Le Corner
·28 mars 2020
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·28 mars 2020
On dit souvent qu’il faut être fou pour devenir gardien de but. Le plus fou d’entre eux se nomme certainement Oliver Kahn. Légende du football allemand, il aura inspiré la terreur à tous ses opposants, de la fin des années 80 jusqu’en 2008. Entre parades décisives, coups de sang et boulette mémorable, le Titan n’a laissé personne indifférent durant l’ensemble de sa carrière.
Suivant les traces de son père, Oliver Kahn effectue toute sa formation au sein du Karlsruher SC. C’est le 27 novembre 1987 qu’il est appelé pour la première fois à jouer en équipe première. Le titulaire habituel, Alexander Famulla, est suspendu et Karlsruher affronte Cologne, deuxième de Bundesliga. Oliver Kahn va vivre un sacré baptême du feu : une défaite et quatre buts encaissés. Le week-end suivant ne sera pas plus glorieux, avec une défaite 2-0 contre le Werder Brême. Quand Famulla revient, Kahn retourne garder les cages de l’équipe B. Il attendra trois ans pour goûter à nouveau aux joies de la première division. À la mi-temps d’un match catastrophique, l’entraîneur Winfried Schäfer remplace son gardien titulaire par Oliver Kahn. Il restera titulaire dans son club de cœur jusqu’à son départ en 1994.
Lors de la saison 1993-1994, “Oli” connaît sa première épopée européenne. Son équipe accède jusqu’aux demi-finales de la Coupe UEFA, tombant face au Casino Salzbourg, aujourd’hui club du groupe Red Bull. En dix matchs, Oliver Kahn gardera ses cages inviolées cinq fois, et sa formation disposera d’équipes prestigieuses comme Bordeaux ou bien Valence, qu’il retrouvera plus tard. Élu meilleur gardien du championnat allemand, il n’échappe pas au radar du Bayern Munich et rejoint le club bavarois contre 2,7 millions d’euros, un record pour un gardien.
C’est en 1996, avec les Bavarois du Bayern, qu’il remporte son premier trophée. Son équipe se hisse jusqu’en finale de la Coupe UEFA pour y affronter les Girondins de Bordeaux, qui sont passés par la Coupe Intertoto pour en arriver là. Score final 5-1 au terme de la double confrontation et Oliver Kahn peut soulever le premier trophée d’une longue liste. Au fil de sa carrière en Bavière, terminée en 2008, il a remporté huit Championnats d’Allemagne, douze coupes, si on additionne la Coupe d’Allemagne avec la Coupe de la Ligue, et enfin une Ligue des Champions, compétition qui lui aura donné du fil à retordre.
Tout le monde se souvient de la fameuse finale de Ligue des Champions 1999 opposant les hommes de Sir Alex Ferguson à ceux d’Ottmar Hitzfeld à Barcelone. Ce match est un traumatisme pour tous les supporters munichois. Alors que leur équipe mène 1-0 depuis la sixième minute, ils n’arrivent pas à aggraver la marque malgré de nombreuses occasions franches. De son côté, Oliver Kahn parvient à garder ses cages vierges en effectuant plusieurs parades déterminantes. Ce sont finalement les deux super-subs les plus connus au monde qui vont changer l’issue du match en faveur de Manchester United. Teddy Sheringham dévie une frappe de Ryan Giggs pour égaliser à la 91e minute. Tout le monde se prépare alors à vivre des prolongations, mais c’était sans compter sur Ole Gunnar Solskjaer, qui inscrit le but victorieux sur corner à la 93e minute.Oliver Kahn reste au sol, comme certains de ses coéquipiers, sonné par le but qu’il vient d’encaisser.
Quand son équipe dispute une nouvelle finale de Ligue des Champions, il ne peut pas la perdre, lui qui haït la défaite comme personne. Auteur d’une bonne prestation deux ans auparavant, il ne peut pas se contenter d’être bon, il doit être impérial. Et il le sera, les valenciens, adversaires du jour, peuvent en témoigner.
Cette rencontre sera une histoire de pénaltys. Trois seront tirés pendant le temps réglementaire. Mendieta inscrit le sien pour le club ché, et Effenberg lui répond pour égaliser à la 50e minute. Cependant, Mehmet Scholl, joueur du Bayern, a loupé le sien en première période. Un partout donc, et direction les tirs aux buts pour les 22 acteurs. C’est ce moment précis qu’a choisi le Titan pour briller. Titan oui, car du haut de son mètre 88 et avec son regard menaçant, il inspire la peur chez les tireurs adverses. De manière somptueuse, il effectue trois arrêts décisifs pour permettre à son équipe de remporter la compétition. Le plus impressionnant est effectué face à Amedeo Carboni. Alors que Kahn plonge sur la droite, l’italien tire pleine axe. D’un réflexe fantastique, le gardien allemand dévie le ballon sur sa barre et stoppe la tentative. En guise de célébration, il attrape le cuir à deux mains et hurle dessus, tel un obsédé. Naturellement, Oliver Kahn est élu homme du match, et montera même sur le podium du Ballon d’Or 2001.
