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·11 décembre 2025
L'instant tactique avec Carles Martínez Novell : « Le mental est le critère le plus important chez un footballeur »

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·11 décembre 2025

Pur produit de l’école catalane, celle de l’Espanyol et du Barça, Carles Martínez Novell apporte ses idées de jeu et son savoir-faire depuis maintenant trois ans au TFC. D’abord dans la peau d’adjoint de Philippe Montanier, puis comme entraîneur principal, le technicien ibérique, façonné par l’héritage de Johan Cruyff, n’en oublie pas pour autant l’importance de la psychologie dans un groupe. Instant tactique.
Voici quelques extraits de notre interview de Carles Martínez Novell. L’intégralité de cet interview de 6 pages est à retrouver dans le magazine n°377 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 13 novembre 2025.
Son rapport au football
J’ai été lié au football toute ma vie. J’aime le foot depuis que je suis tout petit. J’ai joué au foot, j’étais gardien de but. J’ai toujours aimé le sport, j’ai étudié pour être professeur de sport et entraîneur de foot. Le fait d’être entraîneur, cela m’a toujours attiré. Dans les faits, je suis entraîneur depuis l’âge de 15 ans. Donc ma vie a toujours été dédiée au sport, et plus principalement au football. Aujourd’hui, en tant qu’entraîneur, ma vie entière tourne autour du football.
Son parcours
Honnêtement, je crois que tout le monde a un parcours différent. Comme je l’ai toujours dit, un ancien joueur de foot, bien formé et bien accompagné en tant qu’entraîneur, a forcément un avantage. Grâce à son expérience de joueur, il est logiquement mieux placé pour appréhender certaines situations du quotidien. Avoir du vécu dans un vestiaire, c’est clairement un avantage. En ce qui concerne ceux qui n’ont pas été footballeurs professionnels, je vais citer mon exemple. Je suis sur les terrains depuis plus de vingt-cinq ans. J’ai pu apprendre au quotidien en gérant des entraînements et en essayant d’interpréter tout ce que nécessite la fonction d’entraîneur : transmettre une idée, la mettre en application ou motiver un groupe. Je crois que chaque entraîneur a ses petites spécificités, notamment au niveau de l’organisation et de la méthodologie de travail.
Sa vision du football
J’ai grandi au contact de l’Espanyol de Barcelone, quand j’étais plus jeune. Ensuite, je suis passé par le Barça. J’ai donc logiquement évolué dans un contexte où le football est basé sur une certaine philosophie de jeu, qui consiste à comprendre le jeu et à dominer son adversaire. J’aime quand mon équipe tente de presser haut et d’étouffer l’adversaire. Avec le ballon, je veux que mon équipe soit la plus protagoniste possible, en créant du jeu.
Entraîner des équipes de jeunes, un avantage pour un entraîneur ?
J’estime que quand tu entraînes des jeunes, l’aspect tactique est déjà présent. Il n’y a pas d’âge pour apprendre ou pour enseigner. Le plus important dans le football, que tu sois professionnel ou non, c’est évidemment de gagner. Mais il y a toujours une phase d’apprentissage. C’est aussi une question de motivation. Quand tu vas te coucher en apprenant quelque chose et en sentant que tu t’améliores, ton niveau de motivation augmente. Donc je crois que nous apprenons toujours quelque chose lorsque nous travaillons avec des jeunes. L’important pour un jeune, c’est d’apprendre. Cette partie méthodologique, qui permet de comprendre les entraînements et les petits détails, est importante. Ce que tu apprends au quotidien en tant qu’entraîneur, tu l’assimiles et tu le gardes en toi, même si tu t’occupes de jeunes joueurs.
