OnzeMondial
·25 avril 2025
EXCLU - Robin Risser : « J’ai dû passer par des épreuves difficiles »

In partnership with
Yahoo sportsOnzeMondial
·25 avril 2025
La Ligue 2 est un championnat qui recèle de nombreux talents. Chaque année, plusieurs pépites franchissent le cap et brillent dans l'élite. Tous les mois, Onze Mondial part à la découverte de ces cracks de l’ombre. Après un prêt réussi à Dijon en National, Robin Risser pensait s’imposer au sein de son club formateur, le Racing Club de Strasbourg. Le nouveau coach, Liam Rosenior, en a décidé autrement. Déterminé à montrer son talent, le talentueux gardien de but a pris son mal en patience avant d’opter pour une nouvelle pige, au Red Star cette fois-ci. Déjà performant et sous le feu des projecteurs, l’Alsacien s’éclate à Bauer. Interview.
Voici quelques extraits de notre interview de Robin Risser. L’intégralité de cet interview de 2 pages est à retrouver dans le magazine n°371 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 28 mars 2025.
Comment s’est déroulée ton enfance ?
J’ai grandi dans un cadre viticole avec mes grands-parents et mes parents. Ils sont dans le monde du vin dans deux exploitations différentes. C’est le milieu de la terre. Je vivais dans un petit village en Alsace, à côté de Colmar, sur la route des Vins. J’ai un grand frère qui a aussi rejoint l'exploitation récemment. Il a un an de plus que moi. C’est aussi grâce à lui et toutes les frappes qu’il m'a mises contre la grange familiale que j'en suis là aujourd'hui.
Tu aidais la famille dans l’exploitation familiale ?
Quand j'étais plus jeune, j'étais carrément plus intéressé que mon frère. Quand j'ai grandi, je me suis un peu détaché. J’ai rejoint le sport-études, j’avais un peu moins le temps. Et au fil du temps, c'est carrément devenu une contrainte. J'étais content d'être loin de l'exploitation pour ne pas les aider (sourire). Mais avant, j'aimais bien aller dans les vignes pour aider mes parents. J'accompagnais sur le tracteur, parfois, il fallait arroser les jeunes vignes, c'était les vendanges. On va dire que c'est la bonne période. Quand il faisait froid, mes parents évitaient que j'aille avec eux. Ils me protégeaient.
Et tu étais quel type de garçon ?
J’étais un garçon attachant, je savais déjà où je voulais aller, j’aimais le foot, j’adorais jouer avec les copains du village, dans les rues, au city, au stade de foot. De temps en temps, c’était une punition quand j'allais dans les vignes. Et par-dessus tout, j’aimais le foot. À l’école, j'ai fait un bac STMG, je l’ai d’ailleurs obtenu.
Comment es-tu tombé dans le foot ?
Mon papa aimait le foot. Ce qui m’a vraiment orienté vers le foot, c’est que mon oncle paternel, également mon parrain, était le président du club de mon village. Il a facilité les papiers. Comme j’étais tout jeune, j'avais 4 ans à cette époque-là, c’était interdit d’avoir une licence. Mais il m’a quand même intégré au club. Il y avait mes cousins. J’ai toujours joué avec des gens plus âgés que moi. Grâce à ça, j’ai rapidement progressé.
Tu n'as pas essayé d'autres sports ?
Ma mère voulait que je fasse un peu tous les sports. J'ai essayé le judo et le badminton. À l’école, j’ai pratiqué d’autres sports, mais moi, c’était le foot et rien d’autre.
Tu as commencé directement en tant que gardien de but ?
Non, ce n'était pas mon truc au début. J’étais le plus jeune de la famille, donc forcément, que ce soit avec mes cousins ou mon frère, j'allais dans les buts. Un jour, le gardien n'était pas là, le coach ne savait pas qui mettre. Je me suis proposé. J’avais été bon ce jour-là et tous les parents sont venus me voir pour me dire : « C'est bien ce que tu as fait ». Et à partir de ce jour-là, je ne suis plus jamais sorti des buts.
Comment se déroulent tes débuts au FC Bennwihr ?
