Mazzone à Brescia : La course d’une vie #3 | OneFootball

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·9 juillet 2025

Mazzone à Brescia : La course d’une vie #3

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Carlo Mazzone, l’entraîneur italien qui a dirigé le plus de parties en Serie A, fait l’objet d’une grande marque de respect en Italie.  Cette admiration est notamment partagée par certains des anciens joueurs qu’il eut sous ses ordres parmi les quelques fuoriclasse comme Roberto Baggio, Andrea Pirlo, Pep Guardiola et bien sûr Francesco Totti. D’Ascoli à Livourne, au long de ses 1278 matchs dirigés, la trajectoire de Carlo Mazzone connut des temps forts comme son expérience à Brescia, chez les rondinelle (les « hirondelles », en italien) au crépuscule de sa carrière.

Les Mille Miglia étaient l’une des courses automobiles d’endurance les plus célèbres au monde. Les mythiques voitures de sport, Ferrari, Maserati, Alfa Romeo, Aston Martin, Bugatti avalaient l’asphalte dans un aller-retour Brescia-Rome-Brescia en passant par Pérouse et Bologne. Carlo Mazzone n’avait rien de l’élégant Alberto Ascari et paraissait davantage Fiat que cheval cabré, mais il emprunta le même itinéraire après sa sortie de piste romaine. Une accélération au FC Bologne jusqu’à connaître la rugissante bagarre concluant la demi-finale de Coupe de l’UEFA contre Marseille, suivie d’un arrêt au stand à Pérouse du volcanique président Luciano Gaucci. Lorsqu’il rejoint la Lombardie en septembre 2000, Brescia venait de remonter en Serie A sous les ordres de Nedo Sonetti qui s’engagea par la suite à Salerne. Une accession arrachée à la dernière journée à la force du casque de Dario Hübner meilleur buteur du championnat, répondant au doux surnom de « bison » comme symbole d’un jeu rugueux.


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Le Divin et l’Architecte

Si quelques mois plus tôt, en France, Claude Allègre, alors ministre de l’Éducation nationale enjoignait de « dégraisser le mammouth » Mazzone lui souhaitait « affiner le bovidé ». Et quoi de mieux qu’un ballon d’or pour une montée en gamme technique. Qu’un promu puisse s’acheter les services du meilleur joueur du monde 1993 s’explique par la saison mitigée du Divin Codino à l’Inter, sur fond de brouille avec Marcello Lippi, mais surtout par la roublardise de Carlo Mazzone.

Un matin du mercato estival, le sorcier d’Ascoli accompagnait son cappuccino par la lecture de la presse. Il manqua de s’étouffer en apprenant que Roberto Baggio était en pourparlers avec la Reggina et prit son téléphone pour joindre Cesare Metori, un ami proche du numéro 10 afin qu’il joue les entremetteurs. Mazzone s’entretint avec Baggio qui lui confirma les contacts calabrais, mais également sa réticence à un nouveau déménagement pour lui et sa famille. Carletto mit en avant la proximité de Brescia, la Lombardie avec Milan, mais également avec Caldogno, le fief des Baggio et séduisit l’homme au catogan. La transaction n’était pas sans risque, car le fabuleux meneur avait plus de trente-trois ans, deux dernières saisons en dents de scie et un genou droit qui connut plusieurs fois la table d’opération.

La patte Mazzone mit du temps à s’installer, il fallut attendre la huitième journée pour que Brescia remporte son premier match. Pire, à la trêve de Noël, le club lombard occupait l’avant-dernière place. L’entraîneur souhaita injecter du sang neuf à son équipe, il eut vent d’un jeune milieu offensif de l’Inter, formé à Brescia, Andrea Pirlo. Le futur crack de vingt-et-un ans, barré dans le club milanais où il disputa seulement quatre matchs, revint « au pays ». Pirlo déçut lors de ses premières parties lombardes, le Président Corioni s’impatienta et comme bien souvent, l’entraîneur demanda un temps que le football ne permet pas. C’est là que réside tout le talent de Mazzone ; s’adapter à son effectif grâce à ses compétences de tacticien caméléon. Il résume cette conception selon cet adage qui veut que « la technique est le pain des riches, la tactique est le pain des pauvres ».

