Furia Liga
·22 juin 2019
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Juan Arango n’est pas le footballeur le plus connu pour le spectateur lambda. Pourtant ce gaucher vénézuélien est une idole au pays et très probablement l’un des joueurs les plus talentueux de son histoire. Malgré n’avoir jamais joué dans un grand club européen, l’offensif à la patte de velours a laissé un souvenir impérissable à Mallorca et au Borrussia Mönchengladbach. Retour sur l’arrivée de cette légende dans les valises de Benito Floro à Mallorca et sur sa carrière européenne tout bonnement fantastique avec en filigrane, la Copa America.
La première fois qu’il pose les pieds en Europe, à Palma de Mallorca, Juan Arango est un inconnu en Europe. En 2004 il était déjà difficile de s’informer convenablement sur le football européen. Alors pour le mexicain et le vénézuélien, c’était pire… Pourtant dans le monde du football, Juan n’est pas un inconnu, loin de là.
Ce fils d’immigrés colombiens n’a pas eu des débuts faciles. C’est même sa mère qu’il le pousse à persévérer dans le foot malgré son blocage lorsqu’il rentre sur un terrain étant jeune. Cet amour maternel lui permet de débuter avec les seniors en 1996, à 16 ans à Nuevo Castilla, un club relativement jeune. Deux ans plus tard, sous les ordres de José Farias qui va devenir le Mourinho Vénézuélien en Europe, Arango découvre la D1 locale toujours sous le même maillot. Rapidement tout va s’emballer pour ce gaucher élégant.
En 2000, la carrière de Juan Arango est à son premier tournant. La gaucher a quitté son club formateur, a signé à Zulia puis à Caracas et a fait ses débuts en sélection nationale. Dans un pays qui n’est pas encore vraiment réputé pour son football, l’offensif se fait une place et devient même courtisé à l’étranger. Arrivée en 99 sur le banc de Monterey, la légende Benito Floro va être déterminante pour l’évolution de Juan Arango. Après avoir visionné une cassette sur le joueur, l’ancien du Real approuve son recrutement. Le natif de Maracay plie bagage et s’envole pour le Mexique.
Au début, il est envoyé avec l’équipe réserve du géant mexicain pour s’habituer au football local. L’intégration est rapide, Juan est déjà au-dessus du lot et surtout, son pied gauche fait des ravages. Que ce soit en tant que milieu offensif ou second attaquant, l’ancien de Caracas fait tout correctement. Il semble lent et même nonchalant par moment, mais Arango est toujours bien placé et fait constamment le geste juste. Sa première saison est réussie mais le départ en 2001 de Benito le pousse à quitter le club. Juan continue toutefois de régaler le Mexique, d’abord à Pachuca où il soulève en 2002 la LDC d’Amérique du nord, puis à Puebla.
En 2004 après deux ans à Villarreal, papi Benito est nommé à la tête de Mallorca. Le club sort d’une qualification pour la LdC en 2002 et d’une Copa del Rey en 2003. Des joueurs comme Eto’o viennent de partir et le club rêve de se stabiliser en haut de l’affiche. Le nom de Juan Arango gravite déjà autour de l’entité groguets, son agent faisant tout pour placer le joueur en Europe. Au départ, les insulaires ne bougent pas. Sauf qu’après l’agent d’Arango, c’est au tour de l’entraîneur de faire du zèle. Son petit protégé, il le veut à tout prix sous ses ordres. La direction de Mallorca cède. Juan fait le grand saut. Après avoir conquis le Venezuela et le Mexique, le voici à l’assaut de l’Espagne.
