Lucarne Opposée
·27 août 2023
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·27 août 2023
Décédé samedi à l’âge de soixante-dix ans, l’ancien joueur de Rennes et entraîneur de Guingamp Bertrand Marchand a connu en 2007 une année charnière qui l’a fait changer de dimension en tant que coach. Après avoir mis fin à neuf ans de disette du Club Africain dans les derbys de Tunis face à l’Espérance, il avait mené l’Étoile du Sahel vers un sacre continental historique.
Ce 21 Janvier 2007 dans la partie Nord du Stade de Radès, la clameur est telle qu’elle en est assourdissante. On joue la 89e minute d’un derby de Tunis cadenassé et sans but jusque-là entre le Club Africain et l’Espérance de Tunis et, sur un contre savamment orchestré par le Marocain Moustapha Bidoudane, l’attaquant camerounais Moussa Pokong vient de catapulter la balle dans les filets espérantistes. Dans le virage nord, des dizaines de milliers de clubistes se congratulent et l’entraîneur français Bertrand Marchand, arrivé au Parc A depuis un an et demi, serre le poing mais fait signe tout de même à ses joueurs de ne pas s’enflammer et que le match n’est pas terminé. Mais le plus dur est fait.
Les clubistes attendaient cela depuis neuf ans. Depuis 1998, ils n’avaient pas remporté un seul derby toutes compétitions confondues, un long tunnel et un bilan à sens unique en faveur des Sang et Or : treize victoires pour l’EST et sept matchs nul, soit vingt matchs sans gagner. La fin de cette disette sonnait le retour d’un CA compétitif, entraîné par Marchand, et porté notamment par un milieu de terrain (Ouertani, Sellami, Ben Yahia) ayant atteint l’équilibre parfait. Une équipe qui est sacrée championne un an plus tard. Sans Bertrand Marchand. Lors de la saison 2006/07, après cette victoire dans le derby, le CA se montre solide, mais perd pied dans la course au titre après sa défaite à Sousse face à l’Étoile du Sahel (1-0) et doit se contenter de la place de dauphin.
Pour revivre l'épopée 2007 direction le LOmag 1
Championne de Tunisie et qualifiée pour la phase de groupes de la Ligue des Champions à disputer durant l’été entre juin et septembre, l’Étoile du Sahel perd son entraîneur Faouzi Benzarti parti entraîner l’Espérance et attire à sa place Bertrand Marchand. Un changement surprise et une arrivée suscitant des doutes, mais l’ancien entraîneur de Guingamp sait qu’il faut rapidement prouver qu’il est le bon candidat, comme il nous le confiait dans notre magazine en 2017 : « Dans le contexte et le timing où cela a été fait, je n’avais pas le droit à l’erreur. J’avais vingt jours pour préparer le déplacement à Rabat pour la première journée de phase de groupes ». Marchand réussit ses débuts. Le déplacement à Rabat pour affronter l’AS FAR lance l’ESS dans un groupe délicat, comprenant l’Ittihad de Tripoli, la JS Kabylie et donc l’AS FAR. Les Étoilés rentrent du Maroc avec les trois points en poche et même le score vierge (0-0) à Sousse contre l’Ittihad ne freine pas la dynamique : Chermiti et ses coéquipiers font un sans-faute dans la double confrontation contre la JS Kabylie (3-0 à Sousse, 2-0 à Tizi-Ouzou), puis compostent la première place du groupe grâce à un nouveau résultat nul (0-0) contre l’AS FAR. Cet accomplissement est perçu par Marchand comme une preuve des atout multiples dans son effectif : « La vitesse et l’opportunisme de Chermiti ont été prépondérants. Moussa Narry et Mohamed Ali Nafkha ratissaient tout au milieu. […] J’avais un côté droit très fort, le latéral Ben Frej et Ogunbiyi devant lui. Ils avaient tous les codes pour combiner et passer, que ce soit dans le dribble ou l’enchaînement débordement-centre ».
