Les Ex de l’Hexagone – Mouctar Diakhaby (8 sélections, Guinée) : « Lyon a changé de virage depuis le départ de Jean-Michel Aulas » | OneFootball

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·9 janvier 2024

Les Ex de l’Hexagone – Mouctar Diakhaby (8 sélections, Guinée) : « Lyon a changé de virage depuis le départ de Jean-Michel Aulas »

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Néo-international de la Guinée, Mouctar Diakhaby, revient sur son arrivée en sélection, à l’approche de la Coupe d’Afrique des nations. Interview exclusive d’un défenseur issue de la formation lyonnaise qui a su s’imposer en Liga, à Valence, depuis maintenant six ans.

La Guinée, et la Coupe d’Afrique des nations

Quel est votre rapport avec la Guinée, vous qui avez laissé de côté votre pays natal, la France, pour vous tourner vers votre pays d’origine ?

Il faut savoir que j’ai un rapport particulier. Mes parents sont Guinéens, donc je me sens naturellement Guinéen. C’est vrai que je le suis d’origine, car je suis né en France. Mais aujourd’hui, j’ai la double nationalité. La Guinée, j’y vais depuis tout petit, je parle couramment la langue, je connais la culture… Et puis nos parents nous ont inculqué ces valeurs-là. Je suis fier de représenter la Guinée.


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Vous étiez avec les Bleus dans les catégories inférieures. À partir de quand avez-vous eu le déclic ?

J’avais 25 ans quand j’ai rejoint la sélection pour la première fois. Le coach (Kaba Diawara) est venu me voir avec un projet cohérent. Quand j’étais plus jeune, en U20, j’avais certains rendez-vous avec le président de la fédération guinéenne de football. Mais avant, il y avait beaucoup de problèmes liés à l’extrasportif, à l’intérieur de la sélection. Quand tu vois ça, cela ne te donne pas forcément envie de rejoindre une équipe nationale. Aujourd’hui, Kaba Diawara a fait appel à moi, et à d’autres joueurs intéressants pour le pays. J’en suis particulièrement reconnaissant. En venant ici, je suis content, et les choses se passent bien en général.

Qu’est-ce qui vous vient spontanément à l’esprit quand on évoque la Coupe d’Afrique des nations ?

Je pense à quand on est petit. Je suis issu des quartiers populaires, et on se chambrait et parlait beaucoup concernant la Coupe d’Afrique des nations. Je pense à l’Égypte, au Sénégal tenant du titre, à l’Algérie… Toutes ces équipes qui ont remporté un titre. On a vu le plaisir que cela peut donner aux habitants de ces pays. Cela donne envie.

Le Cameroun, la Guinée, le Sénégal font tous office de têtes d’affiche, et la Gambie peut jouer les outsiders. Est-ce qu’on parle du groupe le plus relevé de cette compétition ?

Oui, pour moi c’est clairement le groupe le plus relevé de la compétition. Nous n’allons pas se le cacher, nous ne sommes pas favoris, mais nous allons nous battre avec nos armes. La Gambie est là aussi. C’est une équipe qui nous a éliminé, lors de la précédente édition (0-1, 8e de finale). Nous travaillons pour jouer le Sénégal et le Cameroun, des grandes nations qui ont déjà gagné la compétition. Nous allons aussi nous donner à fond, sans peur, pour, dans un premier temps, pouvoir passer les phases de poules.

Les fans de football n’ont jamais autant parlé d’une Coupe d’Afrique des nations que de celle-ci. Réalisez-vous l’engouement ?

C’est vrai qu’ il y a beaucoup d’engouement autour de la compétition. À titre personnel, je le ressens beaucoup. Quand nous sommes partis de Guinée, nous l’avons ressentis. Au niveau de la famille, des amis, il y a beaucoup d’attente concernant cette Coupe d’Afrique des nations. Nous espérons donner le meilleur de nous-même pour aller le plus loin possible.

Que pensez-vous du niveau et du progrès du football africain lors des dernières années ?

Il y a plusieurs facteurs. Quand on voit une équipe comme le Maroc demi-finaliste de la dernière Coupe du monde déjà… On ne va pas se mentir, on voit de plus en plus de bi-nationaux rejoindre les sélections africaines. Cela amène forcément un certain niveau. Je ne peux pas vous parler à long terme. En tout cas, moi, depuis que je suis ici, j’ai vu les difficultés de jouer en Afrique : sous cette chaleur, jouer dans certains pays où les terrains sont secs.. Tu as beau arroser, ça l’est toujours.

