Arsenal French Club
·18 octobre 2023
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·18 octobre 2023
Dans une rue quelconque, d’un quartier quelconque, se trouve le terrain.
Il s’agit d’un terrain au béton abîmé. Des millions de paires de baskets et de sandales ont usé la surface orange, révélant de riches nuances de rouille et d’ocre. Les buts des deux côtés ont perdu leurs filets il y a des décennies. Les panneaux de basket-ball sont encore plus délabrés, ils n’ont pas de cerceaux.
Cet endroit a malgré tout un charme indéniable, même lors d’une calme matinée de semaine. Il n’est pas difficile d’imaginer les soirées, éclairées par les lampadaires, et grouillant d’adolescents. Les arbres sont penchés sur le grillage comme essayant d’obtenir une meilleure vue du spectacle.
C’est là que tout a commencé pour l’un des meilleurs jeunes joueurs de Premier League. Gabriel Martinelli est né à un jet de pierre de là. Sa première école est au bout de la rue. Si son nom n’est pas encore synonyme du quartier, c’est uniquement parce que son statut – au Brésil du moins – n’est pas encore à la hauteur de ses capacités.
Cependant cela pourrait bientôt changer. Quatre ans après son arrivée en Angleterre, Martinelli est prêt à exploser sur la scène internationale. A 22 ans à peine, il est déjà un des joueurs phares d’Arsenal, surtout après avoir marqué le but de la victoire contre Manchester City dimanche dernier.
Il a ajouté de la cohérence et des buts à sa gamme de jeu, sans renoncer au frisson électrique de son jeu sur les ailes. Il devrait goûter à la Champions League dans les prochaines semaines et espère être sélectionné en équipe nationale. Il n’est pas vraiment exagéré de dire que la célébrité attire.
Il vaut cependant la peine de s’arrêter, pour réfléchir à son cheminement jusqu’à ce point. Au cours de l’été, The Athletic s’est rendu à Sao Paulo pour visiter les lieux – et les gens – qui ont fait de Martinelli le joueur qu’il est aujourd’hui.
On ne peut pas vraiment relater l’histoire de Martinelli sans parler du terrain. Entre trois et six ans, il y a passé des centaines d’heures. Il y venait avec ses amis mais surtout avec son père, Joao Carlos. Ensemble, ils s’entrainaient aux tirs, aux passes, coups de tête et premières touches de balle.
Souvent ils jouaient jusqu’au bout de la nuit. Un groupe d’émigrés boliviens aimaient y jouer après le coucher du soleil, souvent les Martinelli devaient attendre jusqu’à 23h, parfois plus tard. Quand c’était le cas, Joao Carlos s’assurait que chaque moment compte.
Après avoir appris les basiques, Martinelli travaillait sur son pied le plus faible. Tir après tir. Il ne se plaignait jamais, mais c’était beaucoup pour un petit garçon de son âge. Parfois, à la fin de l’entraînement, quelques larmes perlaient dans le coin de ses yeux.
C’était la première étape du projet, une séquence destinée à amener Martinelli au plus haut niveau. Pour Martinelli Sr, qui devait se lever à 5h du matin pour commencer son travail à l’usine, ces nuits blanches n’étaient pas juste un engagement, c’était un investissement.
Elles étaient aussi un reflet de sa propre histoire. Martinelli Sr a toujours été obsédé par le football. « Si je vois un groupe de jeunes jouer, je m’arrête et je regarde » raconte-t-il à The Athletic. « C’est plus fort que moi ».
Enfant, il jouait au milieu de terrain. Il avait du talent « plus que beaucoup de joueurs d’aujourd’hui », mais les circonstances familiales firent qu’il n’eut jamais sa chance. Il commença à travailler à dix ans en vendant des glaces dans la rue, pour que sa famille puisse acheter des petites quantités de riz et des haricots pour le dîner. Le temps et l’argent étaient choses rares.
« Mon père me disait que le football était pour les tire-au-flanc. Je n’avais aucune chance de poursuivre ce rêve. Je n’ai jamais eu l’opportunité de jouer pour une vraie équipe, encore moins d’impressionner un recruteur ».
Il a gardé en lui cette frustration, jusqu’à la naissance de Gabriel en 2001.