La psychologie au sein d’un vestiaire
C’est ce qui fait tout ! Je suis un entraîneur qui croit en la tactique et aux entraînements. Mais je crois qu’au final, le mental est le critère le plus important chez un footballeur. Quel message je veux faire passer à mes joueurs ? Comment je dois leur transmettre au quotidien ? Quel est mon langage corporel ? Je dois transmettre mon énergie positive, mes convictions. Lorsque je ne me sens pas bien, comment je peux le dissimuler ? Selon moi, la psychologie, c’est tout ce que nous transmettons. Mon discours est toujours le même : si le joueur sent qu’il peut s’améliorer et gagner grâce à ce que tu lui apportes au quotidien, il s’estimera encore plus à même d’y parvenir. La tête, c’est ce qui fait tout. C’est pour toutes ces raisons que j’accorde une immense importance à l’aspect psychologique dans mon équipe. Un entraîneur est aussi un manager. Aujourd’hui, il est évidemment important de s’entourer de spécialistes. Il faut avoir de bons adjoints à ses côtés. Ces derniers doivent être capables d’analyser le jeu, que ce soit défensivement ou offensivement. Tu peux aussi avoir un assistant qui t’aide à analyser la partie psychologique. Par conséquent, en tant qu’entraîneur, tu ne dois pas penser qu’au terrain, mais aussi à la gestion des joueurs, du staff et de leurs émotions au quotidien.
La causerie type
Je n’ai pas vraiment de « causerie type ». Je fais parfois des rappels concernant quelques aspects du plan de jeu pour le match à venir. Cela dépend du moment. Cette saison, je tente de surprendre un petit peu. Même si c'est difficile quand tu joues chaque semaine. Je varie beaucoup : ma causerie peut être longue, courte ou ne tenir qu’en un seul mot. Il est aussi arrivé que je ne dise rien sur l’aspect tactique pour donner plus d’importance au côté compétitif de mon équipe. Selon moi, il est nécessaire d’avoir les mots justes afin que mon équipe soit la plus motivée possible.
Son schéma tactique préféré
Sincèrement, j’ai toujours eu pour habitude de dire que la structure de l’équipe et le schéma tactique dépendent des joueurs qui sont à notre disposition. Bien interpréter le profil des joueurs, je crois que c’est une des choses les plus importantes dans le football. Je me demande toujours comment mon schéma tactique pourra aider mes joueurs à atteindre leur plein potentiel. Par exemple, si je dispose de beaucoup de défenseurs talentueux et à l’aise dans les sorties de balle, je peux jouer avec une défense à trois. Si j’ai des joueurs de couloirs de très bon niveau dans mon effectif, qui comprennent bien le jeu et qui peuvent s’adapter, je peux jouer à trois ou à quatre. Si j’ai des joueurs qui prennent bien la verticalité, je peux évoluer avec deux ou trois attaquants… Après, c’est vrai que j’apprécie le 3-4-3, car il te donne un juste équilibre entre la construction du jeu et la phase de finalisation des actions. Certains joueurs participent à la préparation des actions, d’autres se projettent dans la surface. Je trouve que ce schéma apporte un certain équilibre. Cela ne veut pas dire que je n’aime pas jouer à quatre derrière. Au milieu, j’ai aussi plusieurs options. Je peux utiliser trois ou quatre joueurs. Mais je le répète, le plus important, c’est trouver la formule parfaite afin de tirer le maximum des joueurs.
Imposer son style ou s’adapter à l’adversaire ?
J’estime qu’il est très important que mes joueurs apprennent et s’améliorent en se basant sur notre football. Mais le football est un jeu qui implique une autre équipe. C’est une équipe contre une autre équipe. Par conséquent, il est important d’être capable d’interpréter et de comprendre ce que l’équipe adverse met en place. Il ne faut pas seulement penser à ce qui peut être bien pour toi. Tu peux faire quelque chose de bien pour ton équipe, mais l’équipe adverse peut avoir la réponse pour y remédier, trouver des solutions et te poser des problèmes. Être capable de répondre à ce que l’adversaire propose, c’est une grande qualité. Par exemple, si tu attaques en passant dans le dos de la défense adverse, mais que cette défense est de très bon niveau, les espaces à exploiter ne seront pas derrière, mais devant. C’est à toi de t’adapter. Si tu veux relancer depuis l’arrière dans un système à trois défenseurs, mais que l’adversaire te neutralise grâce à un marquage en un contre un, tu seras obligé de jouer en retrait. C’est là que tu dois t’adapter, en passant à quatre derrière par exemple. En résumé, il est important de penser à soi mais selon moi, la meilleure qualité d’une équipe réside dans sa façon d’interpréter ce que l’adversaire veut faire. Comment il attaque, comment il défend. Le plus important, c’est de trouver des solutions.