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Andrea Pirlo tout juste débarqué de l’Inter Milan

Si, pour Platon, le destin de l’humanité s’est joué au banquet de Mékoné quand Prométhée, au milieu de côtes de bœuf grillées, vola le feu aux Dieux, le sort de la Squadra Azzurra s’est peut-être déroulé autour d’une pizza. Mazzone, durant sa carrière, prit l’habitude de laisser sa famille dans son fief d’Ascoli qu’il rejoignait au moindre temps libre, mais le managérat pour ces « Mister » était vu comme un sacerdoce, un dévouement total. Ainsi, il séjournait dans une chambre du centre d’entraînement de Coccaglio, dans la périphérie bresciane. Il partageait ses soupers avec son fidèle adjoint Leonardo Menichini, autant pour rompre la solitude que pour de longs débats tactiques. Devant une calzone, le sorcier des Marches lança à son collaborateur : « Que penses-tu si nous positionnons Pirlo devant la défense ? ». Il argumenta que sa qualité technique lui permettrait d’échapper au pressing adverse et le connecterait directement à Roberto Baggio.

Menichini fut séduit. Il resta tout de même à convaincre celui qui allait devenir l’Architetto. Charge facile pour l’expérimenté technicien qui lui proposa ni plus ni moins de devenir « le Falcao de Brescia », en référence au maître à jouer du mythique Brésil des années 80. Ainsi, Pirlo devint la sentinelle qui illumina l’Italie durant quinze ans. Le jeu de Brescia devint limpide et reposait sur l’abattage de sa jeune pousse cassant les lignes avec son pied soyeux pour trouver un Roberto Baggio aux jambes de vingt-ans, finissant les occasions ou distillant des offrandes pour Hübner. Les nostalgiques du Calcio des années 2000 se souviennent tous du caviar délivré depuis le milieu du terrain par Pirlo pour le divin 10 qui d’un contrôle orienté du pied droit mystifia Edwin Van Der Sar, le portier de la Juventus.

Brescia termina la saison en boulet de canon à la huitième place, invaincu à partir de la fin mars et qualifié pour la Coupe Intertoto. Roberto Baggio trouva les filets à dix reprises et Dario Hübner vingt-quatre fois.

La vie était douce en Lombardie. Mazzone, paternaliste, couvait les joyaux de la couronne. Ainsi agacé par les multiples sollicitations des tifosi dont faisait l’objet Roberto Baggio, il proposa à ce dernier en cas de lassitude de se toucher la tête, déclenchant la dispersion de la foule par Mazzone. Baggio n’usa jamais du signe distinctif. L’entraîneur courroucé reprit son joueur phare « tu n’as pas de tête ? ». Le Ballon d’or 1993, altruiste, ne souhaitait jamais décevoir ses supporters. D’autres sautes de colères marquèrent les troupes brescianes.

Il était de notoriété publique que le coach avait peur des chiens et Vittorio Mero, le défenseur de l’équipe, tenta un jour d’emmener son labrador à l’entrainement, ce que refusa froidement le Mister. Quelques jours plus tard, alors que Mazzone rentrait sur la pelouse pour diriger la séance il aperçut un chien. Il hurla alors « sortez ce chien !», quelqu’un murmura « c’est celui de Roberto !», Carletto dit alors «  qu’on le laisse et qu’on lui apporte une friandise » entraînant les rires de ses joueurs.

Correndo con le stelle

L’intersaison 2001 fut courte en raison d’une fin tardive due aux Jeux Olympiques de Sydney, qui avaient décalé la saison, et de la qualification pour la Coupe Intertoto. Pour autant elle ne manqua pas de tension. Carlo Mazzone, ne voulant pas rogner sur ses vacances dans les Marches, laissa Menichini diriger l’équipe sur les premiers tours de l’accessit européen. Il géra cependant l’effectif qui vit le capocannoniere Dario Hübner être poussé vers la sortie et rejoindre Piacenza pour six milliards de lires ainsi que le prêt d’Andrea Pirlo s’achever.