« J’espérais qu’il aime le foot, et qu’il y serait bon » nous dit Martinelli Sr. « Quand il avait deux ans, on pouvait déjà voir qu’il avait quelque chose en lui. J’étais très heureux. J’ai commencé à réfléchir et à planifier ».
Ces entraînements marathons étaient motivés par de nobles objectifs.
Prenez ces exercices pour améliorer son pied gauche par exemple.
Martinelli Sr raconte « Je lui ai toujours dit qu’un joueur professionnel devait savoir utiliser ses deux pieds. Tu ne seras jamais parfait de ton pied faible, mais tu dois avoir des options. Il enchaînait alors 150 tirs, pied gauche seulement. Ça semble exagéré, mais ça ne l’est pas ».
Ce n’est clairement pas une de ces légendes urbaines sur les footballeurs brésiliens réussissant uniquement grâce à leur talent naturel et leur esprit de rue.
« Le talent n’est pas assez, il faut s’entraîner dur et travailler. Gabriel a compris ça très tôt, il avait la discipline et il écoutait. Il devait penser que j’étais un con**** par moments, mais il ne râlait jamais. Jamais un mot de frustration. Maintenant vous pouvez voir que ça a payé ».
Il est important de rappeler que tout ce dont nous venons de parler se déroule avant même que Martinelli joue pour une vraie équipe. Quand il a passé le pas et rejoint le club de futsal des Corinthians à six ans, son père savait que le travail avait payé.
« Vous pouviez voir la différence » raconte-t-il. « Peu importe où le ballon tombait, il pouvait frapper. Il n’était pas juste bon, il était spectaculaire ».
Si vous suivez Rua Angola jusqu’en haut de la colline, tournez à droite puis à gauche, vous arrivez chez les Martinelli.
Trois petits bâtiments sont collés les uns aux autres avec une petite cour, ils appartiennent tous à la famille. La tante, les cousins et le grand-père habitent encore ici, tout comme le chien Nina. L’endroit, qui surplombe quelques toits terrasses à l’ouest, est modeste mais accueillant.
Tout comme le quartier. Guarulhos est souvent confondu comme un quartier de Sao Paulo, mais le quartier à sa propre histoire et son identité.
C’est une zone industrielle, parsemée d’usines de fabrication. Depuis 1985, elle abrite également l’un des aéroports les plus fréquentés d’Amérique du Sud, qui a été un catalyseur de croissance et d’étalement urbain.
La maison d’enfance de Martinelli
« Une petite ville destinée à être grande », ainsi est-elle décrite par un chauffeur de taxi.
Martinelli habite ici jusqu’à ses quatorze ans. Il tapait dans la balle dans cette cour, utilisant la petite porte comme cage de but. La famille regardait la coupe du monde à la télévision et Martinelli contait déjà à qui voulait l’entendre, qu’un jour il jouerait dans de tels matchs.
Très tôt, Gabriel évolue dans plusieurs équipes à la fois. En plus des Corinthians, il joue aussi pour VDO, une équipe de techniciens automobiles, et s’entraîne dans un club affilié au Sao Paulo FC.
Leandro Germano était un de ses entraîneurs. Il a du mal à minimiser son rôle dans le développement de Gabriel, mais il se souvient très bien de son potentiel.
« Même en U-9, on voyait que Gabriel était sur une autre planète »
Nous sommes assis sur un banc dans une des salles du clubhouse. Les enfants déboulent par la porte, visiblement très excités de leur activité de l’après-midi.
Germano se rappelle une occasion où Martinelli n’avait eu le temps de ne jouer que la première mi-temps, avant de partir pour un autre match avec les Corinthians.
Leandro Germano, un des premiers entraîneurs de Gabriel
« Il a marqué neuf fois, la foule était sous le choc ».
Martinelli ressemblait déjà beaucoup au joueur que nous connaissons. Doué techniquement, mais très direct et pragmatique.
« Il a toujours été un bon dribbleur » se rappelle Germano. « Il aimait provoquer, en un contre un, mais il n’était pas le joueur à dribbler pour le show. Seulement si cela lui ouvrait une fenêtre de tir. Peu importe la manière, il fallait que ça rentre ».
Cela remémore quelques souvenirs à Martinelli Sr.