Le jeu pour arriver au résultat
Au début de la saison, ton équipe ne peut pas assimiler tes principes de jeu immédiatement car cela requiert du temps. Mais les résultats doivent quand même suivre. Si au bout de cinq, six, sept ou dix matchs, tu demandes du temps mais que tu ne gagnes pas le moindre match, nous savons ce qui pourrait arriver. Tu dois donc trouver un équilibre entre tes idées de jeu et la victoire. Il est vrai que je fais partie de ceux qui croient au jeu et à l’apprentissage du quotidien, deux facteurs qui vont toujours plus te rapprocher de la victoire. Pour tout cela, j’estime que tes principes de jeu et tes résultats peuvent être liés. Je pense qu’il est quasiment impossible de remporter un match si ton équipe n’a pas de ligne directrice dans le jeu. Certains entraîneurs ont plus d’appétence pour le jeu offensif, d’autres pour le jeu défensif. Il y a aussi des entraîneurs qui mettent l’accent sur l’esprit de compétition et les duels. Chacun a ses idées, mais pour moi, ces deux aspects sont indissociables. Pour gagner un match, il faut s’améliorer au quotidien.
La part de chance dans le football
Il serait faux de dire que parfois, dans un match de foot, la chance n’a pas son mot à dire. Il y a des choses impossibles à contrôler. En tant qu’entraîneur, ce que je peux contrôler, c’est mon travail au quotidien et ce que je peux transmettre. La chance fait partie du foot, et c’est à moi de faire en sorte que mon équipe puisse la provoquer. Par exemple, si mon équipe n’obtient qu’une seule occasion, ses chances de marquer seront faibles. Mais si je parviens à mettre mes joueurs face au but plusieurs fois au cours d’un même match, le « facteur chance » passera au second plan.
Ses inspirations
Depuis mon plus jeune âge, j’ai grandi avec toute la méthodologie qui entoure le football en Catalogne. Chaque détail compte, chaque minute compte. Que ce soit en match ou à l’entraînement. L’exigence doit être maximale. Tout est important, il ne faut rien négliger. Évidemment, tout ne peut pas être parfait. Mais le plus important, c’est vouloir faire mieux. C’est ce que j’ai appris, que ce soit à l’Espanyol ou à La Masia, et c’est ce qui m’inspire. De manière générale, ce sont des entraîneurs comme Pep Guardiola ou Luis Enrique, mais aussi les éducateurs que j’ai pu rencontrer durant ma formation, qui m’ont appris que le niveau d’exigence doit être maximal au quotidien.
Le poids de Johan Cruyff
Johan Cruyff a innové, c’était une personne audacieuse et inspirante. En son temps, il a su convaincre les gens qu’il était possible de gagner d’une manière différente. Un peu à la manière d’Arrigo Sacchi avec Milan ou d’autres entraîneurs de renom. Pour lui, l’important était de convaincre ses joueurs qu’il était possible de gagner en suivant sa philosophie de jeu. Grâce à ses idées, il a remporté quatre fois la Liga et a remporté la Coupe des Clubs Champions avec le Barça. Je crois qu’il est encore aujourd’hui une grande source d’inspiration. Il n’y a qu’à voir les succès de la Masia et du Barça. Ils reposent sur la volonté de pratiquer le meilleur football possible tout en dominant les matchs dans tous les compartiments du jeu. Dans l’histoire, lorsque le Barça a gagné, c’est en jouant bien. À l’inverse, lorsque le Barça n’a pas gagné, c’est parce qu’il ne jouait pas bien.
Le génie Pep Guardiola
Pep est un entraîneur très exigeant, qui a innové lui aussi. Aujourd’hui, faire jouer ses latéraux à l’intérieur du jeu, faire permuter ses joueurs ou sortir de derrière à trois ou quatre peut sembler normal. Mais il y a quinze ans, quand Pep a commencé sa carrière d’entraîneur, ce n’était pas normal ! Aujourd’hui, nous parlons plus de rôles que de postes. C’est notamment grâce à lui. Pep ne trouve aucun problème à faire des choses différentes. Les entraîneurs, moi le premier, s’inspirent de ce que font les génies. Guardiola, c’est un génie.