L’équipe était à reconstruire et Mazzone fit encore parler son flair en recrutant un jeune attaquant méconnu affichant une seule saison en Serie A avec Vicenza pour 9 buts mais jugé apte à combiner avec Baggio ; un certain Luca Toni. Sor Carletto retrouva la Lombardie, mais pour un aller-retour. En effet, la finale de la Coupe Intertoto contre le Paris Saint-Germain fut marquée par la grogne des Ultras des rondinelle en conflit avec le président Luigi Corioni. Mazonne regagna Ascoli et menaça de démissionner. Néanmoins, il se ravisa souhaitant tirer les bénéfices de son effectif construit sur mesure. Cependant, aussi grands que soient les grands entraîneurs, « ils sont ce que nous sommes : ils peuvent se tromper comme les autres hommes. » Et Mazonne ne faillit pas à l’adage cornélien.

En effet, tandis que le vieux sage s’escrimait à faire signer Federico Giunti, une sélection avec la Squadra Azzurra et remplaçant à l’AC Milan, son manager Mauro Pederzoli faisait marcher ses réseaux catalans affermis par son épouse espagnole pour lui apporter sur un plateau Josep Guardiola. Le capitaine du Barça de Cruyff, rincé par une année difficile en Catalogne terminée seulement à la quatrième place, souhaitait un nouveau défi. La Juventus flaira également le bon coup, mais la perspective de jouer avec Roberto Baggio séduisit Pep.

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Pep Guardiola, lorsqu’il avait encore des cheveux

Si Brescia a trouvé son alpha jet, pour le cerveau blaugrana c’est plutôt du low-cost passant d’un club où Louis Van Gaal poussait le perfectionnisme jusqu’à imposer le retrait des dents de sagesse à ses joueurs pour éviter les risques de blessures, à un club où quelques semaines avant Dario Hübner se grillait une cigarette à la mi-temps. Bad trip d’autant plus violent quand Pep Guardiola découvrit le centre d’entraînement composé seulement de deux terrains et d’un bâtiment pour couvrir toutes les fonctions et où régnait en maître un Carlo Mazzone qui, en guise de bienvenue, lui lança «  je ne voulais pas de toi, je ne sais pas ce que tu fais ici ». Puis il ajouta «  j’ai déjà recruté Giunti, je lui ai fait confiance et maintenant je dois réfléchir à la façon de te gérer à ce poste ! Mais je dois te dire une chose :  si tu es très bon, je t’aimerai et je te donnerai ta chance. » Tout Mazzone en une seule phrase, authentique, pragmatique, mais aussi adaptatif.

Bienvenue en Lombardie ! Mais Pep n’était pas au bout de ses surprises. Quatre jours plus tard, il fut présenté aux tifosi à l’occasion du derby Brescia-Atalanta Bergame et assista à une scène surréaliste même pour un compatriote de Salvador Dalí. Les deux cités lombardes distantes de seulement cinquante kilomètres se vouent une haine féroce depuis 1156 et la Bataille de Palosco où 3000 soldats bergamasques furent tués par les troupes brescianes. Pire, la bannière de la ville dédiée à Saint Alexandre fut volée et conservée en trophée au pays des « hirondelles ». Dans une Italie unifiée uniquement depuis un siècle et demi, le mot « campanilisme », ou l’esprit de clocher prend tout son sens, et une nouvelle histoire de bannière mit le feu aux poudres. Lors du Derby de 1993, les Ultras des biancazzurri lancèrent une opération éclair dans la tribune visiteur et y dérobèrent la banderole des nerazzurri. La violence se déplaça sur la pelouse avec un envahissement du terrain et une trentaine de blessés dans des scènes de guérilla urbaine.