Je grandis, j'évolue. Mes deux premières saisons, je suis joueur de champ, ensuite, je deviens gardien. J’ai un processus normal, j'intègre l’équipe U11 assez rapidement, je suis toujours surclassé dans les catégories de jeunes, je me retrouve tout le temps avec mon grand frère. J'étais en avance pour mon âge. Il fallait toujours un gardien, car dans la génération d’au-dessus, il n'y en avait pas. À Bennwihr, on avait une belle génération, on faisait de beaux matchs. Un jour, on jouait contre Colmar et j'ai sorti un gros match. À la fin, ils sont venus parler à mon papa. Ils m'ont invité à faire des détections. J’y suis allé et j’ai rejoint ce club. C’était à 15 minutes de la maison. À partir de la sixième, j’ai intégré un sport-études à Colmar. Ça m’a facilité la tâche, car il y avait un partenariat avec le club. À la sortie de l’école, j’allais à pied au stade.
Comment se passent tes deux saisons à Colmar ?
Très bien. J'ai vite évolué. J’ai eu la chance de tomber sur deux éducateurs formidables, il y avait un super feeling entre nous. J'ai rapidement progressé. J'ai eu la chance d'être surclassé avec une belle génération. En sport-études, on avait beaucoup de séances d’entraînement donc je progressais rapidement. La charge était importante pour mon jeune âge, mais comme j’étais un dingue de foot, ça ne me dérangeait pas. J’ai connu quelques soirées compliquées pour faire les devoirs. Mais dans l'ensemble, je retiens du positif de mon passage à Colmar. Ça m'a permis d'évoluer. On a fait de beaux tournois, on a affronté de grands clubs, ça m’a permis de me faire connaître partout en France.
Comment as-tu été recruté par Strasbourg ?
On a fait un match amical à Strasbourg. À l’époque, Albert Stoeckel était l’entraîneur des pros, car le club était en national à ce moment-là. Il est venu superviser le match parce qu'il avait attendu de bons échos à mon sujet. À la sortie du match, il a rencontré mon papa. Il voulait que je vienne le lendemain matin m'entraîner avec le club. J’y suis allé, mais j’ai attendu, je voulais terminer ma saison à Colmar, et ensuite, j’ai rejoint le RCSA.
Par la suite, tu intègres le centre de formation de Strasbourg ?
Non, d'abord, je passe au Pôle espoirs à Nancy. La semaine, j'étais au Pôle espoirs à Nancy et le week-end, je jouais avec les équipes de la préformation de Strasbourg. À Nancy, c’était le vrai apprentissage du centre de formation. Ça m'a permis de découvrir le haut niveau chez les jeunes. J’ai de super souvenirs. J’ai bien progressé, surtout au niveau de mon jeu au pied. Comme l’entraîneur des gardiens n'était pas souvent là, j’étais souvent mélangé avec les joueurs de champ. À la fin de mes années au pôle, j’ai rejoint le centre de formation.
Comment se passe ta formation à Strasbourg ?
Tout normalement. Quand j’étais au Pôle espoirs, j’intégrais de temps en temps l’équipe U17 nationaux du Racing. Donc forcément, les éducateurs me connaissaient, le coach me connaissait, le groupe aussi. C'était plus simple pour moi. Le club m'a rapidement fait confiance avec un super entraîneur des gardiens. J’étais surclassé, ça m'a permis de faire un apprentissage express.
Comment vivais-tu la concurrence ?
On était quatre gardiens, deux 2004 dont moi et deux 2003. Les deux 2003 devaient s'entraîner en U19 et redescendre pour les gros matchs en U17. Mais lors de mes premiers matchs en U17, j’ai montré au coach qu’il pouvait me faire confiance. À la base, il y avait un roulement, au bout du quatrième match, le coach est venu me voir et m'a fait comprendre que j’allais jouer les gros matchs et les matchs de Gambardella avec la génération 2002. J’ai engrangé de l’expérience en peu de temps et j’ai pu m’appuyer sur un éducateur qui m'a fait confiance.
Peux-tu nous parler de la vie au centre de formation ?