La méthode Luis Enrique
Ce que je préfère chez lui, et je trouve cela très inspirant en tant qu’entraîneur, c’est qu’il ne se soucie pas du nom ou du statut du joueur. Peu importe ton nom, tu dois toujours faire ce qu’il te demande en donnant le maximum. Cette exigence, couplée au potentiel de ses équipes et de ses joueurs, lui permet de gagner et d’obtenir des résultats. Comment ? Avec du talent, mais surtout grâce à une exigence maximale, en donnant de l’importance à chaque détail au quotidien et en ayant la volonté de toujours être meilleur. Selon moi, c’est cette qualité-là qui représente parfaitement Luis Enrique.
Un grand entraîneur sans gagner de trophées, c’est possible ?
Laisser un héritage, c’est quelque chose de très important. Il ne s’agit pas que de titres, sinon seules les équipes qui remportent des trophées laisseraient un héritage. Pour certains clubs, il est impossible de gagner un titre. Par exemple, le Barça, le Real et parfois l’Atlético se partagent les trophées en Espagne. En France, c’est toujours le PSG qui gagne. Pour un entraîneur d’un club intermédiaire, il est difficile de gagner des titres. Mais cela ne veut pas dire qu’un héritage ne peut pas être laissé au sein de ce même club. Pour moi, l’essentiel est de laisser un bon souvenir à tes joueurs et à tes supporters grâce à ton jeu, ta personnalité et ta faculté à être une source d’inspiration. Si tu parviens à réunir tout cela dans les clubs par lesquels tu passes, cela veut dire que tu as réussi.
Travailler dans un environnement sain
Je crois qu’il est important d’avoir une bonne relation de travail avec ses collaborateurs car même si nous avons tous un rôle différent, nous travaillons tous pour le même but. Tout le monde souhaite le bien de l’équipe. Si le club fonctionne, c’est le principal. Certains s’occupent de recruter les joueurs qui correspondent aux spécificités de l’équipe première, d’autres de dénicher les meilleurs talents. Au final, tout le monde travaille pour le même objectif. Bien sûr, nous sommes tous exigeants, mais j’estime qu’il faut être capable d’écouter les autres. Il est important d’avoir une profonde réflexion par rapport aux avis de ses collaborateurs afin d’avoir plusieurs points de vue. Cela fait progresser. À titre personnel, avoir l’avis de mon directeur sportif ou de mon président, c’est enrichissant. Tout comme il est important pour eux d’avoir mon opinion sur certains sujets.
La data dans le football
À Toulouse, la data est très importante au moment de recruter un joueur. C’est vrai que nous l’utilisons beaucoup pour essayer de trouver des profils différents à des prix peu élevés. Quand tu n’as pas beaucoup d’argent, tu dois avoir une idée un peu plus originale afin de trouver des talents. C’est pour cela que nous utilisons la data. La data peut aussi t’aider au quotidien, en poussant ta réflexion. Que tu gagnes ou que tu perdes, que tu sois content ou affecté, tu ne dois pas te laisser guider uniquement par tes émotions. Quand tu ne parviens pas à obtenir un résultat, la data peut te prouver que tu as été productif sur plusieurs aspects du match et que certaines choses ont été bien faites. À l’inverse, si tu gagnes un match, la data peut te montrer que tout n’est pas parfait et que ton équipe peut encore s’améliorer dans beaucoup de secteurs de jeu.
La nouvelle génération réputée difficile
Il y a quinze ans, je n’entraînais pas dans le monde professionnel. Mais je crois que la différence entre le football professionnel et celui des académies se réduit chaque jour un peu plus. C’est très similaire. Aujourd’hui, les jeunes qui arrivent en équipe première sont beaucoup mieux préparés tactiquement, physiquement et mentalement. Ils ont aussi plus de personnalité. De nos jours, un adolescent de 16 ou 17 ans est certain de pouvoir jouer tous les matchs et d’avoir un grand rôle dès son premier jour avec l’équipe. Il est aussi vrai que cette forme de confiance permet à ces jeunes joueurs d’être performants dès leurs débuts chez les professionnels. La société a changé, et c’est aussi à nous, entraîneurs, de nous adapter et d’apprendre d’eux. Finalement, l’objectif reste le même : les faire progresser pour leur permettre de jouer au haut niveau.
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