Le Corner
·23 juin 2024
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18 mai 2024. 82ème minute de cet anecdotique, en l’état, Dortmund-Darmstadt comptant pour la 34ème et dernière journée de Bundesliga. Une haie d’honneur se forme, tandis que les yeux s’humidifient. Une légende des Schwarzgelben tire sa révérence. Le numéro 11 Marco Reus jouait son dernier match au Signal Iduna Park, sa maison depuis plus de 12 ans.
C’est avec classe que Marco Reus termine sa carrière au Signal Iduna Park, auréolé d’un 170ème but, son 100ème à domicile, et d’une 108ème passe décisive sous les couleurs jaunes et noires. Plus tôt dans l’après-midi, tout le monde n’avait d’yeux que pour l’iconique meneur de jeu. Il put profiter d’une ovation pendant de longues secondes, ses coéquipiers le laissant entrer seul sur la pelouse pour l’échauffement, avant de découvrir un tifo à son effigie, le remerciant pour l’ensemble de son œuvre. Lorsqu’on reçoit de telles preuves d’amour du fervent Mur Jaune, c’est que l’on a bien fait les choses. Marco et ses supporters communient ensemble durant de longues minutes à la fin du match… avant que celui-ci n’offre une tournée à toute la Südtribüne.
Enfant de la ville et du club de la Ruhr, Marco, nommé ainsi par son père après que ce dernier tomba sous le charme du talent de Marco Van Basten, tombe amoureux du ballon rond très jeune. Dès l’âge de 5 ans, le jeune Marco rejoint le club du Post SV Dortmund, sa ville natale. Deux ans plus tard, en 1996, il s’engage avec le club de son cœur, le Borussia Dortmund. « Woody », comme le surnommait ses jeunes coéquipiers, se démarque par un physique vif mais frêle. Trop frêle pour les éducateurs du BvB qui décident de ne pas le retenir dans les équipes de jeunes, après 10 années passées au club. C’est le premier coup dur d’une carrière qui en sera jonchée.
« C’était très dur pour moi de partir. Quand tu passes tout le début de ta carrière dans un club, tu veux passer à l’étape suivante – surtout quand tu supportes ce club » décrivit Reus en 2013.
La résilience du jeune allemand lui permet cependant de rebondir rapidement. Et plutôt bien. Il s’impose à vitesse grand V au sein de l’équipe U-19 de Rot Weiss Ahlen avant de gagner sa place en équipe première. Il découvre alors la troisième division allemande. Mais l’apprentissage est éclair et Reus se montre déjà décisif. C’est lui qui permet à son club de monter en 2. Bundesliga après un but lors de la dernière journée. Après une saison passée dans l’antichambre, il signe un contrat de 4 ans avec le Borussia Mönchengladbach en 2009 et s’envole vers la Bundesliga.
Marco Reus sous les couleurs de Rot Weiss Ahlen. Crédits: Imago
Lorsque Marco débarque dans l’élite, les observateurs voient en lui un talent prometteur. Dès son premier match, il se mue en buteur spectaculaire après un rush de plus de 50 mètres contre Mainz. Il fait les beaux jours de Gladbach et permet à ses supporters de revivre des moments forts après des années passées dans l’oubli. Trois fois meilleur buteur du club en championnat, il aide l’autre Borussia à se stabiliser puis à retrouver les sommets du championnat avec Lucien Favre. Ses trois saisons de haute facture le mettent en lumière et on parle de lui aux quatre coins de l’Allemagne. C’est finalement en terre bien connue qu’il fait son retour, six ans après le départ crève-cœur.
Jouissant d’un statut nouveau de jeune espoir, il affiche également de hautes ambitions. En effet, le club de la Ruhr est pour lui un moyen de conquérir le titre national mais aussi d’engranger de l’expérience sur la scène européenne. Il trouve de suite un compère sur le terrain comme en dehors, en la personne de Mario Götze. Les deux jeunes stars brillent, et abreuvent Robert Lewandoswki à la finition. Le trio enfile les buts et impressionne sur la scène européenne. Marco, qui participe pour la première fois à la reine des compétitions, n’est pas du tout impressionné et marque des buts importants, contre le Real Madrid ou Manchester City notamment. Les noirs et jaunes parviennent même à se hisser jusqu’en finale après un exploit (et un quadruplé inoubliable de Lewandowski) contre les Merengues. Malheureusement, Marco et les siens se heurtent au mur munichois au moment de conclure. Comme trop souvent…
Marco Reus et Mario Götze, duo en feu face au Real Madrid.
