Östersunds FK : de l’éclaircie Potter au retour du grand froid | OneFootball

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·23 mars 2022

Östersunds FK : de l’éclaircie Potter au retour du grand froid

Image de l'article :Östersunds FK : de l’éclaircie Potter au retour du grand froid

Pensionaire de 4ème division suédoise en 2011, puis huitième de finaliste de la Ligue Europa en 2018, Östersunds SK est un club qui a fasciné nombre d’observateurs du football scandinave. Malheureusement, après des problèmes financiers et le départ de leur entraîneur phare, Graham Potter, le club est dans une phase compliquée suite à sa descente en deuxième division. Retour sur l’aventure folle de ce petit club suédois.

Une histoire dans les abysses froides du football suédois

Givrée est la Scandinavie à ce moment de l’année. Froide, au mieux. Avec des températures négatives régulières autour des fêtes de fin d’année, le temps n’est pas toujours très gai. C’est particulièrement plus froid, quand on se rapproche du cercle arctique. Telle est la situation de la petite ville d’Östersund, la capitale de la région de Jämtland, habitée par près de 50 000 personnes. Située à plus de 550 km au Nord de la capitale suédoise Stockholm, Östersund est parfaitement isolée, loin des grandes concentrations de populations, mais peut certainement se targuer d’être l’une des plus grosses villes du Nord du pays. Pourtant, bien que les sports d’hiver fassent fureur depuis des années, le XXIème siècle apporta le football à cette petite ville scandinave. Une histoire féerique qui malheureusement aujourd’hui est bien loin des rayons de lumière apportés par un certain Graham Potter.


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Fondé en 1996 lorsque trois clubs de la ville fusionnent, Östersunds FK a pour objectif de s’installer en deuxième division suédoise après de nombreuses années difficiles pour les clubs régionaux désormais unis en un seul. Le nouveau directeur du football, Daniel Kindberg, arrive dans le projet à l’aube du second millénaire avec des intentions fortes, et une envie d’influence britannique sur le club. Il utilise ses contacts à Swansea, un certain Roberto Martinez et son adjoint Graeme Jones, pour créer un partenariat avec les Swans en 2007. Malheureusement, le club touche le fond en 2010. Ayant démarré au premier niveau professionnel de troisième division, Östersunds n’arrive pas à se maintenir et tombe dans les abysses du football semi-pro suédois, en quatrième division. Il faut changer quelque chose.

Un meneur d’homme pas comme les autres

C’est au moment où Östersunds rame qu’arrive Graham Potter. Connu aujourd’hui pour son succès à Brighton & Hove Albion en Premier League, le coach est inconnu en 2011. Après une courte carrière de joueur qui ne l’emmène guère haut dans les échelons du football anglais, il décide de retourner à l’université, reprend les cours et se trouve un nouveau chemin. Toujours passionné du ballon rond, il veut tout de même explorer d’autres alternatives. Une licence à l’Open University en Sciences Sociales, spécialisée en politique européenne, américaine et asiatique, le pousse vers un master pour le moins original au vu de sa carrière aujourd’hui. Pourtant, le choix est lourd de sens lorsque l’on regarde son approche au football.

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Un grand moment pour le jeune entraîneur lorsque son club se déplace au Royaume-Uni, alors que la presse britannique l’accueil comme un futur grand coach de la nation

Soutenu tout au long de son processus universitaire par la Professional Footballers Association (PFA) britannique, il est placé en tant que directeur du développement du football à l’Université de Hull, puis de l’équipe nationale féminine du Ghana, avant de devenir entraîneur adjoint de l’équipe nationale des universités anglaises. C’est finalement à l’Université de Leeds, où il est également adjoint de l’équipe, qu’il termine son processus éducatif avec un Master en Management et Intelligence émotionnelle. Cela lui permettra dans le futur de parfaitement comprendre les états d’esprit de ses membres de staff et surtout de ses joueurs.

