God Save The Foot
·30 avril 2020
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·30 avril 2020
Zoumana Bakayogo est l’un des joueurs francophones avec la plus grande expérience de la Football League et de la Vanarama National League. Formé au Paris Saint-Germain, le natif de Torcy, âgé de 33 ans, a connu les galères, les graves blessures et les moments de doute. Une carrière cabossée qu’il retrace avec sagesse.
J’ai commencé le foot grâce à la Coupe du monde 1994 qui se disputait aux États-Unis. J’avais huit ans à l’époque. Je la regardais avec mon père et mon grand-père. Après cette Coupe du monde, le ballon de foot était toujours collé à mes pieds. On a alors dit à mon père de m’inscrire à Torcy et c’est ce qu’il a fait. Je jouais au foot avant tout pour le plaisir avec mes potes. J’ai intégré Torcy en débutant et j’y ai joué jusqu’en 15 ans excellence. Mon entraîneur à l’époque était M.Bury. Ensuite, j’ai rejoint le PSG.
J’ai dû m’habituer au jeu du PSG et à la philosophie du club
J’avais vraiment le trac d’aller là-bas. C’était un nouvel environnement pour moi. C’était la première fois que je quittais ma famille pour habiter tout seul à 15 ans. Mes débuts ? Je ne dirais pas qu’ils étaient difficiles car je me suis bien acclimaté à l’ambiance du club. Par contre, c’est surtout la manière de concevoir football qui changeait. Je n’avais joué à un véritable poste avant de venir au PSG, je n’avais jamais appris à jouer en zone non plus. À Torcy, on jouait à quatre défenseurs. J’ai dû m’habituer au jeu du PSG et à la philosophie du club. C’était une grosse fierté pour moi, pour ma famille, pour la ville de Torcy puisque je crois qu’à l’époque, j’étais simplement le deuxième joueur originaire de Torcy à aller au PSG après Mourad Meghni.
En 2006, je quitte le PSG car le club ne renouvelle pas mon contrat après cinq années passées au club. Ce fut un moment difficile à encaisser. Je tenais à signer pro, comme tous les joueurs du club car à partir du moment où tu joues avec la réserve et que tu t’entraînes avec les pros, tu te dis qu’il ne te reste plus beaucoup d’étapes à franchir pour atteindre ce rêve. Malheureusement, ils ne m’ont pas donné l’opportunité de passer pro chez eux. À l’époque, l’étranger n’était pas du tout une option pour moi. Je n’y pensais même pas. Je visais au moins un club de Ligue 2. j’ai donc fait des essais à Amiens et à Tours qui ne se sont pas avérés concluants. À l’issue de ces deux essais, je me suis souvenu qu’un agent m’avait approché lorsque j’étais au PSG. Il m’avait parlé de plusieurs clubs anglais. Je lui avais signifié que je n’étais pas très chaud pour me rendre là-bas. Finalement, c’est mon père qui m’avait poussé à le rappeler.
Je recontacte l’agent et il me trouve des essais. Il m’a d’abord envoyé à Brighton. Cet essai a été concluant à la suite d’un match que j’ai fait avec eux. Mais mon agent me voyait dans un meilleur club. Brighton évoluait seulement en League One à l’époque et non en Premier League comme aujourd’hui. Il m’a dit ensuite d’aller faire un essai à Millwall en Championship. J’y suis resté quelques jours et à l’issue de cet essai, j’ai signé mon contrat.
Les premiers mois en Angleterre ont été très difficiles. J’étais livré à moi-même. Je n’avais que 19 ans. Il fallait que je m’habitue à la vie anglaise, que je parle la langue, au style de jeu aussi qui, à l’époque, n’était pas mon style de jeu à proprement parler. Au PSG, j’étais habitué à pratiquer du beau football, à garder le ballon. Quand je suis arrivé à Millwall, j’ai découvert le fameux style anglais. On devait balancer le ballon devant et très souvent, l’attaquant était à la retombée. Je ne pouvais pas totalement m’exprimer (sourire). Mais heureusement, il y avait un autre français avec moi à ce moment-là, Samy-Oyame Mawene. On a signé en même temps d’ailleurs. Il m’a bien intégré avec le groupe parce qu’il parlait bien anglais. Au fur et à mesure, j’ai commencé à aimer ce football et notamment la ferveur des supporters. C’est ce qui m’a poussé à rester car je voulais rentrer en France au bout de seulement quelques semaines. Je savais que si je rentrais en France, je n’allais jamais retrouver cette ferveur. Je suis donc resté, et j’ai continué de travailler.