Photo : KHALED DESOUKI/AFP via Getty Images
Une demi-finale gagnée au forceps face à Al Hilal Omdourman (défaite 1-2 au Soudan, victoire 3-1 à Sousse) offre à l’Étoile sa troisième finale de C1 en quatre ans. Cette demi-finale est principalement gagnée grâce aux coups de pieds arrêtés (les Soudanais cèdent à trois reprises sur cette phase de jeu au match retour), une phase ciblée par Marchand : « À l’aller on marque sur coup de pied arrêté et j’ai constaté qu’Al Hilal est léger sur ce secteur de jeu, en particulier en phase défensive. Dans l’optique du match retour j’ai insisté auprès de mes joueurs pour qu’on travaille corners et coups-francs à fond ».
En finale, face à l’ESS se dresse un géant, Al Ahly, le mastodonte du Caire double tenant du titre, qui avait dominé l’Étoile en 2005 en finale (0-0, 3-0). Le match nul au match aller à Sousse le 27 Octobre 2007 (0-0) fait craindre aux Tunisiens une issue similaire. Mais au Caire au match retour le 9 novembre, l’Étoile déjoue tous les pronostics : ouverture du score d’Afouène Gharbi en première mi-temps, résistance héroïque après l’égalisation égyptienne de Nahhas en début de seconde période. L’expulsion de ce dernier inverse la physionomie du match et permet à l’ESS de ne plus subir la domination ahlaouie et de transformer son avantage temporaire (le 1-1 lui permettant de gagner au but marqué à l’extérieur) en triomphe définitif, deux buts de Chermiti et Narry venant empêcher tout retour d’Aboutrika et ses coéquipiers (1-3). L’Étoile remporte la Ligue des Champions pour la première fois de son histoire.
Un triomphe que Bertrand Marchand attribue à deux paramètres importants, la prestation de Gharbi le jour J et le carton rouge obtenu qui a bouleversé le plan de jeu ahlaoui : « Il faut se souvenir que quand Chermiti exploite sa vitesse pour faire expulser le défenseur en deuxième mi-temps, c’est encore Gharbi qui fait l’ouverture. Le carton rouge change tout. Al Ahly a délaissé son 3-4-3 classique pour passer à quatre derrière, en 4-3-2. Non seulement ça les a fait jouer contre nature, mais en plus ça a dégarni l’axe et offert des espaces pour Chermiti et Ogunbiyi ».
Pour sa première participation au Mondial des Clubs, l’Étoile élimine les Mexicains de Pachuca (1-0, but de Nary), résiste farouchement mais s’incline face à Boca Juniors en demi-finale (0-1), avant de prendre la quatrième place du tournoi après une défaite aux tirs au but face à Urawa Red Diamonds. Son parcours lui permet alors de recevoir le Trophée UNECATEF 2007, étant alors le premier entraîneur français à remporter la C1 africaine puis se hisser dans le dernier carré d’un Mondial, performance inégalée. L’embellie se prolonge jusqu’en février 2008, avec la victoire en Supercoupe d’Afrique face au vainqueur de la C3, le CS Sfaxien (2-1). Mais la saison 2007/08 et la parcours de Bertrand Marchand avec l’ESS se terminent par deux déconvenues : la deuxième place en championnat et la finale de Coupe de Tunisie perdue. La connexion de Marchand avec Guingamp permet à deux des champions d’Afrique de 2007, le Cap-verdien Gelson Silva et l’international béninois Muri Obunbiyi, de poursuivre leur carrière en France. Ils remportent la Coupe de France 2009 avec l’EAG face au Stade Rennais, le premier étant remplacé par le second lors de la finale.
Bertrand Marchand revient en Tunisie à deux reprises : en 2010 avec la sélection tunisienne mais son passage tourne court après de mauvais résultats en qualifications à la CAN 2012 ; puis à la fin de la décennie au Club Africain et au CS Chebba. Ses années en Tunisie restent marquées par deux titres et le souvenir de matchs gravés dans l’histoire au Club Africain et à l’Étoile du Sahel.
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