Benito Floro est un personnage très important dans la carrière d’Arango. L’homme qui a remporté une Copa avec le Real et surtout lutté avec la Dream Team de Cruyff est une sommité du football. Quand il vous prend sous son aile, vous progressez presque automatiquement. C’est ce qui va se passer pour le Vénézuélien, qui va maximiser son potentiel en confirmant son excellent niveau aperçu outre-mer. Les mots de l’ancien du Real sur Juan sont souvent élogieux. Pour plusieurs médias sudaméricains, il a évoqué le style d’Arango : « Il a une vitesse physique, un excellent jeu de tête, un pied gauche prodigieux, un changement d’aile dangereux, un tir puissant et placé. Il est très complet. » L’entraîneur rajoute également un compliment magnifique pour tout joueur offensif : « il est comme Kempes, il ralentit le temps ».
Lors de la saison 2004-2005, pour sa première sur le vieux continent, le gaucher est titulaire d’entrée face au Real. Avec son maillot floqué du numéro 11, Juan joue 90 minutes. Il ne peut éviter la défaite de son équipe. Les débuts de l’entraîneur sont compliqués et après huit journées, il est mis dehors par Mallorca. Son bilan est exécrable et une autre sommité est appelé pour prendre la suite : Hector Cuper. Son mentor parti, la continuité de Juan Arango aurait pu être mise à mal. Sauf que Cuper connaît aussi bien le football que Benito Floro. Comme pour son prédécesseur, il est frappé par le talent du gaucher. Alors qu’il enchaîne les performances et est souvent décisif en plus d’être un titulaire indiscutable, la carrière d’Arango va pourtant être mise en suspens quelques temps.
Le 20 mars, alors que son équipe affronté Seville, Javi Navarro assène un violent coup de coude à Special Juan. Il tombe au sol, inanimé. Il perd même connaissance et est transporté en urgence à l’hôpital de Mallorque. On parle d’arrêt cardiaque dans l’ambulance et un tourbillon médiatique enroule cette affaire. Le joueur de Séville devient l’ennemi publique numéro 1 en Espagne et le cas Arango inquiète. Quelques heures après son admission à l’hôpital, les nouvelles sont rassurantes. Arango sort quelques jours après mais doit observer un peu de repos. Il retrouve tout de même le chemin des terrains peu avant la clôture du championnat et marque face à l’Espanyol. Il termine la saison comme il l’a commencée : en étant titulaire. Pour sa première en Europe, en plus de passer proche de la mort, Juan a régalé, marqué de très jolis buts et surtout pris part à près de 30 matchs de championnat. Son idylle avec Mallorca est lancée.
En 2005, Juan Arango a 25 ans, il est un membre important de sa sélection et un titulaire indiscutable en Liga. Son nom commence à être connu en Europe mais il est déjà une star au pays. Il a déjà pris part à 3 Copa America sans réussir à passer les phases de poule. Le niveau de sélection est médiocre et tarde à s’améliorer. Cependant, avoir un joueur de la trempe d’Arango qui a pris le temps de se post-former au pays puis au Mexique avant de tenter le grand saut en Europe, permet d’espérer un avenir doré pour la sélection. Cette fameuse année marque aussi le changement de numéro pour la gaucher. Fini le 11, bonjour le 18 qui le suivra jusqu’à sa retraite.
Toujours sous les ordre de Cuper qui a mené Mallorca à une décevante 17e place la saison dernière, Arango va encore régaler en 2005-2006. La Liga voit se confirmer le talent du Vénézuélien, capable de marquer des buts sensationnels avec une facilite déconcertante. Arango n’est pas vraiment un 9, ni un 10, il est joueur qui sent les coups et fait les différences que ça soit par la frappe, la passe ou le dribble. Son côté froid et assez fermé donne une image particulière de lui. Au début, ce côté quelque peu taiseux a mis une barrière avec l’afición des rouge et noire, qui est cependant rapidement tombée amoureuse tant Arango respire le football. Lors de sa deuxième saison en Espagne, Mallorca finit 13e et notre protagoniste passe la barre de 10 buts en championnat avec ses 11 unités en plus de ses quatre passes décisives.