Nous n’avons pas les mêmes infrastructures qu’en Europe. C’est un football totalement différent. En Afrique il n’y a pas de petites nations. Il faut jouer tout le temps à fond, au risque de passer à côté de tes matchs. De nos jours, les sélections évoluent beaucoup, comme nous avons pu le voir à la Coupe du monde. Et maintenant, nous allons être facilités, parce que il va y avoir plus d’équipes africaines qui vont pouvoir se qualifier au Mondial. Cela reste positif pour l’Afrique, et pour son football.

« Pour moi, c’est clairement le groupe le plus relevé de la compétition ».

Citez-nous trois raisons de suivre la Guinée dans cette Coupe d’Afrique des nations.

Parce que je joue, déjà (il rigole). Car nous sommes une équipe « point d’interrogation ». On dit souvent que nous avons des bons joueurs, et qu’au final, nous passons à côté. Sur cette édition, nous allons voir ce que nous valons. Et surtout pour le groupe que nous avons, c’est une bonne raison de regarder les matchs de la Guinée. Malgré tout, nous avons nos armes avec des joueurs talentueux.

Cela fait deux éditions que la Guinée échoue en huitièmes de finale. Quelle sera la clé pour ne pas reproduire ces erreurs faites par le passé ?

Tout d’abord, la discipline je pense. C’est très important dans le football, que ce soit sur le terrain, ou en dehors. Avant, il y avait beaucoup de problèmes extrasportif et de nombreuses choses se sont passées, en interne, qui ne se passent plus. Ce genre de choses va nous permettre de nous concentrer uniquement sur le terrain. Si nous sommes disciplinés, et que nous donnons le meilleur de nous mêmes jusqu’au bout, nous pouvons réaliser de grandes choses ensemble.

Quel est l’objectif ?

Dans un premier temps c’est de passer les phases de poules. Nous ne nous fixons pas de limites. Nous savons que nous ne sommes pas favoris, mais nous allons à la Coupe d’Afrique avec de grandes ambitions. Il y a beaucoup de sélections qui ont déjà gagné cette Coupe. Pourquoi ne pas aller le plus loin possible. Il faut viser le sommet, et ensuite se donner un maximum.

Un certain Sehrou Guirassy sera présent en attaque pour faire en sorte d’y arriver. Quel regard portez-vous sur sa saison ?

On ne va pas se mentir, ce qu’il fait est assez exceptionnel. Moi, Sehrou, je le connais depuis un certain temps. Je connais ses qualités. Son niveau ne me surprend pas, mais le nombre de but, si. Avoir ces chiffres à ce niveau-là, c’est assez exceptionnel. Seuls les grands attaquants ont ce ratio. Nous allons nous baser sur des joueurs comme lui pour amener l’équipe vers le haut.

Vous êtes maintenant devenu un titulaire indiscutable. Ça vous fait quoi de représenter votre pays pour votre première Coupe d’Afrique des nations, et en plus, en tant que titulaire ?

C’est quelque chose d’exceptionnel. Déjà, pour ma première sélection, j’ai pu jouer en Guinée, voir l’engouement, voir ma famille être fier de moi, mes amis… Ce genre de choses, rendre les gens heureux, c’est très important pour moi. Maintenant, place aux actes. Personnellement, je vais donner le meilleur de moi même et essayer de bien défendre. Je veux tirer l’équipe vers le haut en tant que joueur important. Le coach compte sur moi.

-Son expérience en Liga, avec Valence.

Cela fait maintenant six ans que vous évoluez à Valence, en Espagne. Comment jugez-vous l’évolution de la Liga ?

La Liga évolue. Chaque année, ça change et le football en général change. Les joueurs deviennent de plus en plus athlétiques, de plus en plus rapides. Nous n’avons plus le même engouement depuis que des joueurs comme Messi, Ronaldo sont partis, on ne peut pas le nier. Mais, le niveau global est très élevé.