Après toutes ces expériences, Östersunds propose à Potter de prendre un rôle d’entraîneur principal. Placé en D4 suédoise lors de l’arrivée de Potter en 2011, le club veut innover et propose donc le challenge audacieux au tacticien anglais de ramener l’équipe en Ligue des Champions au plus vite. Alors que le club n’arrivait pas à accéder à la deuxième division, le pari est certainement osé mais Graham Potter accepte. Direction le froid suédois avec sa femme enceinte, une relocalisation originale mais qui portera ses fruits.

Une approche originale et artistique

Quelle est la situation du club lorsqu’il arrive ? On l’a déjà mentionné, ils sont tout en bas de la pyramide de football suédois, avec un directeur de football ambitieux et un entraîneur inconnu. Cependant, la direction du club qui va mener à leur succès dans les années à venir existe quelque peu déjà en 2011. Grâce à ses contacts en Angleterre, Kindberg trouve des joueurs au Royaume-Uni qui ont besoin d’être relancés et qui peuvent se laisser tenter par ce genre de projet. Pour le succès de celui-ci, il veut utiliser une approche différente, avec plus de data et des techniques de management différentes. La première option semble très scandinave lorsque l’on voit ce qui a été mis en place à Brentford puis à Midtjylland par Rasmus Ankersen, entre autres. Le management, lui, est dirigé par Potter. Il faut donc mieux recruter, continuer d’exploiter les avenues britanniques pour relancer des joueurs et surtout mieux ‘exploiter’ les talents sur le terrain.

La tactique, c’est une chose. Potter le montrera plus tard avec Brighton, il connaît bien. Bien qu’il n’ait pu instaurer aussi bien ce pressing dantesque à Östersunds, il y avait des prémices de ce jeu offensif et à haute intensité en Suède. Potter a pris du temps à le développer mais cela fait partie des éléments qui ont déstabilisé les adversaires du club, notamment à la fin lorsqu’Östersunds affrontait des grands d’Europe. Car oui, l’histoire fut un succès, on y reviendra. L’important est d’abord de comprendre pourquoi.

Le bien être des joueurs est au centre du projet. Le club est très international, avec de nombreux joueurs anglais certes, mais également des joueurs africains, scandinaves ou d’Europe de l’Est. Graham Potter apprend le suédois avec le temps, mais la langue du club reste avant tout l’anglais et le football plaisir. Pour prendre du plaisir sur le terrain, il faut avant tout être mentalement préparé. Potter le sait, notamment grâce à son master. Il pousse donc ses joueurs à participer à certains exercices pas tout à fait communs.

En fin de saison, les joueurs participent notamment à une soirée de la culture. Ils mettent en scène un spectacle de chant la première année, puis de la danse classique, avant de faire du rap sur scène. Pas n’importe quel rap ; du rap qui permet aux joueurs d’exprimer leurs sentiments et leurs ressentis du moment. Ces soirées permettent aux joueurs de sortir de leurs zones de confort mais surtout de créer une cohésion d’équipe et de développer le bien-être général de l’effectif. Alors oui, les joueurs ont peur de se produire sur scène devant des centaines voire des milliers de supporters réunis pour une grande soirée de gala. Ils voient cependant ce que leur apporte ces soirées sur le terrain.

Le début d’une belle histoire

Le projet démarre bien. Le club enchaîne deux promotions d’affilée à l’échelon supérieur entre 2011 et 2013, se retrouvant en seconde division, le premier objectif lors de la création du club dans les années 90. Cela n’est pas suffisant pour Kindberg, ni pour Potter. Alors, ils continuent de recruter intelligemment, de travailler la tête basse et de progresser au second niveau du championnat suédois. C’est finalement en 2015 que le club monte en première division, avec une première saison prometteuse qui se finit à la 8ème place. Du beau football de possession, disent les observateurs, vraisemblablement impressionnés. Pour Nicolas Chartrain du projet spécialisé Nordisk Football, ce genre de football n’est pas commun. Surtout dans un pays qui prône encore le 4-4-2 très direct et basique que l’on pouvait voir au début du millénaire. Un vent de fraîcheur souffle à Östersund et pour une fois, ce n’est pas simplement un vent de givre, rempli de neige, mais bien un vent d’espoir pour continuer d’aller encore plus haut.