En 2006, le retour de Gregorio Manzano doit permettre le retour au premier plan de Mallorca qui ne dépasse plus le milieu de tableau depuis trop longtemps. Encore une fois, ce changement d’entraîneur ne remet pas en question l’importance d’Arango dans le jeu, toujours aussi déterminant et influent pour son équipe. Cependant son nouveau coach le bouge bien plus et lui demande de mettre plus d’intensité dans le jeu. Même s’il sait faire, Arango n’aime pas vraiment défendre. Le club finit encore à une décevante 12e place. Arango n’a pas encore goûté aux hauteurs du classement avec son club mais a encore fait trembler les filets neuf fois, en plus de cinq offrandes à son crédit. L’été 2007 va être déterminant pour le Vénézuélien que ça soit en club et en sélection. L’arrivée de Dani Güiza sur l’île et la nomination d’un des premiers coachs de l’ouragan des caraïbes à la tête du Venezuela va lui permettre de franchir encore des paliers pour se rapprocher du sublime.
Lors de cette saison 2007-2008, le niveau magnifique d’Arango va encore monter d’un cran. Tout commence bien. En juillet, le Venezuela dispute la Copa America à la maison. Cesar Farias a un parcours particulier et est légèrement plus vieux d’Arango. Jeune, c’est lui qui a poussé pour le faire signer à Nuevo Cadix, le premier club du gaucher alors en D3. Le coach a même hébergé Arango, mineur lors de ce transfert. L’alchimie entre les deux est réelle même si celui qu’on surnomme le Mourinho vénézuélien n’hésite pas à rentrer dans le lard de son joueur vedette. Pour cette Copa America 2007, la Vinotinto se qualifie pour la première fois de son histoire pour les quarts de finale. Le match se solde par une défaite mais reste un formidable pas en avant pour cette sélection.
En club, la signature de Güiza va permettre à Arango d’avoir un partenaire tout aussi performant que lui. Avec un formidable buteur à ses côtés et un super coach, le Caracassien va toucher au sublime de nombreuses fois. En plus de ça, sa patte gauche va devenir létale sur coup franc au point d’avoir l’un des meilleurs taux de conversion dans l’exercice durant un moment. Avec Dani, l’alchimie prend aussi sur le coup. Buteur hors pairs malgré un parcours compliqué, Güza va finir la saison avec 27 buts en championnat, une marque qui lui vaudra le trophée pichichi. De son côté, Arango augmente ses stats’ : 12 buts et huit passes. Emmené par son duo, Mallorca termine septième en Liga.
A l’été 2008, Güiza quitte le club un an après l’avoir rejoint, pour signer au Fenerbahce. Malgré des golazos en pagaille et des performances de haut vol, Arango n’est pas vraiment courtisé par un club du gratin européen et reste donc encore et toujours à Mallorca. Lors de cette saison 2008-2009, la dernière du gaucher en Espagne, il est nommé capitaine de Mallorca. Il finit la saison avec 8 buts et quitte l’île et l’Espagne comme une idole. L’afición de Mallorca sourit encore béatement quand on évoque le nom d’Arango dans les travées de San Moix. On s’attend à une signature chez un club important, sauf que la destination de l’ouragan va surprendre.
En 2009 après cinq saisons magnifiques en Espagne, c’est l’Allemagne qui s’offre à Arango. Le Borrussia Mönchengladbach, englué dans les bas fond du classement et nostalgique de ses années glorieuses s’offre le génial vénézuélien. Les deux premières années du gaucher en Bundesliga sont timides. Son club se classe 12e lors de la première saison puis se sauve en barrage lors de la deuxième. De son côté, Arango joue régulière et régale encore avec sa patte gauche même si les filets tremblent moins. Dans le privé, l’adaptation dans ce nouveau pays est compliquée pour la famille Arango. La barrière de la langue et le football bien plus exigeant tactiquement ne magnifient pas encore le talent de l’offensif. Son passage en Allemagne va pourtant lui permettre d’avoir un rôle de mentor avec ses coéquipiers en équipe nationale. Nouveau capitaine, il va multiplier les déplacements sur son temps libre pour aller voir jouer ses partenaires en sélection, notamment Tomás Rincón.