Ce qui était bien, c’est qu’on était sept joueurs du Pôle espoirs à rejoindre Strasbourg. Du coup, on se connaissait tous. On était habitués, la vie à l’internat ressemblait à celle à Nancy. Le centre de formation vivait vraiment bien, tout le monde s'entendait bien, les plus anciens nous ont bien accueillis. Il y avait de vrais moments de partage, de belles soirées en salle télé. Je me rappelle des soirées foot, tout le monde était réuni, tout le monde rigolait. J’en garde de beaux souvenirs.
Comment se passent tes premiers entraînements avec les pros ?
Lors de ma première bascule, la vérité, je n'étais pas prêt. On sort du confinement, le gardien de l'équipe professionnelle se blesse. Et le coach des gardiens, Stéphane Cassard, qui venait d'arriver au club, fait appel à moi pour le stage de préparation. J’avais 15 ans. C’était vraiment juste pour accompagner l'équipe lors des séances de finition. C'était en attendant qu'il trouve un autre gardien. Voilà mes premiers pas. Derrière, je suis retourné en réserve. Et un an plus tard, je signe mon premier contrat professionnel.
Tu n’étais pas prêt ? C’est-à-dire ?
Ils avaient besoin de quelqu'un à ce moment-là et ils ont fait appel à moi. Je sortais de six mois de confinement, donc sans entraînement. Les pros avaient eu des entraînements. Forcément, j'étais un peu frêle, surtout que j’ai connu une croissance longiligne. Avec les pros, ça tapait fort, je n’étais pas habitué. C’est le processus qui voulait ça. Je suis retourné en jeunes et ce n’était pas une punition de me renvoyer, c’était pour ma progression, mon apprentissage. J'ai toujours eu le soutien du club.
Comment s’est opérée la suite ?
Du coup, je signe pro en été. En hiver, je rejoins le groupe pro, j’étais quatrième gardien. La saison d'après, je commence troisième gardien et je finis deuxième gardien avec un concours de circonstances. Ma progression et mes performances aussi qui ont fait que. J’aurais pu jouer en cas de blessure ou de suspension, mais ce n’est jamais arrivé (sourire). Et la saison d'après, je suis prêté à Dijon en National.
Comment on fait face à des attaquants comme Kevin Gameiro ou Habib Diallo à l’entraînement ?
Ça tapait plus fort, ça tapait plus vite, ça cachait mieux les intentions. À partir du moment où j'ai intégré le groupe pro et été propulsé numéro deux, j'ai pris conscience du niveau. À un moment, on se met au niveau naturellement. Quand tu as les qualités, quand le club te fait comprendre que tu as cette marge de progression-là, ça vient tout seul.
Que retiens-tu de ton prêt à Dijon ?
C'était vraiment une expérience dingue. Le coach était l'adjoint d'Antonetti quand j'étais à Strasbourg, du coup, il m’a tout de suite appelé à la fin de la saison pour me faire part de son intérêt et de sa confiance. Le choix de Dijon était clair et logique. Après, bien sûr, tout n’a pas été simple à Dijon. J’étais dans un rôle de numéro deux en Ligue 1. Chaque week-end, les stades étaient remplis, les stades étaient beaux, les pelouses aussi. En National, on redescend un petit peu, c’était pour mon apprentissage, je n'avais rien de mieux. À Dijon, j'ai rencontré un groupe de gars géniaux. On a fait un gros début de saison. Ça s’est compliqué par la suite. C'était vraiment une belle expérience dans l’ensemble. J’ai pu mesurer au niveau semi-professionnel l'exigence d'un poste de numéro un et la difficulté d'être régulier toute une saison. Ce passage à Dijon a été constructeur pour moi.
Entre-temps, Strasbourg a été racheté. Tu t’es questionné à ce sujet ?