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La petite fanbase du club s’est fait entendre à l’Emirates Stadium en février 2018

La progression continue. Quelques mois après avoir été promu, le club gagne la coupe nationale, qui le qualifie pour les tours préliminaires de la Ligue Europa pour la saison 2017-2018. Un exploit pour un club qui était en quatrième division six ans auparavant. Et pour rendre l’aventure encore plus magique, leur premier adversaire au second tour préliminaire n’est autre que le géant Galatasaray. Un déplacement périlleux en Turquie attend les joueurs, qui finalement se qualifient à l’aide d’une victoire 3-1 après les deux matchs. Ils battent successivement les Luxembourgeois de Fola Esch et les Grecs de PAOK, se qualifiant pour la phase de poules de la compétition.

Ils se retrouvent dans un groupe relevé avec l’Athletic Club, le Hertha Berlin et les Ukrainiens de Zorya Luhansk. Östersunds termine deuxième de sa poule, en étant invaincu à domicile, avec un nul et une victoire contre Bilbao et le Hertha chez eux, et un nul à Berlin. Pas mal pour les Suédois, qui font figure d’un petit poucet qui repousse les assaillants, sans pour autant camper sur leur but. C’est finalement au prochain tour que l’Europe entière les découvre, lorsqu’ils tirent Arsenal en 16ème de finale.

Ayant une forte influence britannique au club, les médias outre-Manche se jettent à l’assaut du froid nordique et raffolent des documentaires sur les techniques originales de Graham Potter. Rapidement, l’histoire du tacticien anglais fait le tour de son pays natal, qui mènera finalement à son retour quelques mois plus tard. Malgré une défaite 3-0 à l’aller contre les Gunners, les joueurs d’Östersunds quittent la compétition la tête haute, suite à une victoire 2-1 à l’Emirates Stadium.

Retour dans l’ombre

Malheureusement, le conte de fée s’arrête quelque peu à cette saison-là. Ayant amené le club en Europe, et entendant les sirènes de l’Angleterre, Graham Potter quitte le navire. Après sept ans au club, il est temps de se laisser tenter par un nouveau challenge et de rentrer au pays avec sa famille. Il laisse une marque indélébile sur le club et inversement, Potter sait que le club lui a permis d’avoir la carrière qu’il a aujourd’hui. Il rejoint d’abord le club partenaire de Swansea à l’été 2018, avant de prendre en charge Brighton en 2019, où il effectue un travail formidable.

C’est le début des problèmes pour le club. Oui, Potter a modulé le club à son image et son départ allait forcément impacter la progression et la continuité du club. Cependant, c’est un autre gros problème auquel fait face Östersunds, et il est financier. Car voilà, Kindberg est un homme d’affaires, il est le PDG d’une compagnie qui gère plusieurs milliers de logements dans la municipalité d’Östersund. Surtout, de nombreux journalistes ont des doutes depuis son arrivée au club sur la provenance de son argent. Pas multimillionnaire, il arrive cependant à investir de grosses sommes pour faire venir des joueurs, payer une grande équipe de staff et ne semble que très peu soucieux des petites recettes engendrées par la billetterie. C’est un petit stade, il fait très froid pendant une bonne partie de la saison, et malgré un groupe d’ultras très motivé, c’est n’est clairement pas les recettes de l’Emirates Stadium.

A l’aube de la pandémie, la vérité sur Kindberg éclate au grand jour. Il utilise les fonds publics investis dans sa compagnie immobilière pour les remettre dans le club. Détournements de fonds, corruption, tout y passe. La police, elle aussi, fait un petit passage au club. Après avoir été poussé par l’émission Uppdrag granskning, spécialisée dans le journalisme d’investigation, la police l’arrête et il est jugé coupable, menant à trois ans fermes de prison et cinq ans d’arrêt d’activité professionnelle. Jugé en 2019, il a fait appel plusieurs fois et n’est pas près d’en avoir fini avec la prison. Avec lui, l’argent du club disparaît, mais s’ajoute également une grosse dette. Liées avant tout à la pandémie, les dettes de Kindberg sont toujours liées au club, qui ne s’en sort plus.

