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·21 septembre 2019

Mouscron, de l’ombre à la lumière

Image de l'article :Mouscron, de l’ombre à la lumière

Empêtré dans des affaires judiciaires, placé sous administration provisoire en février 2019 par la justice belge et sauvé in extremis l’année dernière, Mouscron revient de loin. Désormais troisième après leur victoire face à Courtrai, les Hurlus peuvent savourer un début de saison à la saveur de miracle.

Après sept journées de Jupiler Pro League, le club du Hainaut fait figure de bonne surprise de ce début de saison. Avec un entraîneur qui sort d’une longue période d’inactivité, l’allemand Bernd Hollerbach, un effectif surprenant constitué essentiellement de prêts, Mouscron, habitué au maintien truste les premières places du championnat. Les spectateurs du Cannonier assiste à un renouveau de leur club qui a fait les gros titres de la presse belge l’année dernière à cause de ses tracas judiciaires.


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L’histoire d’une descente

Mouscron c’est d’abord l’histoire d’une descente. Lors de la saison 2009-2010, criblé de dettes, le club voit sa licence retirée par la Fédération Belge et l’UEFA. Contraint d’abandonner la Jupiler League, le club voit son matricule 224 être radié. En fin d’année le matricule 216 du club de Peruwelz est racheté par un groupe d’actionnaires: Futurotop, qui permet au club de repartir en Promotion, la division quatre, sous le nom « Royal Mouscron-Perluwez », dénomination qui enlève le « Excelsior » du nom.

Le club mettra quatre saisons à retrouver l’élite du football belge. Entre-temps le LOSC est devenu actionnaire majoritaire du club mais va s’en séparer rapidement.

Un club devenu « hall de gare de joueurs secondaires »

En juin 2015 le club est cédé à une compagnie maltaise dont les propriétaires sont Pini Zahavi et Fali Ramadani, deux agents sulfureux. Romain Molina, auteur de l’excellent Mano Negra, explique que Ramadani utilise le club pour placer des joueurs d’Europe de l’Est, Serbes pour la plupart et leur faire prendre de la valeur. Le journaliste français relate :

« Transformé en hall de gare de joueurs secondaires, Mouscron fait venir une trentaine de joueurs par saison, pour autant de départs. « Certains sont venus, le coach ne savait même pas leur nom » relate une source à l’intérieur du club » Romain Molina dans son ouvrage « Mano Negra » à propos des transferts à Mouscron

À l’époque, des joueurs effectuent quelques apparitions avant d’être immédiatement revendus notamment à l’Apollon Limassol, autre plateforme privilégiée par Pini Zahavi. Habile, l’agent derrière le transfert de Neymar au PSG, revends ses parts à Latimer International Ltd détenue par… Adar Zahavi son neveu !

« Il a jeté de la poudre aux yeux clairement […] Il avait dit : « on va ramener des joueurs asiatiques, des grands talents… ». On a jamais vu de talents asiatiques à Mouscron… »Sébastien Huzler, journaliste sportif couvrant Mouscron pour Le Soir à propos de Pairoj Piempongsant, le propriétaire thaïlandais du club

En 2018, Pairoj Piempongsant (proche de Pini Zahavi) rachète les parts de Latimer et devient actionnaire majoritaire de Mouscron à hauteur de 90%, les 10% restants sont alors détenus par un actionnaire local. Le Thaïlandais n’est pas étranger au monde du foot, lui qui a sponsorisé Chelsea et également la coupe de la Ligue avec sa boisson énergisante : Carabao. Il se déclare ambitieux mais la réalité sera en décalage. Sébastien Huzler, journaliste sportif qui suit le club pour Le Soir et Sudpresse explique : « Il a jeté de la poudre aux yeux clairement […] Il avait dit : « on va ramener des joueurs asiatiques, des grands talents… », on a jamais vu de talents asiatiques à Mouscron… ».

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Nous sommes alors en mars 2018 et tout s’accélère : en avril, le club de Malines dépose une plainte contre Mouscron accusé d’être « aux mains des agents ». En septembre, la justice belge ordonne des perquisitions au club. Les motifs vont de « potentiels faux, usage de faux et escroquerie » à « soupçons de blanchiment d’argent ». Aucune sanction n’est prise suite à ces perquisitions mais le club est clairement dans le collimateur du juge Claeys, chargé de faire le ménage dans le football belge.

Paradoxalement, en parallèle, alors que Mouscron est mis en lumière à l’échelle internationale suite aux Football Leaks, l’équipe fait abstraction de l’extra-sportif.

« Les joueurs ont totalement fait abstraction du contexte extra-sportif, la preuve avec leur neuf derniers matchs en phase classique où l’équipe marchait littéralement sur l’eau. Elle allait gagner à Bruges, à Genk, contre tous les ténors du championnat, elle est restée invaincu ».Sébastien Huzler, journaliste sportif couvrant Mouscron pour Le Soir

L’entraîneur Bern Storck est rassuré par la direction et les supporters ne font pas de chants à l’encontre de la direction, l’unité au sein du club est totale.