Le 15 septembre 2001, le Stade Mario Rigamonti était rempli de 15000 supporters. L’Atalanta vint en victime expiatoire avec une seule victoire en quatre journées alors que Brescia n’a connu la défaite que contre le grand Parme des Cannavaro, Sensini, Almeyda et sa clique de Français Lamouchi, Boghossian et Micoud.

Carlo Mazzone mit en place son 3-5-2 avec devant Roberto Baggio en électron libre autour du géant albanais Igil Tare et pour bastonner dans l’entrejeu les jumeaux Filippini. Pour contenir la pression, la Lega confia la gestion des débats à la star du sifflet Pierluigi Collina. Les deux équipes se rendirent coup pour coup, Tare manqua un face-à-face avec Massimo Taibi tandis que Bergame envoya une frappe sur le montant. A la 25e minute, un centre laser de Fabio Petruzzi permit à Baggio de crucifier le portier adverse. Piqués au vif, les Nerazzurri répondirent par deux buts en cinq minutes, dont un missile du droit de Cristiano Doni, la légende du club.

Juste avant la pause, Gianni Comandini vint doucher les espoirs de Brescia en inscrivant un troisième but. Les ultras bergamasques, en feu, s’en donnèrent à cœur joie par un récital dont le héros était Carlo Mazzone, mais surtout sa défunte mère. Le technicien lombard bouillait et promettait une revanche si son équipe égalisait. Roberto Baggio réduisit le score à la 75e minute. Insuffisant alors que les arrêts de jeu étaient déjà grignotés et qu’il restait un dernier coup franc excentré. Il Divin Codino s’en chargea de sa soyeuse patte droite, le ballon s’éleva traversant la surface jusqu’à mourir dans les filets d’un Massimo Taibi scotché sur sa ligne.

Le stade était en feu, mais pas autant que Carlo Mazzone, hors de contrôle, il lança son quintal dans une course folle vers la curva. Tel un troisième ligne de rugby, il résista à la charge du délégué de la ligue Cesare Zanibelli et de Leonardo Menichini qui eurent vite compris que ce n’était pas l’idée du siècle. Qu’importe, Mazzone le visage déformé par un mélange d’orgueil et de rage renfermée durant une heure gesticule, éructa, proférant le poing levé un de ses jargons préférés tout droit venu de son Testavere romain «  li mortacci tuoi » intraduisible néanmoins ressemblant au distingué « mangez vos morts ».

Bien évidemment, le calme revenu, Pierluigi Collina ne put qu’expulser le technicien qui penaud leva les bras, s’excusant de son moment d’égarement sous les yeux d’un Pep Guardiola désabusé devant un tel spectacle qui lança un « bordel qu’est-ce que je fous ici ». Carlo Mazzone fit amende honorable et prit la peine de s’excuser en conférence de presse, se justifiant « celui que tu as vu courir était mon jumeau, celui qui arrive dimanche midi et prend ma place ». Il contacta également Giovanni Vavassori, le technicien bergamasque contrairement au maire Cesare Veneziani qui avait soutenu les ultras nerazzurri. La sentence tomba et s’avéra relativement clémente avec cinq journées de suspension pour Carletto.

Simple péripétie, car la réussite connaissait la Lombardie. Guardiola sublimait un effectif reléguant sur le banc Giunti qui reçut pour toute explication du coach «  C’est moi qui t’ai voulu, mais comment pourrais-je ne pas faire jouer l’autre ? Il est trop fort ». Brescia enchaînait les victoires contre Piacenza et Venise, Roberto Baggio marchait sur l’eau avec huit buts en neuf journées et Luca Toni commençait à faire oublier Dario Hübner. Mazzone, devant cette mécanique bien huilée, enfilait le costume de manager, laissant la direction des séances à Leonardo Menichini, reprenant celui d’entraîneur à l’approche du week-end quand il fallait sonder les âmes pour les transcender.