L’effectif change radicalement. Jamais capable de s’appuyer sur une académie, étant donné que le football n’est pas un sport local, le club dépend aujourd’hui de nombreux joueurs suédois venus d’autres académies du reste du pays. Les sonorités internationales du Ghana, de l’Iran, ou même de l’Angleterre ne sont plus là. Le staff et une majorité de l’effectif est d’origine suédoise. Exit les Ghoddos (Brentford), Ken Sema (Watford), Ravel Morrison (Derby County) et l’ancien capitaine Brwa Nouri (Bali United). Bien que le binational Guinéo-suédois Aly Keita continue de garder les cages du club, les grands joueurs qui ont marqué le club lors des années Potter sont partis. Que ce soit le manque de liquidités du club ou le manque d’ambition qui s’ensuit, personne ne sait les raisons exactes de chaque départ. Sûrement un peu des deux.

Avec les ventes des joueurs, on aurait pu penser que le club irait mieux. Malheureusement, l’argent récupéré sur les transferts ne suffisent pas et le club est obligé de faire un appel aux dons pour éviter d’être dissous. Graham Potter fait partie des donateurs, en plus des nombreux supporters. Seule la moitié des 20 millions de couronnes suédoises (1,8 millions d’euros environ) ont été récoltés, mais ils suffisent pour que la ligue suédoise laisse le club continuer à jouer. A la fin de 2019, il termine12ème du classement à deux points de la relégation, puis 13ème la saison suivante. Le club est finalement relégué il y a quelques mois à la fin d’une saison 2021 désastreuse, qui voit Östersunds finir bon dernier avec 14 points en 30 matchs.

Une suite encore plus sombre

Depuis le départ de Potter, les entraîneurs se succèdent et le club ne ressemble clairement plus à celui qui était aimé de par son histoire originale et unique dans le football moderne. Aujourd’hui, il est plus proche d’être haï, tellement l’image de Kindberg est reflétée sur le club : une image de tricheurs de par les investissements peu règlementaires. Le club a tenté l’aventure avec un entraîneur plus local, Amir Azrafshan, mais les problèmes hors du terrain étaient tels qu’il était difficile de créer une bonne dynamique. Cela s’ajoute à un réel manque de cohésion de l’effectif, qui est rempli de jeunes joueurs qui manquent d’expérience à ce niveau et qui n’ont pas su maintenir le club.

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Loin sont les jours où Brwa Nouri était capitaine du club, et encore plus ceux d’Özil sur la pelouse du club suédois

Aujourd’hui, un ancien attaquant suédois des années 90, Magnus Powell, est venu prêter main forte et tenter de relancer le club qui repart de proche de zéro en deuxième division. Suite à l’arrestation de Kindberg, l’investisseur Mathias Rasteby est arrivé pour reprendre le club. Il amène avec lui une nouvelle équipe de dirigeants, des finances plus saines et une mentalité plus stable. Pour Nicolas Chartrain, l’objectif est plutôt de consolider le club en deuxième division, garder un effectif stable, retrouver des finances plus saines pour repartir de l’avant et pourquoi pas remonter un jour en première division. « Les nouveaux dirigeants ont l’air clean et motivés pour faire repartir le club (…) s’ils ont pu rester en deuxième division c’est que le trou financier n’est pas énorme, c’est plutôt positif », ajoute-il.

Le club reste familial, les jeunes du coin se passionnent pour le football et il se pourrait que d’ici quelques années, l’académie ouvre à nouveau pour les accueillir. Nombreux sont ceux qui étaient au stade pour voir Östersunds jouer en Europe. Nombreux sont ceux qui ont eu des étoiles plein les yeux lorsque Özil et consorts venaient en Suède. Nombreux, Östersunds l’espère, seront ceux qui voudront rejoindre l’aventure du club dans un futur proche pour, pourquoi pas, ressentir le vent de fraîcheur souffler à nouveau à Östersund.

Crédits photos : Getty Images

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