« Il avait cette envie, il n’y avait pas de causes perdues, il se battait sur tous les ballons ».
À l’âge de 11 ans, Martinelli a obtenu une bourse pour le Collège Nahim Ahmad, une école privée renommée dans la région pour ses prouesses sportives. Parmi les anciens élèves figure Edu, le directeur sportif d’Arsenal, et Gabi Nunes, qui faisait partie de l’équipe brésilienne lors de la Coupe du Monde féminine cet été là.
Pendant trois ans, Martinelli a été la star de l’équipe de futsal du collège, montrant son talent sur le sol crissant de la salle de sport.
« Il était plus jeune que les autres, mais il était le préféré de l’équipe et des supporters » déclare Eduardo Vela, son entraîneur à l’époque. Joao Victor Parizoto, l’un de ses coéquipiers à l’époque, est encore plus catégorique. « Il était vraiment, vraiment spécial – un talent phénoménale/ époustouflant/ stupéfiant » dit-il. « Son niveau était incroyable. Il faisait ce qu’il voulait sur le terrain ».
Martinelli était tellement talentueux que Vela a conçu certaines combinaisons spécifiques en fonction de lui. L’une d’entre elles, impliquait que les autres joueurs de champ attirent leurs adversaires vers les coins éloignés du terrain, tandis que Martinelli reculait complètement près de sa propre surface de réparation.
« L’idée était que le gardien de but fasse la passe à Gabriel, qui dribblerait le premier adversaire et créerait immédiatement un surnombre » explique Vela. À au moins une occasion, affirme Parizoto, Martinelli a fini par battre à lui seul toute l’équipe adverse.
En dehors du terrain, il était espiègle, faisant toujours des petits ponts aux gens dans les couloirs avec une boule de papier froissé. « Il était plus petit que tous les autres enfants, mais il était le meneur. Il orchestrait toutes les farces. Tout le monde l’adorait ».
Le gymnase du collège Nahim Ahmad
Quand le moment était venu de se concentrer, Martinelli basculait dans un mode différent.
« Il avait toujours ce tempérament incroyable » se souvient Ilidio de Souza, qui avait l’habitude de conduire Martinelli et ses coéquipiers partout à Sao Paulo pour des tournois dans le minibus de l’école. « Les blagues étaient faites en dehors du terrain ; sur le terrain, il était toujours sérieux. Il savait ce qu’il voulait faire de sa vie. Ce n’est pas le fruit du hasard qu’il en soit là où il est aujourd’hui.”
Vela est d’accord : « Tu sais l’intensité avec laquelle il joue aujourd’hui ? Il l’avait déjà quand il était enfant. Il était très responsable. Il donnait vraiment un bon exemple ».
Cela s’appliquait aussi à d’autres sports. À une occasion, après avoir joué au futsal le matin, Martinelli a été parachuté dans l’équipe d’athlétisme pour combler un vide dans l’équipe de relais de sprint. Après une rapide leçon sur le passage du relai, il a aidé l’équipe à remporter une médaille de bronze. « Ce n’était pas vraiment son truc, mais il était si rapide. Qui sait, peut-être aurait-il été encore meilleur en athlétisme qu’en football ».
Il était moins impressionnant en tant qu’élève. « Gabriel était dans la moyenne – très moyen ». Il était intelligent, simplement pas très motivé. C’était un point de discorde à la maison.
« Je lui ai toujours dit qu’il avait besoin d’un plan B, au cas où il ne réussirait pas dans le football. Nous avions la même conversation encore et encore. Je lui disais : ‘Gabriel, tu dois t’intéresser à quelque chose d’autre. L’ingénierie, la médecine, le droit… quelque chose. Juste quelque chose que tu pourrais avoir en réserve. Regarde sur Internet. Il y a tellement de choses que tu pourrais faire ».
« Il disait toujours qu’il voulait être footballeur. Cela me faisait peur. Il n’y avait jamais d’autre voie. Je ne sais pas à quoi ressemblerait sa vie sans le football ».
Celio Pereira a 65 ans. Il a entraîné le futsal aux Corinthians pendant plus de trois décennies, aidant d’innombrables jeunes talents à progresser dans les rangs. Martinelli, cependant, est l’un des meilleurs de sa liste.