De Charybde en Scylla

La machine, cependant, s’enraya subitement contre la Lazio avec une manita subie. Pire, Pep Guardiola fut contrôlé positif à la nandrolone. Neuf nanogrammes dans le sang, soit plus de quatre fois la norme autorisée. Après une bataille judiciaire marquée par de nombreuses contre-analyses, Pep fut suspendu quatre mois. Le corps de Roberto Baggio le rappelait à son âge et surtout en tribune.

Au cœur de l’hiver, Brescia était en panne sèche avec seulement deux nuls en huit matchs. Puis, le club vit un drame quand Vittorio Mero, son défenseur, décéda dans un accident de la route alors que suspendu.  Ce dernier s’était rendu, après un petit entraînement physique avec Emanuele Filippini, soutenir son équipe en demi-finale aller de la Coupe d’Italie pour ce qui apparaissait comme une mince éclaircie dans une saison dramatique. Les joueurs apprirent la nouvelle en plein échauffement et le père du défunt en direct à la télé. Quatre jours plus tard, Brescia se déplaça à Lecce, dans un match important pour le maintien. Néanmoins personne n’avait le cœur à jouer. Carlo Mazzone, un père pour ses joueurs, le visage ravagé par la tristesse observait un Roberto Baggio en larme avant le coup d’envoi. L’équipe fit le métier et mena deux buts à un après un doublé de Luca Toni. Le troisième but fut inscrit par Emanuele Filippini, aucune réalisation en Serie A, surtout, le dernier joueur à avoir vu Mero. Poussé par un signe du destin ou l’esprit de Mero il énonça « dans ma carrière, j’avais raté des buts bien plus faciles, c’est lui qui m’a fait marquer celui-là. »

A sept journées de la fin, le club lombard était reléguable. Mazzone ressortit du tiroir le mazzonismo, cette capacité à s’adapter aux moyens à disposition dans un grand pragmatisme et basa son jeu sur le « palla lunga Luca Toni » à savoir, on balance devant et on compte sur le talent du capocannoniere. Simple, mais efficace, comme l’attesta la victoire trois à zéro contre Pérouse avec un triplé de Toni sur deux centres en profondeur et un ballon dévié.

Au matin de la dernière journée, peur sur la ville. Brescia était dans la charrette pour la Serie B et recevait Bologne qui jouait sa qualification européenne. Pep Guardiola était blessé, Carlo Mazzone, suspendu, observa la partie depuis les tribunes, laissant à Menichini le soin de diriger les troupes depuis le banc. La tension atteignait son comble, même si Carletto prit soin toute la semaine d’alléger l’atmosphère. Roberto Baggio joua sur une jambe autant pour sauver Brescia que pour inciter Giovanni Trapattoni, le sélectionneur de la Squadra Azzurra qui devait donner sa liste le lendemain pour le mondial 2002, de l’embarquer en Corée du Sud et au Japon.

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Roberto Baggio, il Divin Condino

Le stade bondé, resplendissait de bleu et Pierluigi Collina fut désigné pour orchestrer les débats. La première mi-temps vit les deux équipes, paralysées par l’enjeu, se neutraliser. A la mi-temps, Carlo Mazzone dans une colère noire, sema le chaos dans le vestiaire pour réveiller ses troupes. L’effet du Mister porta ses fruits, car dès la reprise, Jonathan Bachini glissa une merveille de ballon piqué au-dessus de Gianluca Pagliuca. A la 65e minute, Roberto Baggio subit une faute en pleine surface, Pierluigi Collina désigna le point de penalty. Le maître à jouer de Brescia se chargea de la besogne, sur la droite d’un Pagliuca qui se détendit bien et renvoya le ballon dans les pieds du tireur qui marqua en deux temps.

Au Stade Rigamonti, on commençait à souffler, surtout que Piacenza menait largement contre Vérone entrainant le club de la Vénétie en Serie B. Lucas Toni paracheva le résultat avec un troisième but. Brescia, après avoir vécu en un an les tragédies qu’un club connaît normalement en un demi-siècle, obtenait son maintien. Mazzone, comme le père qu’il était pour ses joueurs, versa le montant de sa prime de maintien au fils du défunt Vittorio Mero. Pour Roberto Baggio, la joie fut de courte durée, Giovanni Trapattoni ne le retint pas dans sa liste pour le Mondial 2002.