Quand il y a des équipes comme le Real, le Barça, l’Atlético ou encore Séville – qui est moins bien cette année – c’est un championnat de qualité. Tu peux te déplacer dans n’importe quelle ville d’Espagne et perdre. C’est un championnat où tu ne peux pas trop lâcher. Nous l’avions vu l’année dernière, où nous avons échappé de peu à la descente. Pourtant, Valence a un certain nom en Espagne. Chaque équipe a de bons attaquants et posséde ses armes. À titre personnel, je trouve que c’est de plus en plus dur.

Avez-vous mesuré le chemin parcouru ?

Oui et non. Le temps passe vite, six ans, c’est énorme. Je ne réalise pas forcément. Je suis passé par tous les moments. Il y a des périodes qui se sont écoulées, qu’elles soient positives ou négatives. En général, je suis plutôt satisfait de ce que j’ai pu réaliser dans mon club. J’espère continuer ainsi.

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Quel est l’adversaire le plus difficile que vous avez eu à affronter ?

Karim Benzema je pense, ou (Antoine) Griezmann, qui sont des profils totalement différents. Avec un joueur comme Benzema, physiquement, il ne te fait pas tant de mal que ça. Mais il faut être toujours concentré, car au moindre oubli, c’est but.

Quel souvenir gardez-vous de votre premier trophée, avec le sacre en Copa del Rey face au Barça (2019, 1-2) ?

C’était magnifique. Surtout quand nous sommes revenus sur Valence, nous avons célébré le titre. Moi, c’était mon premier trophée. Je ne savais pas ce que c’était. Nous sommes des footballeurs, des compétiteurs, nous travaillons pour ça. Ta famille, tes amis, tes supporters, ils sont tous contents. Cela te procure une émotion énorme. En plus, cette période ne dure pas quelques jours ou une semaine, mais très longtemps, surtout à Valence. Nous avons rendu fier une ville. Gagner contre une équipe comme Barcelone prouve qu’une Coupe comme celle-ci a encore de la valeur.

Il y a eu ce geste fort, la saison passée, de ne pas avoir posé à côté de la banderole « Racistes, hors du football », lors du match face au Real Madrid. Pouvez-vous revenir sur cet événement, vous qui êtes très impliqué dans la lutte contre le racisme ?

Ce sont des choses qui se sont passées dans mon propre stade (Mestella) : des gestes racistes. C’est vrai que mon club a bien réagi, en expulsant à vie quelques supporters. Ce sont de très bonnes décisions, mais c’est vrai que pour ma part, je trouve que la Liga n’a pas été au bout des investigations. Ils ont essayé de noyer le poisson, de ne pas donner une mauvaise image de la Liga.

C’est pour cela que j’ai décidé de ne pas être derrière cette bannière de la Liga. Quand cela s’est passé pour un joueur du Real de Madrid, les choses ont directement été faites. Je n’ai rien contre la Liga, ni contre qui que ce soit. Des fois, le système est comme ça. Je trouvais que c’était bien d’en parler, de mettre des slogans, mais il faut agir de manière forte, avec des sanctions fortes. À cette époque-là, j’étais en contradiction avec la Liga en général.

Cette initiative, c’était un cache-misère pour vous ?

C’était clairement ça. Surtout que ce n’était pas le premier incident, mais celui de trop. Vinicius subit beaucoup d’actes racistes. C’est humain d’être énervé contre un joueur. ‘Vini’ est provocateur, mais il y a des limites. C’est pas parce qu’on se comporte de cette manière sur le terrain que je vais me permettre de dénigrer ta race. Je trouvais à ce moment-là que la Liga ne réagissait pas de manière assez forte avec les sanctions.

Votre dernière apparition en compétition européenne date de 2020, en Ligue des champions. Qu’est-ce que ça fait d’entendre la musique de la Ligue des champions en tant que titulaire ?

J’ai connu dans les deux clubs (Valence et Lyon) la Ligue des champions. D’ailleurs, cela me manque (sourit) ! C’est vrai que c’est quelque chose, surtout la première fois. À 19 ans, lors de mon premier match contre la Juventus, tu regardes le stade, la musique et tu te dis : « j’écoute cette musique depuis petit ». Il y a une certaine émotion, des fois, tu te dis que c’est irréel que tu n’ai pas au stade. Tu admires tout ça et tu te dis : « j’en ai fait du chemin pour en arriver là ». Ce genre de moment nous rend fier.

