote, c'était Amadeo Carboni. On a le même âge, il était arrière gauche et moi arrière droit. On faisait tous les matchs. Lui, il a arrêté à quarante-et-un ans ! Ceux qui m'ont marqué, ce sont les Argentins ! Il y avait aussi Claudio López et Kily González. Pour revenir sur Romário, c'était une star. Une vraie. Même s'il n'est resté que six mois au club. Si on sortait dehors, il ne fallait pas être à côté de lui (rires). Il était fliqué par les journalistes. La radio et la télé ne parlaient que de lui.
Au final, votre parcours à Valence est extraordinaire. Impossible de ne pas mentionner ces deux finales de Ligue des Champions perdues face au Real en 2000 (0-3) et au Bayern en 2001 (1-1, 4-5 aux tirs au but). Qu'est-ce que vous pouvez-nous dire sur ces deux parcours exceptionnels ?
Ça reste énorme. Avant la victoire en Coupe du Roi, Valence n'avait rien gagné pendant vingt ans. On a commencé à battre régulièrement le Real et le Barça. On a su se faire respecter. Ces deux parcours en Ligue des Champions, c'était quelque chose de très fort. L'équipe était solide, n'avait peur de rien et pouvait affronter n'importe quel adversaire. Valence, c'était l'une des équipes les moins connues à l'époque en C1. Au fond de moi, et je le pense encore aujourd'hui, je sais que ce sont les grands clubs qui remportent ce type de compétition. Ça s'est vu contre le Real alors qu'en championnat, on avait gagné… Le Bayern, c'est pareil. Même si on perd aux penalties. Mais sur le moment, j'y croyais énormément. Gagner une deuxième fois la Ligue des Champions, ça aurait été fort.
En 2001, Rafael Benítez s'installe sur le banc de l'équipe. Vous êtes souvent blessé, et vous manquez presque toute la saison. Mais Valence remporte la Liga. Quel regard portez-vous sur cet exercice ?
Après la finale de C1, je me suis fait opéré du genou. Ça a quasiment duré un an… J'ai pu rejouer en fin de saison. J'ai disputé mon dernier match en tant que capitaine. On gagne le championnat devant des équipes comme le Real Madrid ou Barcelone. C'était super. Une magnifique fin de carrière. Mon histoire à Valence s'est bien terminée.
Les supporters de Valence vous ont élu meilleur latéral droit de l'histoire du club. Qu'est-ce que ça vous inspire ?
Ça aussi, c'est énorme. C'est valorisant. Je sais qu'on m'appréciait énormément. Encore aujourd'hui, je constate que c'est toujours le cas (rires). Je suis resté cinq ans à Valence. C'est un club où j'ai connu de très belles choses. J'ai vu grandir cette équipe.
Votre carrière en Europe s'achève donc en 2002. Y a-t-il un club en particulier dont vous auriez aimé défendre les couleurs ?
À un moment, j'aurais aimé jouer en Angleterre. Même une année. Si je dois citer un club, ça serait Liverpool, par rapport au public notamment. C'est un club qui a un grand passé. C'est ce que j'aime en Angleterre. Tous les clubs ont un passé. Ils ont tous une identité. Je trouve ça magnifique.
Retour aux sources pour vous en 2003, puisque vous rentrez en Guadeloupe. Vous revenez à l'Étoile de Morne-à-l'Eau. Entre 2006 et 2007, vous représentez même votre île au niveau international, en prenant part à la Gold Cup qui se déroule aux États-Unis. En quoi est-ce important pour vous de vous investir pour le football guadeloupéen ?
Pour moi, c'est primordial. J'ai eu cette opportunité de revenir. Je me suis pris au jeu. Avec l'Étoile, j'ai pu disputer la Coupe de France. Je voulais encore m'amuser en jouant au foot. Je me suis d'abord investi dans le club, puis au niveau de la sélection, comme c'est toujours le cas aujourd'hui (Jocelyn Angloma est l'actuel sélectionneur de la Guadeloupe, ndlr). Les choses se sont bien passées. Mon sérieux et mon expérience aident l'équipe. Le peuple guadeloupéen croit en moi. Jusqu'à maintenant, j'essaie d'apporter ce petit plus. Mais ça reste très compliqué de faire avancer les choses pour la Guadeloupe.
Depuis 2017, vous êtes sélectionneur de la Guadeloupe. Dans quelle mesure est-il difficile de démarcher un joueur d'origine guadeloupéenne pour l'attirer en sélection alors qu'il évolue en Europe ?
Dans un premier temps, il est important de dire que les clubs ne nous facilitent pas le travail. Nous ne sommes pas affiliés à la FIFA donc les clubs ne sont pas obligés de libérer leurs joueurs. Sauf quand on obtient des dérogations. Je pense que c'est possible de monter une équipe compétitive. Il faut faire de nombreuses démarches auprès des présidents. Le plus souvent, quand on approche un club, c'est le directeur sportif qui nous met des bâtons dans les roues (rires). Tout ça fait que c'est très compliqué pour nous.
Avez-vous des projets pour les années à venir ?
En parallèle de mon poste de sélectionneur, j'entraîne les jeunes du Pôle Espoirs Guadeloupe pour deux ans. Je suis satisfait de voir que les jeunes qui partent en métropole se retrouvent assez rapidement dans les équipes de France Jeunes. Ça fait trois ans que je suis au Pôle, et certains sont déjà passés professionnels. Thomas Lemar, qui est champion du monde, est passé par le Pôle. Il faut continuer ce bon travail. En ce moment, je passe un diplôme d'état à Clairefontaine pour essayer de confirmer ma place au sein du Pôle Espoirs.
Est-ce que ça pourrait être une possibilité pour vous d'intégrer un staff ou une direction dans un club professionnel. À Marseille par exemple ?
Ça n'a jamais traversé mon esprit, même si j'ai eu l'occasion d'être invité à une réunion quand Frank McCourt a racheté l'OM. C'était pour développer la formation. Mais ils n'ont pas donné suite. Peut-être que si ça avait été le cas, j'aurais pu réfléchir. D'un autre côté, je me dis que je fais un bon travail en Guadeloupe. Je suis tranquille, dans une belle île, il fait super beau (rires). Aujourd'hui, j'ai cinquante-six ans… Mais on ne sait jamais.
En parlant de l'OM, quel est votre point de vue sur la saison actuelle des Phocéens ?
J'ai beaucoup apprécié le début. Je savais que ça allait prendre avec l'arrivée du nouvel entraîneur (Jorge Sampaoli, ndlr). Il demande énormément et apporte beaucoup de rigueur. Sa manière de jouer demande énormément d'énergie. Ce que je crains, c'est une baisse de régime. Ça s'est déjà un peu vu. Ça ne va pas permettre à l'équipe d'avancer comme il faut. J'espère me tromper. Mais dans l'ensemble, ça reste quand même assez intéressant. C'est pas mal pour les supporters. On parle beaucoup de l'OM car le jeu est meilleur. Même si on va toujours parler de l'OM (rires) !
En parlant des supporters, quel regard portez-vous sur le public du Vélodrome ?
Magnifique, comme d'habitude ! Mais on ne peut pas ne pas parler des incidents. Malheureusement, c'est ça que je déplore le plus. C'est un public magnifique, mais il faut toujours que quelques-uns dépassent les bornes… Ce que l'on veut voir, c'est le public que l'on voit sur les derniers matchs, mais sans les incidents !
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