En février 2019, cela prend une tournure encore plus dramatique avec la mise sous tutelle du club, placé sous administration provisoire. Le parquet fédéral constate des transactions suspectes, avec des versements sur le compte du club issu de comptes offshore, les juges belges suspecte Pini Zahavi de continuer de financer le club. Le gel des comptes est décrété et la licence du club pour la saison prochaine est remise en cause. Le travail des administrateurs est alors fastidieux « tout ce qui était d’ordre financier devait être étudié, un simple bon de commande devait passer par eux » souffle Sébastien Huzler.

Résultat : rien, les administrateurs mettent ainsi fin à leur mission de façon anticipée.

« Toute la comptabilité de l’Excel a été épluchée et ils n’ont jamais rien trouvé d’interpellant, c’est vrai qu’on soupçonnait des transactions vers des fonds maltais et là non plus on n’a jamais trouvé de traces » Sébastien Huzler, journaliste sportif couvrant Mouscron pour Le Soir

Aujourd’hui, Piempongsant est encore l’actionnaire majoritaire du club et on pourrait soupçonner Zahavi de toujours graviter autour du club. On compte actuellement un seul joueur dans l’effectif géré par l’agent israélien, Fabrice Olinga. Pour Sébastien Huzler, le club a laissé ses soucis judiciaires derrière lui : « Dans l’état actuel des choses je ne pense pas que le club prendrait les risques sachant qu’il y a un juge d’instruction, le juge Claeys, qui est occupé à faire le ménage dans tous les clubs en Belgique, je ne pense pas qu’ils prendront le risque de fonctionner de la sorte ».

Mouscron finit cinquième des play-off deux, voit son coach Bernd Storck quitter le club, malgré une prolongation proposée par le board, et se maintient en Jupiler Pro League à l’issue de la saison. Et puisqu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, la tutelle provisoire est levée en juin 2019 et le club est alors libre de ses mouvements pour le mercato à venir.

Mouscron et la recette allemande

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Séduit par les méthodes de travail de Bernd Storck, qui avait proposé un football offensif où les joueurs mouillaient le maillot, Mouscron garde l’accent germanique. Le 1er juillet, l’ex-technicien éphémère de Hambourg et Wolfsburg, Bernd Hollerbach, débarque au Cannonier. Pour mesurer le pari, il faut rappeler qu’il avait essentiellement entraîné le club de Würzburger Kickers, en troisième division allemande et n’avait pas entraîné d’équipe depuis un an. Pourtant, la recette fonctionne, le technicien qui s’était présenté à la presse belge comme « Bernd Two » est adepte de la même philosophie : discipline et travail.

Avec un stage de pré-saison où les joueurs effectuent des footing à six heures du matin, le ton est donné. Le technicien souhaite des joueurs qui mouillent le maillot et les fans des Hurlus en redemande. « Cela plaît aux supporters ces joueurs combatifs, c’est ce qui fait leur force aussi, un bon mix entre des qualités techniques et cette certaine activité présente sur le terrain » détaille Sébastien Huzler.

Le club doit aussi se renforcer mais doit composer avec des moyens financiers parmi les plus faibles de Belgique avec un budget estimé à huit millions, là où celui de Bruges approche les cent millions ! Mais le club a des idées avec des prêts de joueurs qui font toute la différence depuis le début de la saison. En défense, le club se fait prêter par Stoke City Kevin Wimmer, un joueur acheté, il y a deux saisons, par Tottenham, dix-neuf millions d’euros ! Une bonne pioche qui épaule Diogo Queiros en défense centrale, prêté par Porto et qui lui est capitaine des U21 portugais. Une autre bon coup qui fait figure d’exemple dans la nouvelle politique de prêts.

Dans la même veine au milieu de terrain, on peut citer la sensation Aleix Garcia, milieu relayeur prêté par Manchester City. Très prometteur, celui qui évoluait à Gérone la saison dernière, fait déjà l’unanimité. Utilisé en dix, il a effectué un match abouti ponctué d’un but dans le derby face à Courtrai, où le milieu de vingt-deux ans a été élu homme du match. Séduit par l’accueil des fans des Hurlus, il s’est déjà mis le Cannonier dans la poche.

Un Canonnier également séduit par son coach, Bernd Hollerbach. Rigoureux, exigeant, l’entraîneur allemand s’adapte et a changé trois fois de dispositifs tactiques en sept matchs et ça marche ! Avec quatre victoires, deux nuls, une défaite, le club réalise un début de saison idyllique. Un succès que Sébastien Huzler analyse en ces termes :

« Lui a les armes pour adapter son dispositif, avec un noyau assez large, des profils bien spécifiques que les entraîneurs n’avaient pas forcément les années précédentes […] il a aussi une très bonne gestion du groupe [… ] sa force c’est aussi de pouvoir élever le niveau de ses joueurs ».

Habitué de la lutte pour le maintien, Mouscron fait figure de surprenant troisième et espère prolonger l’état de grâce ce week-end face à Waasland-Beveren. Reste à savoir si ce dernier va perdurer, mais au vu des obstacles passés, ce début de saison en forme de dénouement à un goût de miracle que peuvent savourer les Hurlus.

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