Cela fait maintenant quatre ans que vous n’avez plus goûté à ce plaisir, alors que vous concouriez chaque année en Europe. Comment expliquer cela ?

Il y avait un certain projet au départ, quand c’était sous Marcelino. D’ailleurs moi, c’est Pablo Longoria qui vient me chercher. Il y avait un cadre, mais ces dirigeants sont partis avec le coach. Quand ils étaient présents, tout se passait bien. Et puis malheureusement, le projet est tombé à l’eau. Durant ces années, des joueurs se mettaient à partir. Au fil des saisons, les jeunes du centre de formation ont intégré le groupe A. Des choses comme celles-là en Liga, ça se remarque. Il y a une certaine différence, quand tu achètes des joueurs pour un projet, que tu payes, et finalement, ils s’en vont. Ça crée beaucoup de changements.

C’est difficile à expliquer. Nous, les joueurs, nous donnons le maximum. Aujourd’hui, c’est un club en reconstruction, en tout cas, cette année, cela se passe plutôt bien. Il y a une grande partie de l’effectif qui évolue au centre de formation, je n’ai jamais vu une équipe aussi jeune (rigole). Des fois je me retrouve sur le terrain et je suis le plus âgé ! Avec des jeunes et le football de maintenant, c’est dur d’aller chercher des places européennes. On espère retrouver la coupe d’Europe bientôt.

Est-ce que Valence est sur la bonne voie ?

Je pense que oui, dans le sens où les jeunes qui auront pris de l’expérience vont pouvoir lutter pour les places européennes. Il y a un bon entraîneur (Rubén Baraja), nous continuons à travailler avec ces jeunes qui émergent du centre de formation.

-L’Olympique Lyonnais, son club formateur

« Quand je vois la situation de Lyon, ça m’attriste profondément. Pour moi, Jean-Michel Aulas allait vieillir à l’OL. »

Quel souvenir gardez-vous de votre passage chez les Gones, vous qui êtes formé à l’OL ?

De très bons souvenirs. Je suis arrivé très tard en U19 à Lyon. C’est le club qui m’a donné ma chance et la capacité de jouer au haut niveau, mais aussi la capacité à nourrir ma famille. Je ne peux qu’être reconnaissant envers Lyon.

Vous étiez toujours fourré avec Nabil Fékir, Ferland Mendy et Tanguy Ndombele à l’époque. Vous êtes toujours en contact avec eux ?

Oui. Nabil (Fékir) surtout, je suis de la génération de son petit frère et je m’entends super bien avec lui. Quand nous jouons contre le Bétis, nous échangeons régulièrement. Ferland Mendy, j’ai toujours de bonne relation, cela nous arrive de partir en vacances avec lui de temps en temps. Dans le football, c’est l’un de mes meilleurs gars. (sic).

Nous avons de bonnes relations. Tanguy, je l’ai vu il y a deux semaines. Quand nous nous voyons, nous revenons sur nos années lyonnaises, c’est bon enfant. Nous étions jeunes, puis chacun a fait son bout de carrière. C’est comme ça le football. Des fois, tu te perds de vue, mais cela reste des bonne personnes, et je leur souhaite le meilleur.

De quel œil voyez-vous la situation de Lyon ?

Quand je vois la situation de l’OL, ça m’attriste profondément. Quand tu regardes ça de loin, tu te dis : « qu’est ce qu’il se passe ? ». Lyon a changé de virage depuis le départ de Jean Michel-Aulas. Le club a totalement changé, l’organigramme aussi. De loin, on voit le club avec un peu plus de business, même si le foot reste du business. Avant, c’était Lyon et ses joueurs, Lyon et son centre de formation, Lyon et ses Lyonnais… Voir qu’il sont dans cette situation, ça m’attriste  donc forcément. Je pense qu’avec les nouveaux actionnaires, ils vont faire le nécessaire pour retourner la situation.

À l’époque, c’était assez difficile d’imaginer un Olympique Lyonnais sans Jean-Michel Aulas…

Franchement c’est impossible d’imaginer cela. Pour moi, Jean-Michel Aulas allait vieillir à l’OL, mais au bout d’un moment, il en a décidé autrement. Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise décision, mais aujourd’hui, Lyon a perdu ses repères.

Propos recueillis par Hicham Bennis et Achille Mourgues.

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