L’histoire d’amour entre Oliver Kahn et la Nationalmannschaft est remplie de succès et de désillusions. En tout, il disputera 86 match pour son pays, dont 49 en tant que capitaine. Pourtant, il remportera son seul trophée international en tant que remplaçant. En 1996, c’est Andreas Köpke qui garde les cages germaniques, avec succès puisqu’il sera désigné meilleur gardien au monde de cette même année. Oliver Kahn doit attendre la retraite de ce dernier après la Coupe du Monde 1998 pour enfin endosser le rôle de numéro un.
Lors du Mondial 2002, il atteindra le sommet de son art. Son pays se qualifie pour la finale, ne concédant qu’un seul but en six rencontres. En quart de finale, il qualifie l’Allemagne à lui tout seul en écœurant les attaquants américains. Oliver Kahn hérite alors d’un surnom lors de cette compétition, le Volcan, Vol-Kahn-O en allemand. Mais pour lui, l’histoire est tragique et il va faillir lors de la dernière étape. Face à un Brésil constitué de stars planétaires, et surtout un Ronaldo qui a une revanche à prendre sur la compétition après sa finale manquée de 98, Oliver Kahn va commettre une erreur. Impérial en première mi-temps, le gardien allemand relâche maladroitement une frappe sans danger lors de la seconde, en plein dans la course d’O Fenomeno qui peut ouvrir la marque. Quelques minutes plus tard, Ronaldo récidive et enterre les espoirs de la Mannschaft. “Ce fut ma seule erreur en sept matchs” dira-t-il après le match, soulignant l’ingratitude du poste de gardien de but. Oliver Kahn recevra tout de même le trophée de meilleur joueur de la compétition en guise de maigre consolation et reste à ce jour le seul gardien à avoir gagné ce trophée.
La Coupe du Monde 2006 se déroule en Allemagne et Kahn a une revanche à prendre. Cependant, un certain Jens Lehmann impressionne depuis quelques années, au point de sérieusement concurrencer le Titan. Cette rivalité entre les deux portiers tient en haleine l’Allemagne depuis deux ans déjà, et Jürgen Klinsmann, le sélectionneur, doit faire son choix. Finalement, il opte pour Jens Lehmann et Oliver Kahn est résigné à s’asseoir sur le banc. Choix qu’il “ne comprendra jamais”. Selon lui, l’Allemagne aurait été championne du monde s’il avait été titulaire. D’ailleurs, il a une théorie bien particulière.
“En 1996 j’ai été éliminé de la Coupe UEFA avec Karlsruhe, et deux ans après je l’ai gagné avec le Bayern. En 1999 j’ai perdu la finale de Champion’s League de la pire des façons possibles, puis je l’ai gagné deux ans plus tard. Malheureusement j’ai joué et perdu la finale de la Coupe du Monde 2002. Je crois que cette logique, ou ce phénomène aurait continué à la Coupe du Monde 2006.”
Au bout du compte, l’Allemagne sera éliminé par la Squadra Azzurra, future vainqueur, et Oliver Kahn tirera sa révérence internationale, à domicile, par une victoire contre le Portugal lors de la petite finale.
Le Volcan, un surnom étrange pour un joueur de football. Quand on connaît le tempérament bouillonnant d’Oliver Kahn, il prend tout son sens. Imprévisible, capable de coups de folie, et de coups de sang, contre ses adversaires mais aussi ses défenseurs, Kahn s’est forgé au fil du temps une réputation de fou. Mehmet Scholl, ex-coéquipier du portier à Karlsruhe et au Bayern a un jour dit “je ne crains que deux choses dans la vie, la guerre et Oliver Kahn”. Il valait mieux pour la charnière centrale ne pas faire d’erreurs.
Lors de la saison 2000-2001, le Bayern est mené sur la pelouse du Hansa Rostock. Dans les ultimes secondes du match, les munichois obtiennent un corner et leur portier monte dans la surface adverse pour égaliser. D’un geste parfait, mais non autorisé, Oliver Kahn va pousser le ballon au fond des filets des deux poings. Evidemment l’arbitre le voit et lui assène un carton rouge. En zone mixte après la rencontre, le principal intéressé déclare hilare qu’il “pensait que le gardien pouvait utiliser ses mains dans la surface de réparation.”
Geste de Kung-fu sur un adversaire, morsure sur un autre, provocation envers les attaquants qui osent aller au duel sur lui, nombreux sont les adversaires qui ont eu affaire à la folie du Titan. Lui qui refuse la défaite comme personne ne laisse aucune place aux sentiments. Lors d’un événement de charité en 2009, des enfants ont la chance de tirer des pénaltys face à Oliver Kahn, désormais retraité. S’ils marquent, la cagnotte augmente pour une association. Résultat ? Oliver Kahn a stoppé toutes les tentatives. Pas de place pour la défaite.
Gardien à la force de caractère impressionnante, parfois trop virulent, Oliver Kahn savait se faire respecter dans sa surface de réparation. Auteur de prestations légendaires, décisif pour ses équipes et sa sélection, un échec reste cependant gravé dans la mémoire collective. Sa bourde réalisée en finale de Coupe du Monde reste pour lui un moment très douloureux, et c’est sans aucun doute une cicatrice qui ne se refermera jamais après son éviction des cages allemandes en 2006. En janvier dernier, il a intégré la direction de son club de (presque) toujours, le Bayern Munich. Programmé pour prendre la suite de Karl-Heinz Rummenigge à la tête du club, il assure qu’il “ne taclera pas dans la salle de réunion”. Le Volcan est peut être enfin endormi.
Crédits photo : Iconsport
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