« C’était comme si Dieu me l’avait envoyé » déclare-t-il à The Athletic.
Le duo a commencé à travailler ensemble à la mi-2007, lorsque Pereira a reçu un tuyau sur un petit attaquant vif de Guarulhos. Après avoir parlé à son entraîneur à VDO, il a appelé M. Martinelli et lui a demandé d’amener son fils pour un essai au Parque Sao Jorge, le complexe d’entraînement des Corinthians, situé en bord de rivière.
« C’était un petit phénomène, j’avais besoin d’un avant-centre, d’un gamin capable de marquer beaucoup de buts, et il était parfait. Pendant son essai, il marquait quatre ou cinq fois à chaque séance d’entraînement. Il pouvait éliminer un adversaire avec habileté dans des espaces restreints. Il était petit, mais rapide – incroyablement rapide – et habile ».
Une photo prise quelques mois après ce premier essai illustre bien le point sur la taille.
Martinelli est écrasé par le trophée du championnat de l’État de São Paulo. La médaille autour de son cou descend jusqu’à sa taille. Il est un tout petit point humain.
Martinelli, six ans, avec le trophé du championnat de Sao Paulo
Une autre photo, encadrée dans la maison des Martinelli, le montre trois ans plus tard, jouant pour les moins de neuf ans. Il porte le maillot numéro 9, rentré dans son short, et des baskets blanches Nike. Il se prépare à tirer du pied gauche, concentré sur son geste.
Selon les registres de Pereira, Martinelli a marqué 35 buts lors de sa première demi-saison. L’année suivante, chez les moins de sept ans, il a inscrit 66 buts en environ 25 matchs. Ce nombre est monté à 80 en 2009. Il a eu différents entraîneurs au fil des années, mais Pereira affirme qu’il a toujours été le meilleur buteur de l’équipe. « Il évoluait chaque année » dit-il.
Aux Corinthians, sept fois champions du Brésil et deux fois vainqueurs de la Coupe du Monde des Clubs, Martinelli a appris à faire face à l’attention médiatique qui est inévitable lorsqu’on joue pour un grand club.
« Je m’inquiétais pour lui à ce sujet » déclare M. Martinelli. « Je me souviens de son premier tournoi, en 2007. L’endroit était envahi par ces parents fous et déséquilibrés qui hurlaient sur les enfants des autres ».
« C’est beaucoup pour un enfant à gérer, mais il n’était pas du tout perturbé par ça. Tout était si naturel pour lui. Il sortait sur le terrain, détruisait l’adversaire, marquait des buts, faisait ses célébrations. Certaines personnes reculent sous la pression, mais lui grandissait ».
Au fil du temps, à mesure que son nombre total de buts approchait des 200, la réputation de Martinelli le précédait.
Cependant, Martinelli Sr tenait à le garder les pieds sur terre. Il a évoqué l’exemple de Lulinha, un ailier très prometteur qui a fait sensation aux Corinthians en tant qu’adolescent, mais qui n’a pas réussi à tenir ses promesses.
Martinelli évolue à Corinthians de 2010 à 2014
« Il (Lulinha) était le chouchou » déclare Martinelli Sr. « Tout le monde parlait de lui quand il a percé. Il a marqué tellement de buts en jeunesse. Mais qu’a-t-il accompli par la suite ? J’ai toujours rappelé à Gabriel que ce n’était pas seulement une question de talent. Il y a tellement d’autres facteurs ».
Pereira estime que Martinelli a retenu la leçon. « C’était un garçon intelligent, dévoué. À la fin de chaque séance, il demandait s’il avait bien fait et comment il pouvait s’améliorer. Il était très désireux de progresser ».
Même 14 ans après leur dernière saison ensemble, Pereira parle de Martinelli avec une réelle tendresse. Il se souvient des voyages d’équipe à Mairipora, une station de pêche au nord de Sao Paulo, où son ami était toujours dans son élément.
« Gabriel adorait cet endroit. C’était mon partenaire de pêche. Je pense qu’il aurait volontiers passé toutes ses vacances là-bas ».
Aujourd’hui, Pereira suit la carrière de Martinelli de loin avec un mélange d’admiration et de fierté.