Pas spécialement, il y a toujours des questions, des interrogations. Quand je reviens, il n'y a pas vraiment de hiérarchie en place. Je sais juste que le coach Vieira m’attendait avec impatience. Pendant la préparation, je pars aux JO, je me blesse, je reviens à Strasbourg. Le coach Vieira est derrière moi, me fait confiance. Et pendant la préparation, le coach se fait licencier. Un nouveau coach arrive avec ses idées, ses façons de faire. De mon côté, j’ai connu une préparation compliquée, tronquée, je n'ai pas forcément été bon et au niveau. Donc le club fait appel à des gardiens plus expérimentés que moi.
Tu as fait des erreurs pendant la préparation ?
Je n'ai pas été au rendez-vous. C'est un concours de circonstances qui fait que… (il coupe). Je n’ai pas répondu aux attentes du club. Et je me retrouve troisième dans la hiérarchie.
Durant le mercato d’hiver, il était important pour toi de trouver un prêt.
Oui, c'était le plan. J'avais déjà la possibilité de partir cet été. Ça ne s'était pas fait, malheureusement. J'ai dû ronger mon frein. J'ai continué à travailler dur. Car j'avais cette intime conviction que ce moment allait arriver, qu'il fallait que je me tienne prêt, qu'il fallait que je continue à travailler dur et que la roue allait tourner. C'est ce qui s'est passé. C'est pour ça que dès mon arrivée au Red Star, j'étais prêt et j'ai pu être performant directement.
Louper les JO à cause d’une blessure n’a pas été dur à accepter ?
Si, évidemment, c'est un concours de circonstances. Le haut niveau, c'est ça aussi. Il n'y a pas de sentiments. Je n'étais pas prêt, quelqu'un d'autre a joué, c'est tout. C'est comme ça. Le plus dur, c'est que je n'ai pas répondu présent au moment où je devais répondre présent. J’ai les qualités. Je sais faire. J'avais cette intime conviction-là, mais c'est juste qu'au moment où je devais le faire, je ne l'ai pas bien fait.
Tu n’as pas trop cogité ?
Je ne vais pas mentir, ça a été une période difficile, mais je sais me remettre en question. J'ai pu m'appuyer sur ma copine qui vit avec moi, mes amis, ma famille. On est une famille très humble, on sait d'où l'on vient. Je ne suis pas là pour me chercher des excuses. Je n'ai pas vécu ça comme une injustice, je m’en suis servi comme une grande revanche personnelle. C'est pour ça que c'était important de repartir fort. Oui, j’ai connu une période un peu compliquée, il fallait vite avaler. Ça va vite dans les deux sens, surtout au haut niveau. Après avoir avalé cette déception et cette frustration, je suis reparti au boulot et je me suis battu tout simplement.
Tu enchaînes les bonnes performances au Red Star, comment expliques-tu ta bonne passe ?
Je n’ai pas commencé à m’entraîner simplement quand le Red Star a fait appel à moi. Ça a commencé bien avant. Ça a commencé le jour où je me suis blessé. J’avais cette intime conviction qu'il fallait que je me tienne prêt. Quand je suis revenu de blessure, ce n’était pas forcément le cas. J’ai ensuite vécu un épisode difficile. Mais pendant cette période, je me suis battu tous les jours à l’entraînement. Je savais que quelque chose allait se présenter. C’est un long travail de plusieurs mois qui paie aujourd’hui. Et je suis très content de ça.
Tu as un taux d'arrêts élevé, l'un des meilleurs actuellement. Regardes-tu les stats ?
Non, pas spécialement. Mes agents me les envoient de temps en temps. C’est toujours flatteur, bien évidemment. Après, si je fais des arrêts, mais qu'on ne gagne pas forcément les matchs, c'est quand même frustrant. Pour moi, le plus important, c'est vraiment l'équipe. Bien sûr, mon apprentissage et ma progression sont importants, mais je dois déjà rendre la confiance que le Red Star m'a donnée parce que je sors d'une situation compliquée. Ils auraient pu faire appel à quelqu'un d'autre et non, ils m'ont fait confiance. Je me dois d'en donner deux fois plus sur le terrain pour leur rendre cette confiance-là. Voilà ma façon de penser.
Tu as grandi à la campagne, comment t'es-tu adapté à la vie en région parisienne ?
