Football des Caraïbes : jusqu’au bout du monde (1/2) | OneFootball

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·16 mai 2020

Football des Caraïbes : jusqu’au bout du monde (1/2)

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Les Caraïbes et leurs plages de sable fin, leurs eaux turquoises, leurs îles paradisiaques ou leurs histoires de piraterie et de trésors enfouis en ont déjà fait fantasmer plus d’un. Si cette région du monde n’est pas particulièrement célèbre pour ses performances footballistiques, il ne faut toutefois pas penser que ce jeu n’a pas sa place dans la culture locale. La Coupe caribéenne des nations -- organisée entre 1978 et 2017 -- montre l’intérêt porté pour ce sport. Même si les sélections caribéennes sont classées parmi les moins bonnes au classement FIFA, certaines ont réussi l’exploit de se qualifier pour une phase finale de Coupe du monde. Ces équipes se comptent sur une main. Larguons les amarres, et partons pour un voyage de deux articles à la découverte de ces petits poucets du football qui ont rêvé en grand. Attention : nous entendons ici par « Caraïbes », les nations sous l’égide de l’Union caribéenne de football, soit une grande partie des territoires de l’archipel des Antilles. Il ne s’agit pas des Caraïbes sous son terme purement géographique qui regroupe certains pays d’Amérique centrale et du sud. Néanmoins, les pays ici traités passent les phases de qualifications de la zone CONCACAF.

Juin 1938, les tensions en Europe sont de plus en plus fortes. Cependant, le football a encore sa place dans l’actualité. La troisième Coupe du Monde de l’histoire est cette fois-ci organisée en France, terre natale de son créateur Jules Rimet. Les nombreuses discordes politiques provoquent le renoncement de maintes nations à l’événement. Dans la zone CONCACAF, les États-Unis, la Colombie, le Costa Rica, le Mexique, le Salvador et la Guyane néerlandaise ont toutes déclaré forfait lors des éliminatoires. Ces forfaits profitent donc à Cuba, jeune sélection du football, qui va se qualifier pour la première fois de son histoire pour une Coupe du monde. Cela fait d’elle la première équipe des Caraïbes à participer à la compétition.


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Cuba 1938 : à jamais les premiers

Certes, le forfait de ses concurrents profite bien à la sélection cubaine. Néanmoins, cette qualification semblait encore irréaliste pour cette nation qui n’avait disputé le premier match de son histoire que huit ans plus tôt contre la Jamaïque. Un grand honneur en somme, pour une si petite équipe composée à 100% d’amateurs immigrés galiciens, basques et catalans. Celle-ci a la lourde tâche de représenter le continent américain avec le Brésil.

Les Leones del Caribe arrivent en France avec la ferme intention de prouver qu’ils y ont leur place. Pour cela les Cubains vont devoir le démontrer sur le terrain contre la Roumanie. Les choses deviennent enfin sérieuses le 5 juin 1938. Ce premier tour, qui est en réalité un huitième de finale, a lieu à Toulouse au Stade du T.O.E.C. Le coup d’envoi est donné devant 7000 spectateurs seulement. Sans surprise, la Roumanie ouvre le score à la 35ème minute grâce à leur buteur vedette Silviu Bindea. Rien de quoi démoraliser les vaillants cubains qui égalisent juste avant  la mi-temps grâce à celui qui deviendra le meilleur buteur de l’équipe en Coupe du monde, Victor Socorro. A la 69ème minute, les spectateurs ont l’agréable surprise de voir Cuba prendre les devant avec un but de José Magriñá. L’exploit est proche, mais la Roumanie égalise à deux minutes de la fin. Les prolongations sont alors jouées. Là encore, les deux équipes sont incapables de se départager. Cuba marque en premier, une nouvelle fois par le biais de Socorro, puis la Roumanie égalise de nouveaux deux minutes plus tard. 3-3 score finale. Les tirs au but n’existant pas encore, le match devra être rejoué.