« Je suis toujours derrière lui » conclut-il. « Quand il a été appelé en équipe nationale pour la Coupe du Monde du Brésil (l’année dernière), je lui ai envoyé un message de félicitations. Il m’a répondu en me remerciant. C’est toujours un super gamin. J’ai toujours su qu’il avait un avenir très prometteur ».
Itu vous envahit.
Une minute, vous pensez que vous l’avez cerné comme l’une de ces petites villes satellites brésiliennes endormies – une ville-dortoir pour les personnes qui passent la semaine à travailler à Sao Paulo, à 80 kilomètres au sud-est, ou à Campinas, à proximité. L’instant d’après, vous regardez une cabine téléphonique de 20 mètres de haut sur la place principale en vous demandant ce qui se passe.
Continuez à marcher et vous verrez un feu de signalisation géant, des crayons de la taille d’un sac de golf, en vente dans les magasins et ce qu’on appelle le Parc des Exagérations, qui regorge de modèles imposants de canettes de bière et d’abeilles, de cupcakes et de théières. L’effet est surprenant.
C’est le petit truc de la ville : Itu, comme vous le diront ses habitants, est « là où tout est grand ». Ce qui a commencé comme une référence de niche à une émission de télévision des années 1960 – un comédien appelé Simplicio jouait un rustre arrogant qui se vantait continuellement que les choses étaient plus grandes et meilleures chez lui à Itu – est maintenant un moyen de stimuler le tourisme.
On pourrait facilement affirmer que le terrain de football d’Itu est également surdimensionné, du moins par rapport à l’équipe qui y joue. L’Estadio Novelli Junior peut accueillir jusqu’à 18 000 personnes, soit environ un dixième de la population de la ville. L’Ituano FC arrive cependant très rarement à le remplir.
Le club appartient à la deuxième division brésilienne, mais c’est un peu une exception. Pas plus tard qu’en 2018, ils étaient complètement en dehors de la pyramide nationale, n’ayant pas réussi à se qualifier pour la Serie D à 64 équipes. Ils n’ont jamais joué dans l’élite.
Itu, parc des exagérations
Les grands clubs tel que les Corinthians ont une attraction magnétique sur les jeunes joueurs. Les jeunes qui impressionnent dans des équipes régionales comme Ituano sont souvent attirés par la promesse d’un meilleur entraîneur, d’installations plus modernes et, à terme, d’un plus grand cachet sur la scène nationale. Il est très inhabituel qu’un joueur aille dans l’autre sens, à moins qu’il n’ait été libéré.
C’est pourtant précisément ce qu’a fait Martinelli à l’âge de 14 ans.
C’était, dit Martinelli Sr, la conséquence logique d’un projet familial plus large.
Il venait de prendre sa retraite et avait hâte de quitter Guarulhos. « Je voulais une vie plus calme, plus de paix », dit-il. « J’ai parlé avec ma femme, j’ai parlé avec Gabriel et ils étaient tous les deux d’accord. Nous avons donc déménagé à Itu »
La décision a fait sourciller aux Corinthians, mais Martinelli Sr était convaincu que cela n’entraverait pas les progrès de son fils.
« Je n’avais pas peur qu’il quitte un grand club », explique son père. « Les gens me diraient qu’il serait oublié, qu’il ne serait pas sélectionné dans les équipes juniors du Brésil, mais ce n’est pas si important. Je lui ai dit : « Quand vous montrerez ce que vous pouvez faire dans le football senior, personne ne se souciera que vous ne soyez pas aux Corinthians ».
« J’ai toujours cru en lui. Le talent percera toujours. Je pensais que vivre à Itu et jouer pour un petit club pourrait lui être bénéfique ».
Le premier point de contact de Martinelli à Ituano, leur entraîneur des moins de 15 ans Luiz Antonio Moraes, était d’un avis similaire.
« Si un jeune joueur commence à se démarquer ici, il y a de fortes chances qu’il ait une opportunité chez les seniors, ce qui n’est pas toujours le cas dans un club comme les Corinthians », a-t-il déclaré à The Athletic, regardant le gazon immaculé du Novelli Junior. « La concurrence pour les places est bien plus forte dans les grands clubs. Ils comptent souvent 50 jeunes dans toutes les catégories d’âge, contre 25 ici. Les joueurs ont donc une réelle opportunité de se développer dans un club comme celui-ci ».