C'est un peu particulier. Mais j'ai une agence qui est formidable. Ils sont aux petits soins pour moi. Dès que je sors, ils me conseillent. Le club m'a mis dans les meilleures conditions, les dirigeants m'ont trouvé un bel appartement. Je suis quelqu'un de casanier, je pense tout le temps au travail. Le matin, je prends ma voiture, je vais à l'entraînement, le soir, je rentre et je récupère. Bien sûr, ça change de la campagne, mais on s'y fait. C'est comme tout.
Le Red Star est connu pour être un club mythique avec ses supporters, son stade, quel a été ton ressenti ?
Franchement, on ne m'avait pas menti. C'est un club qui a un potentiel extraordinaire, je le vois au centre d'entraînement. Le club a tout pour grandir. C’est à nous, les joueurs, de faire le maximum pour maintenir ce club le plus rapidement possible en Ligue 2. Les choses vont s'accélérer tout doucement par la suite. C'est pour ça qu'on se doit de faire les choses correctement. On a des supporters qui sont derrière nous. Ils font les déplacements même en Corse. Franchement, c'est particulier. C'est une ambiance à l'anglaise. Quand le stade sera fini, ça va être énorme. Il y aura 10 000 personnes derrière les joueurs, pour les pousser à chaque match. Ça peut vraiment être beau. Ce club a tout pour grandir de la meilleure des manières.
Tu as connu le National et le Ligue 2. Quelles sont les différences ?
Déjà, j'ai un grand respect pour le championnat de National. C'est un championnat très compliqué, très bourbier. Tous les matchs sont compliqués. On sent quand même la différence avec le championnat de Ligue 2. En Ligue 2, les équipes sont mieux organisées. En National, dès la 60ème minute, ça partait dans tous les sens. Cette année, je ne vois pas ça. On tombe contre de belles équipes : Metz, Lorient, Dunkerque. Ça joue bien au ballon, avec de très bons joueurs. Dans chaque équipe, il y a de super joueurs. Voilà la différence entre ces deux championnats à l'heure actuelle. Il y a aussi la qualité des pelouses qui est différente. Les stades sont un peu plus beaux.
L’objectif est de revenir à Strasbourg et s’imposer ? Ou de trouver un nouveau club ?
Franchement, je ne me projette pas jusque-là. Je me projette juste sur le prochain match. Mon but, c'est d'être performant à chaque match, d'être décisif, d’aider l’équipe à se maintenir rapidement. À partir de là, je penserai à la saison prochaine. Pour le moment, je suis focalisé sur le Red Star et le maintien.
Les dirigeants de Strasbourg suivent tes performances ?
Oui, bien sûr. La personne qui s'occupe des prêts est venue me voir récemment, à Bauer. J’échange de temps en temps sur mes matchs avec l’entraîneur des gardiens. Donc oui, ils me suivent.
Si tu devais parler de toi au quotidien, qui est Robin Riser ?
Je suis humble, je sais où je veux aller, je suis ambitieux, je suis travailleur. Forcément, ça vient aussi de ma nature, de la terre, avec des parents qui n’ont jamais triché. Ils travaillent chaque jour, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige. J’aime être à la maison. Je pense souvent au boulot, je peux être chiant avec mes proches à cause de ça. Je suis très dur avec moi-même, que ce soit sur mes performances ou dans la vie en général.
Tu as toujours été considéré comme un gardien prometteur. Comment on gère ce truc autour de soi ?
Si je joue un rôle ou si je m’enflamme, ma mère et mon père vont me rappeler immédiatement à l’ordre. Surtout ma mère qui est très dure avec moi et qui n’a pas peur de me dire les choses. J'ai une agence formidable aussi. Elle est là pour m’alerter quand je fais des erreurs. Sinon, je ne fais pas attention à ce qui se dit autour de moi.
Qu’aimes-tu faire en dehors du foot ?
J'aime passer des moments avec mes amis. Là, c'est plus compliqué parce qu'ils sont loin de moi. Je sais que ça va être le cas tout au long de ma carrière. J'aime bien être au téléphone avec eux, je joue à la play avec eux. Je fais des sorties de temps en temps avec madame. J’aime manger dans de beaux restaurants aussi. Sinon, j’aime rester à la maison tranquille.