The last dance

Brescia terminait un cycle et solda ses bijoux de famille. Pep Guardiola signa à la Roma, le portier emblématique Luca Castellazzi fut prêté à la Reggina, Emanuele Filippini quitta son jumeau pour Parme en compagnie de Daniele Bonera le futur défenseur de l’AC Milan couvé par Mazzone. Roberto Baggio, dépité par sa non-sélection ne trouvait plus de motivation dans le football, surtout que Mazzone hésitait à rempiler. Il faudra toute la malice de Corioni pour remotiver Carletto et faire signer une prolongation de deux ans à son numéro 10. Il faut dire que Baggio lia son sort surtout au sorcier romain prenant soin de faire ajouter une clause dans son contrat lui permettant de rompre immédiatement son contrat si Mazzone venait à quitter Brescia. Le club engagea également l’espoir ghanéen Stephen Appiah et le défenseur costaricien Gilberto Martínez, qui deviendra un pilier de l’équipe.

Comme souvent avec Mazzone, le début de saison fut poussif et marqué par une élimination précoce en Coupe d’Italie par Ancône. Par ailleurs, à la douzième journée du championnat, Brescia stagnait à la quatorzième place. La réception de la Juventus, avant les fêtes, relança la machine. En effet, les rondinelle l’emportèrent deux à zéro. Le retour de Pep Guardiola, en froid avec Fabio Capello, au mercato d’hiver offrit un nouveau souffle à l’équipe. De Noël jusqu’à la fin du championnat, elle ne connut la défaite que trois fois et contre les mastodontes de l’époque, la Juventus, l’Inter et la Lazio et offrit à ses supporters des victoires mémorables comme lors du derby contre l’Atalanta remporté 3 à 0 ou contre le Milan AC. A l’issue de la saison, Brescia finit neuvième et se qualifia pour la Coupe Intertoto.

Quelques jours plus tard, le sorcier des Marches, usé et flairant la possibilité d’un retour sur le banc de son AS Roma chérie en cas de départ de Capello quitta la Lombardie. « Ce furent trois belles saisons, pleines de satisfactions. Il vaut mieux terminer en beauté, c’est le moment ».

Finalement, Fabio Capello resta à Rome et Mazonne rebondit à Bologne pour une expérience mitigée, loin des fastes de Brescia où dans ce club de dimension moyenne, il put se targuer d’avoir eu sous ses ordres un ballon d’or, le capitaine du grand Barça et deux futurs vainqueurs de la Coupe du monde 2006. Si le simple quidam garde seulement en mémoire la course de Mazonne lors du derby Brescia-Atalanta, l’aventure bresciane fut la quintessence de la méthode mazzonienne : un entraîneur pragmatique, ne théorisant pas le jeu mais proche de ses joueurs pour en tirer le meilleur. Une méthode bien symbolisée par l’une de ses phrases fétiches « avant d’entraîner des joueurs, j’entraine des hommes. »

  • Bertelli Luca, « L’altro 5 maggio di 20 anni fa, Brescia-Bologna: Baggio salvò le rondinelle, Trap gli negò il Mondiale », Corriere della sera, 5 mai 2022.
  • Bertelli Luca, « Guardiola, Baggio e Mazzone: storia e aneddoti dei due anni a Brescia, Carletto non voleva Pep ma poi gli fece da padre », Corriere della sera, 14 octobre 2024.
  • Guaita Tommaso, « Vittorio Mero, l’addio dello Sceriffo », Guerin Sportivo, 21 Mai 2024.
  • Riggio Salvatore, « La storia della corsa di Mazzone sotto la curva durante Brescia-Atalanta, nel 2001 », Corriere della sera, 19 août 2023.
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