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·2 juin 2019
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·2 juin 2019
La vie est fragile. On a beau le savoir, se le répéter sans cesse, à chaque fois, la surprise reste la même. Ce samedi 1er juin, José Antonio Reyes est mort, à seulement 35 ans, dans un accident de voiture, tout comme son cousin, âgé de 23 ans.
Lui, l’enfant gitan déscolarisé qui ne savait ni lire ni écrire avant d’arriver à Séville, a vécu une carrière rocambolesque. Star de son club de coeur à 18 ans, invincible à 21 ans, qui a vécu sa dernière sélection internationale à 23 ans, amoureux fou de l’Andalousie exilé en Chine pour la fin de sa carrière, mais de retour chez lui pour raccrocher les crampons…
Sa carrière fut bien remplie, mais sa fin tragique laisse un goût amer dans la bouche de tous ses fans. Car le fougueux milieu de terrain avait séduit les supporters de tous les clubs pour lesquels il avait joué.
Le Sévillan avait débuté au Séville FC en 1999, à seulement 16 ans. Que pouvait-il espérer de mieux ? « Je suis sévilliste« , expliquait-il dans une interview à So Foot il y a trois ans. « Pour moi, un Atletico-Real ou un Arsenal-Chelsea ne seront jamais aussi intenses qu’un Séville-Betis« . Entre 2001 et 2004, le gaucher enchante le stade Ramón Sánchez Pizjuán et rentre dans le cœur des Sévillans.
Arsène Wenger le repère alors et l’engage au mercato d’hiver 2004. Reyes ne voulait pas particulièrement quitter Séville, sa ville natale où toute sa famille vivait. Mais Séville a besoin d’argent, alors Reyes s’exécute. A Arsenal aussi, l’Espagnol va marquer les esprits. Lorsque le jeune Sévillan de 20 ans arrive à Londres, Arsenal est au sommet de la Premier League, dans la quête d’une improbable saison sans une seule défaite en championnat.
José Antonio Reyes semble alors vite trouver ses marques. Il marque ses deux premiers buts en FA Cup contre le rival Chelsea (victoire 2-1 des Gunners). En fin de saison, il participe même au rêve fou d’Arsène Wenger, en marquant le but de la victoire contre Fulham (37e journée, 1-0) et surtout, en égalisant à la 50e contre Portsmouth (36e journée, 1-1).
Mais Reyes ne se plaît guère à Londres. Pas épargné par les blessures, l’Espagnol fait face à un climat loin de la chaleur andalouse. Il se languit de son pays. En février 2005, il est piégé par un imposteur d’une radio espagnole qui se fait passer pour le président du Real Madrid. Reyes discute alors transfert, avoue son mal du pays. Il cache à peine ses envies de départ d’un club rempli « de mauvaises personnes« .
« Même si Wenger est un entraîneur qui aime avoir la possession du ballon – ce que j’aime dans le foot en fait –, là-bas, pendant les entraînements, les joueurs sont plus sérieux et ils n’aimaient pas ma façon de m’entraîner toujours avec beaucoup de bonne humeur« , expliquait-il à So Foot en 2016. « Ma culture est de vivre et travailler comme ça, avec le sourire. Et finalement, tout le monde a fini par rigoler avec moi…«
Il prolonge avec les Gunners quelques mois plus tard, malgré un carton rouge en finale de FA Cup. Après la finale de Ligue des Champions perdue par les Gunners contre Barcelone (2-1) en 2006, Juan Antonio Reyes part cette fois pour de bon au Real Madrid – mais seulement en prêt.
Il offre le titre de champion au Real sur la dernière journée de championnat en marquant un doublé resté dans l’histoire du club madrilène. Pourtant, Reyes ne reviendra pas à la Maison Blanche l’année suivante, encore moins à Arsenal : après quelques rumeurs de transfert vers l’OL, l’Espagnol pose ses bagages à l’Atletico Madrid.
Mais Reyes commence à courir après le temps perdu. Sa première saison chez les Colchoneros est un désastre. Il est alors prêté à Benfica un an, et à son retour, trouve enfin sa place à Madrid. Pourtant, il est désormais loin de la sélection espagnole. Il a disputé 21 matchs sous le maillot de la Roja de 2003 à 2006, année où il participa à la Coupe du Monde en Allemagne.
Mais il fut aussi le malheureux spectateur d’un dérapage du sélectionneur Luis Aragones, qui, pour motiver son joueur, insulta Thierry Henry, le coéquipier de Reyes en club : « Dis à ce noir de merde que tu es bien meilleur que lui. (…) Tu dois croire en toi, tu es bien meilleur que ce noir de merde. » Si Luis Aragones voyait en Reyes un joueur meilleur que le numéro 14 des Gunners, il ne l’a pourtant pas retenu à l’Euro 2008. Le train pour le sacre mondial de 2010 était définitivement parti.
Peu importe. Le Sévillan avait retrouvé son éternelle joie de vivre, en retournant dans son club formateur de Séville en 2012. Brassard de capitaine au bras, il s’y construit alors une réputation de légende, remportant trois Europa League avec Unai Emery. L’Espagnol est ainsi devenu recordman de victoires en Europa League, avec cinq trophées au total (2 à l’Atletico, 3 à Séville).
Malgré l’usure de l’âge et des blessures, Reyes ne s’arrêta pas après son départ de Séville. Il rejoint ensuite l’Espanyol Barcelone, puis la Chine, avant de revenir en Espagne, jouer à Cordoba, puis depuis quelques mois à Extremadura. L’ancien de Séville, Arsenal ou du Real n’avait pas hésité à rejoindre le jeune club tout juste monté en deuxième division espagnole. Son expérience a joué dans le maintien de le club créé en 2007 qui découvrait pour la première fois de son histoire l’antichambre du football espagnol.
Et Reyes en était certainement ravi. Peut-être espérait-il continuer dans ce club, proche de la frontière portugaise, une ou deux années de plus, pour toujours vivre sa passion du football. Le Sévillan n’était n’était pas le joueur le plus talentueux de sa génération. Il n’a pas gagné la Coupe du Monde, l’Euro ni même la Ligue des Champions. Son palmarès n’est pourtant pas négligeable (entre autres 5 Europa League, une Premier League, 1 Liga), mais qu’importe.
Hier soir, le Wanda Metropolitano qui a accueilli la finale de la Ligue des Champions s’est tu pendant une minute. L’hommage rendu au formidable gaucher qui a enflammé les supporters de Séville, d’Arsenal et du Real Madrid, aura été émouvant. Le monde du football s’est tu, a pensé à sa famille et ses amis. Une pensée toute particulière à Jesus Navas. L’ancien coéquipier de Reyes à Séville, l’un de ses meilleurs amis, avait déjà vu partir Antonio Puerta, autre Sévillan, victime d’un arrêt cardiaque sur un terrain de foot en 2007.
Bien que vaincu par la vie, José Antonio Reyes gardera à tout jamais le surnom d’Invincible, et laissera un souvenir ému dans la mémoire des amateurs de football.
Crédit photo : Jorge Guerrero / AFP