Rappelons qu’à cette époque, le club de la Ruhr vient de remporter deux titres nationaux consécutifs sous l’ère Klopp. Lorsque Marco Reus arrive, Dortmund est la référence, et a pour objectif de conserver son titre et de repousser Munich qui souhaite reconquérir son trône. Oui, il est aujourd’hui difficile d’imaginer le Bayern ne pas être le rouleau compresseur que l’on connaît. Mais malheureusement cette saison-là, une classe d’écart, voire plusieurs, existe avec le grand rival du Bayern Munich. 25 points séparent les deux clubs en fin de saison. C’est le début de l’hégémonie munichoise sur la scène nationale. Jamais Reus ne connaîtra le bonheur de soulever le Meisterschale.
Marco Reus et le Meisterschale, c’est un peu une histoire à la « je t’aime, moi non plus ». Souvent, le Bayern Munich pèse de tout son poids sur le championnat, et ne laisse que des miettes. Mario Götze et Robert Lewandowski basculent dans le camp de « l’ennemi », laissant Marco seul batailler face au rival munichois. Malgré cela, Dortmund passe très proche de remporter le Graal à deux reprises. Une première fois en 2018-2019, saison durant laquelle Marco Reus remporte le titre de meilleur joueur de la Bundesliga. Mais son club échoue à deux points du Bayern Munich. La fin de saison 2022-2023 sonne, elle, comme un crève cœur. Avant la dernière journée, Dortmund compte 2 points d’avance sur Munich. Une victoire à domicile contre Mainz suffirait au bonheur des Jaune et Noir. Un nul combiné à une victoire du Bayern offrirait le titre aux bavarois. Finalement, c’est un but à la 89ème minute du Bayern Munich qui détruit les espoirs de Dortmund, neutralisé par Mainz.
Dans l’ombre de l’ogre bavarois pendant plus d’une décennie, Marco Reus connaît différents partenaires de fortune. Les Götze, Lewandowski, Hummels font tous leurs gammes à ses côtés, avant de rejoindre le grand rival… mais pas lui. Fidèle à son club de toujours, Reus prit de nouvelles responsabilités au fil de sa carrière. Le capitaine du BvB depuis 2018 est capable de jouer à presque tous les postes sur le front de l’attaque. Numero 10, ailier, second attaquant, Reus est un joueur complet et précieux pour n’importe quel collectif, capable de se sacrifier. Un joueur de devoir, du genre à être apposé en premier sur la feuille de match. Marco Reus possède une vision du jeu hors du commun, combinée à une très bonne finition mais aussi une qualité de dribbles et de passes. L’illustre Beckenbauer dira même « qu’il n’existe pas plus prolifique » que son duo avec Götze, rien que ca.
Élu deux fois joueur allemand de l’année, et trois fois meilleur joueur de Bundesliga, Reus a su construire sa légende à Dortmund et dans le football allemand. Mais une question subsiste : quelle aurait été sa carrière sans ses innombrables blessures ? Chevilles, genoux, adducteurs, dos… tout y passe. Marco Reus est un joueur fragile. Il totalise plus d’une soixantaine blessures sur douze saisons. Des blessures qui freinent son évolution et son impact au sein de son club mais aussi en sélection. Il manque ainsi deux Coupe du Monde (2014, 2022) et deux Euro (2016, 2020). C’est sans lui que l’Allemagne conquiert le monde en 2014, alors même que Reus est au sommet de son art après une saison brillante avec le BvB…
Un joueur au physique fragile.
Sans ses blessures, l’armoire à trophées de Marco Reus serait assurément plus remplie. Qu’en serait-il s’il avait quitté le Borussia Dortmund pour un club « plus huppé »? Personne ne le saura jamais, mais les sollicitations ne manquèrent pas, avec des intérêts plus ou moins appuyés, de Manchester City ou encore du Real Madrid. Marco Reus choisit la fidélité et le cœur des supporters du Mur Jaune, et devint une légende du BvB, à l’image d’un Totti à l’AS Roma. Le club d’une vie, pour lui, l’enfant de la région. Le 1er juin dernier s’est achevée son histoire de joueur avec les Schwartzgelben, dans l’antre de Wembley. Une dernière défaite, face au Real Madrid cette fois-ci, laissant un énième goût d’inachevé.