Quatre jours plus tard, on prend les mêmes on et recommence… enfin presque, puisque le gardien titulaire cubain, Benito Carvalajes et héros du match aller en ayant sauvé cinq grosses occasions de but, laisse sa place à son remplaçant afin de pouvoir aller commenter la rencontre pour la radio de son pays. Dans un même stade toujours aussi peu rempli, devant tout juste 8000 spectateurs, la Roumanie ouvre de nouveau le score après un peu plus d’une demi-heure de jeu. Mais les Cubains savent souffrir et c’est avec cet esprit de lutte et de conviction que les Leones del Caribe renversent la tendance. Au retour des vestiaires, Cuba change sa manière de jouer, misant sur l’offensive, et marque deux buts en l’espace de cinq minutes. 2-1, le score ne changera pas. Socorro (encore lui) et Fernandez qualifient leur pays pour un historique quart de finale.

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La Suède est le prochain adversaire à se hisser face aux Cubains trois jours plus tard. Avant cette rencontre, les Scandinaves bénéficient d’un avantage considérable puisque ces derniers n’ont pas encore dépensé la moindre énergie. En huitième de finale, son adversaire autrichien a déclaré forfait après sa récente annexion par l’Allemagne. L’équipe est démantelée et les meilleurs joueurs sont envoyés dans la sélection allemande. Pour son entrée dans la compétition, la Suède n’aura aucune pitié. A Antibes, les Suédois infligent un sévère 8-0 aux insulaires. Un calvaire pour Carvajeles qui avait repris sa place dans les buts. L’honneur aurait pu être sauvé si les hommes de José Tapia n’avaient pas manqué un penalty lors de la rencontre. Juan Tuñas, attaquant cubain raconte : « Avant la partie, on nous considérait favoris pour la manière dont nous avions joué. Malheureusement, il se passa quelque chose à quoi nous ne nous attendions pas : il plut et le terrain fut inondé. Nous n’étions pas habitués à cela, nous glissions à maintes reprises et le match s’est soldé sur le score de 8-0. » Ce résultat constitue encore aujourd’hui la plus large défaite de son histoire. Une soirée difficile et une triste fin de mondial pour Cuba.

Malgré la déroute en quarts, les joueurs cubains seront accueillis au pays en héros, des héros qui ont tout donné pour aller le plus loin possible, en déjouant tous les pronostics.

Haïti 1974 : David contre Goliath

Il faut attendre 36 ans pour revoir une équipe caribéenne participer à la Coupe du monde. Et autant dire que celle-ci est des plus inattendues. La Coupe du monde 1974 en Allemagne de l’Ouest a été le théâtre d’une belle histoire pour une petite nation des Caraïbes. La première apparition d’Haïti dans l’épreuve suprême du football mondial est gravée à tout jamais.

Bien avant d’être du voyage au pays de Beckenbauer, Haïti a dû batailler pour se qualifier. En zone CONCACAF, les qualifications s’articulent à l’époque en deux phases. Lors de la première phase, les sélections sont réparties en six groupes de deux ou trois où seul le premier accède au second tour. Pour cette première phase, Haïti qui est versé dans le groupe 5 est opposé à Porto Rico. Les Haïtiens l’emportent facilement, 7-0 à l’aller et 5-0 au retour. Manno Sanon, buteur vedette des Grenadiers, signe d’ailleurs un triplé lors de chacune des deux rencontres. Haïti, Trinité-et-Tobago, le Mexique, le Honduras, le Guatemala et les Antilles néerlandaises, les six vainqueurs de poule du premier tour se retrouvent à Port-au-Prince pour s’affronter une fois chacun au sein d’un groupe unique. Haïti, avec l’avantage de jouer à domicile, remporte ses quatre premiers matchs, assurant sa qualification avant la dernière rencontre, finalement perdue face au Mexique. Cette défaite est sans conséquence puisque les Haïtiens terminent en tête de la poule, synonyme de qualification pour le tournoi final en Allemagne de l’Ouest. Une première prouesse pour les Grenadiers qui prennent la place d’un Mexique habituellement qualifié et quart de finaliste de la dernière édition.