Comment résistes-tu aux tentations ?
Je suis programmé pour ça. J'ai grandi dans ça depuis tout jeune. Quand j’étais jeune, j’étais à l’internat. Et comme il fallait se rapprocher du haut niveau, on faisait déjà attention. Les sorties étaient interdites. Du coup, on n’était pas attirés par la malbouffe. Mes parents font très attention à tout ce qu’ils mangent, alors j’ai été éduqué comme ça. Pareil au centre de formation, il y avait des règles. J’ai vite intégré le groupe professionnel et côtoyé des personnes qui étaient très dures envers elles-mêmes. Voilà pourquoi je ne suis pas attiré par tout ça. Je mange sainement, je fais attention à mon sommeil pour optimiser mes performances.
As-tu des surnoms ?
Robinho, car je joue comme un Brésilien (rires). J’aime bien taquiner les autres joueurs en leur disant : « Moi, je peux être milieu de terrain ». Et voilà, ils m’ont appelé comme ça.
Tu es quel type de gardien de but ?
J'essaie d'être un gardien propre, beau à voir. Mais comme Jérémy Janot me le dit quand je suis en sélection, le gardien est jugé sur sa ligne avant toute chose. Il ne faut pas l'oublier même si le poste évolue. Il faut être bon sur sa ligne. C'est ce que j'essaie d’être cette année : bon sur ma ligne. Les stats parlent pour moi, j’espère que ça va continuer. Oui, le poste a évolué, le jeu au pied est de plus en plus observé. Il est très important et influe sur le jugement des performances. J'essaye d'être être le plus important pour l'équipe par rapport à ce que je viens de dire. Je veux être un gardien qui s'impose dans les airs et qui dégage une certaine sérénité et un leadership.
On dit souvent que pour être gardien de but, il faut être fou dans la tête. Toi, tu as l'air d'être plutôt normal. Je me trompe ?
Ça, c'est derrière mon écran comme ça. Mais quand on met une paire de gants et une paire de crampons, c'est différent quand même (rires). Je peux être un animal par moments, c'est ce qu'il faut. À l'entraînement, quand je prends quelques buts, je fais vite comprendre à mes défenseurs que je n'aime pas ça et qu'il faut se réveiller. Parce que moi, derrière, je n'aime pas prendre de but, je n’aime pas perdre. Je suis un compétiteur dans tout ce que je fais dans la vie. Même quand on joue avec ma copine à la console ou aux cartes, je ne rigole pas. Je déteste perdre.
Comment te sens-tu après une erreur ?
Ce n’est jamais simple, mais l'erreur est humaine. Aucun joueur n’est parfait durant un match, ça arrive à tout le monde de se louper. C'est juste que nous, en tant que gardien, quand on loupe une passe, c'est fatal pour l'équipe. Après, il ne faut pas rester bloqué dessus, il faut rebondir. Tu peux faire une erreur à la 60ème, arrêter un penalty à la 90ème, et être considéré comme le sauveur du match. Quand tu es gardien, tu es le dernier rempart de l’équipe, si tu montres un signe de fragilité après une erreur, toute l'équipe est fragilisée. Il faut dégager beaucoup de sérénité à ce moment-là, encore plus de force. Bien sûr que mentalement, ce n'est pas simple. Tu cogites dans ton but quand tu es tout seul, mais il ne faut pas que les gens le voient et en profitent, encore moins l'équipe adverse.
Et après un enchaînement d'arrêts, comment on se sent ?
On se sent fort. Il y a des séries d'arrêts, il y a des soirs où tu te dis : « Il ne peut rien m’arriver ». Et il y a des soirs où tu te dis: « J’ai fait des arrêts, mais je sais que je vais en avoir d’autres à faire ». Et si tu te loupes sur une frappe, tous les arrêts que tu auras faits avant, ils seront oubliés. C’est la particularité de notre poste. Parfois, on a peu de ballons, on est jugé sur ce peu de ballons. Tu peux passer un match tranquille, et à la fin, tu prends une frappe pleine lucarne et les gens vont dire : « Le mec n’a rien eu à faire et il n’a pas répondu présent quand on avait besoin de lui ». Il faut donc rester très humble dans tout ce que tu fais. Il faut rester vigilant. Encore plus au haut niveau, tout va très vite, les joueurs sont capables de frapper dans tous les angles.
