Mbappé : 6 ans après le départ de CR7, l’héritage intimidant de son idole | OneFootball

Deux chiffres. 450 buts en 438 matches. Trois lettres. C-R-7. L’héritage de Cristiano Ronaldo au Real Madrid, tout bonnement stratosphérique, Kylian Mbappé l’a assurément dans un coin de sa tête au moment d’entamer le nouveau chapitre de sa vie sportive. Pour un goleador de la trempe du Français, ce bilan fait office d’objectif ultime.

Symbole de l’exigence de tous les instants d’un buteur devenu légende du jeu, le ratio indécent du Portugais laisse rêveur. Un cap vers lequel Kylian Mbappé doit tendre, sans compromettre son identité. Copier le meilleur buteur de l’histoire du Real Madrid, ce serait tomber dans un piège contreproductif. Car si la rigueur fait la qualité d’un défenseur, le sel d’un attaquant provient indéniablement de son imprévisibilité.

L’obsession de la stat’

Obnubilé par la cage depuis ses débuts à Monaco, comme Cristiano en son temps à Manchester United, le prodige tricolore semble parfois ne jurer que par la statistique, lui qui clôture une saison à nouveau en tête du classement des meilleurs réalisateurs en Europe (co-meilleur total avec Harry Kane, 44 buts). S’il laisse (quasiment) tout le monde dans le rétroviseur d’un  point de vue chiffré, l’exercice 2023-2024 reste loin de ses standards dans le jeu, et il le sait. Diminué physiquement, emprunté mentalement, Mbappé a eu le plus grand mal à peser sur le sort des rencontres durant le dernier championnat d’Europe.

« C’est un Euro raté », a-t-il lui même reconnu après la défaite de l’équipe de France face à l’Espagne, en demi-finale. Difficulté à éliminer son vis-à-vis, prise de profondeur quasi inexistante, frappes imprécises… Kylian Mbappé a enchaîné les contreperformances ces derniers mois, loin de donner le rendement attendu pour le prétendu meilleur joueur du monde. Pire, il a parfois donné l’impression de ne plus être capable de proposer le coup d’éclat qui faisait jusqu’ici sa force : l’accélération fulgurante. Le capitaine des Bleus arrive donc à Madrid alourdi par le poids de ces reproches, alors que la classe médiatique espagnole apparaît autrement plus intransigeante qu’en France.

Lui aussi recruté par le club de ses rêves en 2009, Cristiano Ronaldo a d’abord porté le numéro 9, le même que s’apprête à revêtir Kylian Mbappé. Ballon d’or 2008, vainqueur de la Premier League et de la Ligue des champions la même année, il avait bénéficié d’un contexte personnel largement plus favorable il y a quinze ans. Attendu comme le messie, CR7 prend alors rapidement ses marques et surfe sur la vague de recrutement galactique des Merengues.

Résultat : 26 buts en 29 matches de championnat lors de sa première saison en Liga. Un bilan admirable avant d’affoler les compteurs dès l’année suivante. Malgré la pression médiatique et la découverte d’un nouvel environnement, le joueur formé au Sporting est parvenu à se fondre dans le collectif madrilène tout en se distinguant individuellement. Un chemin inspirant pour Mbappé aujourd’hui ?

Redevenir ce facteur X foudroyant

Si Mbappé a connu une panne sur le plan de la créativité cette saison, d’autres griefs viennent s’ajouter à ce constat de (relative) stagnation. Ainsi Kylian serait trop individualiste, préférant trouver lui-même le chemin des filets plutôt que mettre sur orbite ses partenaires en cas de meilleur placement. L’ego, l’avatar de la prétention ?

Une critique déjà formulée à l’époque contre Cristiano, accusé de n’en faire qu’à sa tête. À en croire la suite de son histoire, cela ne lui a pas desservi. Bien au contraire. Ambitieux et conquérant, CR7 a tiré vers le haut l’ensemble de ses coéquipiers à mesure que les saisons défilaient. Plutôt que de le camoufler, Mbappé ferait donc mieux de conserver ce trait de personnalité. À condition de ne pas verser dans l’outrecuidance, qui pourrait agacer un vestiaire jusqu’ici harmonieux.

Ce possible manque d’altruisme ne doit pas faire oublier au joyau français qu’il est désormais attendu au tournant. À 25 printemps, il débarque dans la capitale espagnole un an plus âgé que son idole. Autrefois ailier percutant, dribbleur infatigable et mangeur d’espace, Kylian Mbappé a vocation à redevenir ce joueur électrisant duquel chaque crochet peut faire mouche.

Comme CR7 en son temps. Globalement, la carrière de Ronaldo au Real Madrid forme un moteur pour l’attaquant français, aujourd’hui en perte de repères et en panne d’essence. Pour lui redonner confiance, à l’aube de son premier match officiel au Santiago Bernabéu le 25 août prochain, Mbappé devrait s’imprégner du parfum du vestiaire. Lorsqu’il découvrira son casier, le néo-Galactique pensera peut-être à l’ombre de CR7. Mais c’est bien KM9 qui surgira dans le reflet de son miroir. Comme une invitation à innover.

Tanguy Soyer