Et quoi de mieux pour cette équipe néophyte que de commencer la compétition par un baptême du feu ? En effet, les Haïtiens héritent de la poule de la mort avec l’Italie, la Pologne et l’Argentine. Les Grenadiers entament leur tournoi le 15 juin 1974 contre la Squadra Azzurra, finaliste du dernier mondial. Une entrée en lice qui devrait être une formalité pour une équipe considérée comme l’une des favorites de la coupe et composée de grands noms tels que Facchetti, Mazzola, Capello, Chinaglia, Rivera ou encore Riva. A la grande surprise, le score à la mi-temps est toujours vierge malgré les nombreuses offensives italiennes. En soi, ce résultat est déjà un léger exploit pour la formation d’Antoine Tassy. « Les Italiens pensaient qu’ils pourraient marquer 10 ou 20 buts en première mi-temps. Mais quand elle s’est terminée, ils étaient déçus et ils ne s’attendaient pas à ce qui allait arriver en deuxième mi-temps », explique Guy François, milieu de terrain des Grenadiers. Effectivement, l’impensable va se réaliser juste au retour des vestiaires. La formation italienne, se rue d’emblée vers le demi-terrain des Grenadiers, bien décidée à enfin ouvrir la marque. De la tête, un défenseur haïtien écarte le danger à l’entrée de la surface et dégage le ballon au loin. Celui-ci atterrit dans la course de Philippe Vorbe, libre de tout marquage qui lance dans la profondeur l’ailier vedette de l’équipe Manno Sanon, parti quasiment du milieu de terrain. Ce dernier se lance dans un sprint pour récupérer la balle. Il prend de vitesse le défenseur de la Juventus Luciano Spinosi, le déséquilibre et devance la sortie peu convaincante de Dino Zoff. Face au but vide Sanon n’a plus qu’à conclure pour ouvrir le score. La sensation est grande et c’est tout un pays qui explose de joie comme si la Coupe du monde avait été gagnée. Mieux encore, avec ce but Sanon met un terme à l’exceptionnelle série d’invincibilité de Dino Zoff et de l’Italie qui s’arrête après 2 ans soit 1143 minutes de jeu sans encaisser le moindre but. Qui aurait cru que cette série prendrait fin ce soir-là ? « Tout le monde se demandait qui pourrait battre Dino Zoff, se rappelle Sanon. Les journaux mentionnaient des joueurs européens ou sud-américains mais personne ne pensait qu’un Haïtien le pouvait. Cela me contraria car je savais que je pouvais y arriver. »

La joie est belle, mais de courte durée. L’Italie finit par retrouver la raison et s’impose 3-1 grâce à Rivera, Benetti et Anastasi. La suite de l’aventure est gâchée par le contrôle positif d’Ernst Jean-Joseph à un produit anti-asthmatique. Il est alors suspendu jusqu’à la fin de la compétition et devient par là même le premier joueur de l’histoire à être exclu d’une Coupe du Monde pour cette raison. Cette exclusion donne un coup au moral des Haïtiens qui ratent totalement leur deuxième rencontre contre la Pologne, future troisième du mondial. Le ressort est brisé pour la délégation haïtienne qui s’indigne du traitement qui leur est infligé alors que des suspicions de dopage pesaient sur d’autres sélections plus puissantes. Une défaite 7-0 enterre définitivement les minces espoirs de qualification des Grenadiers. Pour son dernier match dans la compétition, Haïti s’incline 4-1 contre l’Argentine. Le but haïtien est marqué une nouvelle fois par Manno Sanon d’une magnifique frappe en dehors de la surface. Il est alors l’unique Haïtien à avoir marqué deux buts en phase finale d’une Coupe du monde. Haïti quitte le mondial sans le moindre point. Néanmoins ses deux buts inscrits dans la compétition ne sont pas à laisser, puisqu’ils lui permettent de ne pas finir dernier, mais bien 14ème sur 16 ; la Bulgarie et le Zaïre n’ayant pas marqué le moindre but. Une chose est sûre, cette Coupe du monde a appris à beaucoup à situer Haïti sur une carte. « On ne gagnait pas une fortune, il n’y avait pas d’argent. Mais on jouait pour l’amour du club et pour le pays. On voulait faire savoir qui est Haïti et on l’a fait. J’ai pris du plaisir à jouer pour Haïti » se rappelle le milieu de terrain Eddy Antoine. L’essentiel est là et Haïti a bel et bien conquis les cœurs des supporters du monde entier.

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Les parcours de Cuba et Haïti ont inspiré des générations entières. Aujourd’hui, il est difficile pour ces pays de se qualifier tant la façon d’organiser les éliminatoires de la Coupe du monde dans la zone CONCACAF protège ses grandes équipes. Il est des souvenirs qui ne s’effacent pas ; celui d’une participation à un Mondial est et restera gravée à tout jamais dans l’esprit des Cubains et des Haïtiens.

Sources :

Crédit photos : Iconsport

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