Quels sont les gardiens que tu aimes bien ? .
En Ligue 2, j'adore Yves Mvogo de Lorient. J'adore ce qu'il dégage et l’aura qu’il a. Après, par-dessus tout, Neuer, il a révolutionné le poste. C'est un grand gardien que j'admire. J'adore Ter Stegen aussi, tout ce qu'il dégage, sa sérénité, son charisme. Maignan est juste extraordinaire. Il dégage un vrai leadership, il a une vraie force naturelle. On peut citer Lucas Chevalier, ce qu’il fait pour son âge, c’est très fort. C'est respectable et c'est forcément une trajectoire que j'aimerais suivre.
Quand on voit Chevalier et Maignan, on ne se dit pas que ça va être difficile pour atteindre l’équipe de France A ?
Ça va être difficile, il faut y aller étape par étape, match par match. Toutes les étapes sont importantes, il faut les franchir sereinement. Le travail fera le reste. Ma conviction, c’est que je peux réussir. Je vais mettre toutes les choses de mon côté pour réussir et pour essayer de toucher l’équipe de France A. D’ailleurs, quand je suis appelé en équipe de France espoirs, ça m’arrive souvent de participer à une séance avec l’équipe de France A. C’est le premier jour du rassemblement. Comme je joue souvent le vendredi, je suis disponible le lundi. Du coup, je fais la séance de finition avec les joueurs qui ont moins joué le week-end.
Comment vis-tu cette séance ?
À 100%. Je suis fier de représenter ce maillot bleu. Côtoyer ce type de joueurs, c’est stimulant. Je ne peux pas faire semblant. Évidemment, au début, tu es un peu impressionné. Au bout du deuxième arrêt, c’est parti ! Ce sont des joueurs de foot, des personnes extraordinaires avant tout, ils m’ont rapidement mis en confiance. Après les choses se font naturellement.
C’est quoi le gardien parfait pour toi ?
Un gardien décisif avant toute chose, avec un bon jeu au pied, il doit soulager son équipe dans les airs et dégager beaucoup de sérénité et de détermination auprès de sa ligne défensive. Il doit bien communiquer et dégager un certain aura. Il doit être respecté.
Quels sont les rêves de Robin ?
Je ne me fixe aucune limite. Mon rêve, c'est d'atteindre le plus haut niveau, de toucher aux plus grandes compétitions et d'être international français un jour.
Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
La facilité, ce serait de dire viticulteur. Personnellement, j’aime aider les gens, donc je dirais pompier. J'ai toujours bien aimé ce métier et admiré ces gens-là.
Si tu pouvais bénéficier d'un super pouvoir, tu choisirais lequel ?
D'arrêter toutes les frappes, d’être invisible, infranchissable.
Si tu devais terminer l’interview par une phrase qui te représente, tu dirais quoi ?
Je dirais : « C'est à la fin du bal qu'on paye les musiciens ». Des gens vont plus vite que d'autres durant leur parcours. Mon plan à moi est comme ça. J'ai dû passer par des épreuves difficiles, notamment en début de saison. Ça fait partie de mon histoire. C’est à la fin de ma carrière que je serai fier de regarder tout ce que j'ai fait. J’espère que j'aurais pu aboutir, gagner des trophées et jouer au plus haut niveau comme j'ai toujours voulu.
Comment tu te notes pour cet interview ?
Je me mets 5 sur 10. Je n’ai pas été très bon. D’ailleurs, je ne regarde jamais mes notes dans les journaux. J’ai, un peu, regardé l'année dernière, mais j'ai vu que ce n’était pas bon, donc j'ai arrêté. Les journalistes sont parfois durs (sourire).
Retrouvez l'actualité du monde du football en France et dans le monde sur notre site avec nos reporters au coeur des clubs.