L’été 2011 va de nouveau être charnière pour l’attaquant. Comme en 2008, tout commence avec une Copa America. Cette fois, la compétition est organisée en Argentine. La Vinotinto, toujours entraînée par Cesar Farias est en nets progrès. Après avoir terminé deuxième du groupe B, les coéquipiers d’Arango vont disposer du Chili en quart. Après une performance historique, le Venezuela tombera lors du tour suivant face au Paraguay, aux tirs au buts. L’exploit constitue encore aujourd’hui la meilleure performance du pays dans la compétition continentale.
En club, la nomination de Lucien Favre va totalement changer l’histoire d’Arango en Bundesliga. L’entraîneur suisse vient au secours des poulains et a pour ambition de les remettre sur le devant de la scène. Avec un groupe rempli de talents, avec notamment Marco Reus, la prise de fonction du Suisse est tout de suite couronnée de succès. Pour sa première saison à la tête d’un club qui a joué un barrage de relégation la saison précédente, il le qualifie en LDC. Dans le jeu, Arango rayonne de nouveau et inspire de plus en plus Marco Reus. L’Allemand a confié il y’a quelques temps que le Vénézuélien a été l’un de ses modèles. Lucien Favre tombe aussi amoureux de Juan. Par des mots simples, il a matérialisé son admiration pour son milieu magnifique : « il est l’un des meilleurs joueurs gauchers que j’aie vus de ma vie ». Favre poursuit : « sans lui, cela aurait toujours été difficile pour nous. Il ne marque pas de buts, il marque des golazos. »
Après cette formidable saison 2011-2012, Arango va encore rester deux saisons en Allemagne. Aux côtés de Dante, Ter Stegen et Reus, les résultats seront encore là. Le club va même se qualifier en Ligue Europa en 2014. Cependant, le gaucher ne la disputera pas. Le natif Maracay quitte l’Allemagne et l’Europe. Arango n’est pas fini mais n’aura jamais joué dans un club majeur du vieux continent. Un fait un peu ubuesque tant le joueur semblait facile et capable d’évoluer à un très haut niveau. De retour au Mexique de 2014 à 2015, Juan va disputer sa dernière compétition continentale avec sa sélection. Une Copa America sans panache au Chili où le Venezuela est sorti dès les poules.
Quelques mois après cette Copa, en marge d’un match amical face au Panama où Juan n’aura joué que 15 minutes, il prend sa retraite internationale. Cette annonce est assez surprenante mais colle avec le bonhomme, qui n’a pas voulu attendre le match de trop. Pendant longtemps, il a été le meilleur buteur du Venezuela et vient tout juste d’être dépassé par Salomón Rondón. Il reste à Arango le record de sélections avec 132 caps et 25 buts. Le gaucher a disputé en tout et pour tout six Copa America et par deux fois, il a mené sa sélection a son meilleur résultat. Arango a réussi de nombreuses choses pour le football de son pays mais il lui manque toujours une participation pour la Coupe du Monde.
Il est certain qu’il y a eu un avant et après Juan Arango pour le football vénézuélien. Le pays reste particulier et son football toujours un peu en retrait sur le continent. Cependant dans un pays où le baseball est le sport national il a permis de médiatiser et surtout de montrer à tout un peuple qu’il pouvait performer en Copa America et en Europe. En 2016, un documentaire a même été réalisé sur sa vie. Après une belle pige au New York Cosmos, Arango a bouclé la boucle en finissant sa carrière au Zulia FC. Dans son sillage, de nombreux jeunes ont explosé et ont fait le grand saut vers l’Europe. Rondon, passé par l’Espagne est le plus connu. Dans les liste des 23 qui à disputer la Copa America 2019 au Brésil, ils sont cinq à se débrouiller actuellement en Espagne. Sans en avoir le costume, Arango reste un formidable ambassadeur pour cette génération qui doit composer avec un pays où tout est politique.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13