Moraes a été bouleversé par Martinelli (ou « Ga », comme il l’appelle) dès le départ.
Il se souvient de son premier but pour les moins de 15 ans – un tir enroulé dans le coin le plus éloigné après une course venant de la gauche – et dit que les autres enfants l’ont immédiatement apprécié. « Il est arrivé et a conquis tout le monde en quelques séances d’entraînement. C’était un petit bijou ».
Luiz Antonio Moraes au stade Novelli Junior
Moraes, qui a ensuite travaillé avec Martinelli en moins de 17 ans, moins de 20 ans et seniors, a adoré la vitesse et la franchise du jeune. Mais il aimait surtout son attitude.
« Ga s’entraînait comme un fou », dit-il. « Parfois, je le testais, sans qu’il le sache. Nous avions toujours beaucoup de candidats ici, et je le mettais dans une équipe remplie de joueurs plus faibles. Lorsqu’ils perdaient, il se fâchait et se mettait vraiment en colère. Il me demandait de faire du travail supplémentaire à la fin de la séance, mais je ne le lui permettais pas ».
« Alors, quand il s’agissait du match du week-end, il avait faim et il était déterminé à marquer des buts. Il ne savait même pas que je le faisais exprès ».
Il y avait quelques angles à arrondir : Martinelli avait tendance à trop élaborer la possession et pouvait être repoussé par des adversaires plus physiques. Moraes lui dit qu’il devait être plus vif dans sa prise de décision. Avec le temps, les petites améliorations se sont ajoutées.
Avant même que Martinelli ne joue pour l’équipe première d’Ituano, les sirènes d’Europe commençaient à l’appeler. Il s’est rendu en Angleterre à quatre reprises pour s’entraîner avec Manchester United, jouant même un match amical pour leur équipe des moins de 18 ans. Martinelli avait à cœur de déménager à Old Trafford. En fin de compte, United a décidé de ne pas conclure d’accord. Ce fut une histoire similaire avec Barcelone, avec qui il passa ensuite quinze jours.
«Il était triste quand la décision de United n’a pas fonctionné, mais cela n’a pas duré longtemps », explique Moraes. « Il a continué à travailler. Peut-être même plus qu’avant. Ga est un excellent exemple pour tous les jeunes joueurs. Les choses ne lui sont jamais montées à la tête »
Le reste appartient à l’histoire.
Martinelli a mis les déceptions derrière lui, a fait ses débuts seniors à 16 ans, a remporté le championnat de l’État de Sao Paulo l’année suivante et a obtenu un transfert à Arsenal.
Aujourd’hui, quatre ans après ce transfert, il semble prêt à assurer sa place parmi les meilleurs joueurs de Premier League.
Mais il n’a pas changé.
« Quand je le regarde aujourd’hui, je pourrais encore regarder ce gamin de 15 ans arrivé à Ituano », dit Moraes avec un sourire. « Il a les mêmes caractéristiques. Il fait toujours ces dribbles depuis l’aile. Ga a ce nez vers le but : s’il est sur le côté, il veut toujours entrer dans cette diagonale ».
« C’est le même enfant, juste avec un corps différent, plus fort. Être en Angleterre l’a aidé : il fait désormais encore plus de travail pour l’équipe. La Premier League a fait de lui un joueur plus complet ».
L’appréciation est autant personnelle que professionnelle. Moraes et Martinelli échangent toujours des messages. Chaque fois que ce dernier revient à Itu – ses parents et sa sœur cadette vivent toujours en ville – il passe au club pour offrir un cadeau à son ancien mentor.
« C’est quelqu’un de vraiment attentionné », déclare Moraes. « C’est une belle amitié ».
Quant à Martinelli Sr, ses pensées reviennent inévitablement à ces interminables premières soirées passées sur le terrain, lorsque l’avenir et ses possibilités s’étendaient devant son fils.
« Tout ce que Gabriel a accompli est dû à ses propres efforts », dit-il. « Son engagement est incroyable. Il s’y prépare depuis l’âge de trois ans. J’en ai la chair de poule rien que d’y penser ».
Traduction de The making of Martinelli – through the people and places that shaped him, de The Athletic par JFF
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