Je n’avais pas beaucoup de temps de jeu malgré tout. À la fin de ma première année, j’ai eu également des pépins physiques au niveau de la cheville. Millwall m’a ensuite demandé d’aller à Brighton en prêt pour avoir du temps du jeu. Là-bas, j’ai encore eu des pépins physiques au niveau de la cheville, ce qui m’a empêché de disputer de nombreux matches… En fait, à l’époque, je ne comprenais pas trop le système anglais. Je ne savais pas comment il fonctionnait. Je ne l’ai su que par la suite. Tu dois bosser tout le temps et mettre de l’engagement, y compris aux entraînements. Je n’avais pas totalement les pieds sur terre. En signant mon premier contrat pro, je pensais que tout allait se passer dans le bon sens pour moi. Je ne travaillais pas assez. Au bout de deux ans, Millwall n’a pas renouvelé mon contrat et c’est là que j’ai compris que si je ne travaillais pas suffisamment, je n’allais jamais réussir.
À l’époque, ils nous jetaient des bouteilles de bières ou ils ne nous laissaient pas sortir du stade
The Den ? J’étais impressionné par l’atmosphère. Mais certains fans de Millwall étaient des voyous. Ils aimaient se bagarrer. Et quand, sur le terrain, les résultats n’étaient pas bons, ils nous le faisaient savoir… À l’époque, ils nous jetaient des bouteilles de bière ou ils ne nous laissaient pas sortir du stade. De mémoire, à l’issue d’un match qu’on avait perdu, ils nous attendaient à la sortie et on avait dû attendre 1h avant de pouvoir sortir du stade. Par contre, quand ça se passait bien, tout allait pour le mieux, ils étaient de bons supporters. Mais en cas de mauvais résultats, ça pouvait vite tourner au drame.
Après mon départ de Millwall, je suis parti en Iran. Mon agent de l’époque m’avait dit : “La première division iranienne est pas mal, il faut que tu ailles voir. Si tu signes, il y a un bon salaire à la clé, tu vas jouer tous les matches et tu peux potentiellement disputer la Ligue des Champions asiatique”. Je me suis rendu sur place et honnêtement, j’ai regretté mon choix. J’étais loin de tout. Déjà que l’Angleterre, cela avait été difficile pour moi de m’adapter et de partir seul, alors en Iran, qui est à des milliers de kilomètres de la France… Je ne me voyais pas rester là-bas. En plus, entre-temps, mon épouse a accouché.
Je n’avais qu’une idée en tête, repartir le plus rapidement possible en Angleterre
J’ai quitté alors l’Iran et je suis retourné en France, plus exactement à Alfortville. Je connaissais un pote à moi qui jouait là-bas. Ce n’était pas mon objectif de signer à Alfortville, loin de là. Mon but, c’était d’être physiquement prêt pour pouvoir repartir en Angleterre assez rapidement. Je m’entraînais avec eux et je jouais quelques matches pour retrouver la condition. Après plusieurs matches, le coach vient me voir et me demande si je veux signer un contrat. Je lui ai répondu que non car je n’avais qu’une idée en tête, repartir le plus rapidement possible en Angleterre. À la suite de cette discussion, j’ai échangé avec mon agent : “Bon comment ça se passe ? Est-ce que tu penses que des propositions vont arriver d’ici décembre ?” De son côté, il ne pensait rien avoir avant un bout de temps. J’ai donc dû me résigner et signer à Alfortville de janvier à mai.
Il me manquait beaucoup de choses à Alfortville. L’ambiance n’était pas la même, la concentration n’était pas la même, le rythme était différent… On va dire aussi que j’étais trop à proximité de ma famille. Je sortais également beaucoup (sourire). Alors qu’en Angleterre, j’étais seul, concentré et livré à moi-même. En étant seul, tu es mentalement plus concentré sur tes objectifs. Être à proximité de mes parents, de mes amis, ce n’était une bonne chose en fait, mais je ne regrette pas. Voilà pourquoi je voulais revenir en Angleterre absolument.
J’avais repris avec les 16 ans nationaux de Torcy durant l’été. Je ne voulais pas reprendre avec les seniors de Torcy car l’équipe était composée de quasiment tous les mecs de mon quartier. Je savais que ça allait être le bordel (rires). J’ai donc demandé à l’entraîneur des 16 ans nationaux de m’entraîner avec eux. Au bout de quelques semaines, j’appelle mon agent pour lui dire que je suis prêt et que je peux retourner en Angleterre. Il me propose d’aller à Port Vale, la deuxième équipe de Stoke-on-Trent qui évolue alors en League Two. Je fais mon essai, il est très concluant, mais mon agent me dit : “Tu peux largement jouer à un niveau au-dessus. Je vais voir si je ne trouve pas un autre club”. Il m’envoie finalement à Tranmere. Là-bas, il y avait déjà un Français, Sébastien Carole.
Au bout d’une semaine, le coach se fait virer et c’est le kiné qui prend en charge l’équipe
Mon essai est concluant et je signe à l’été 2009. Le coach, John Barnes, me voulait à tout prix. Il m’a proposé un contrat de misère, mais moi tout ce que je voulais, c’était revenir en Angleterre et je ne pensais pas que j’aurais eu un bon contrat ailleurs. Au bout d’une semaine, le coach se fait virer et c’est le kiné qui prend en charge l’équipe. J’avais signé un contrat en octobre de trois mois. À ce moment-là, mon agent m’informe que plusieurs clubs se sont intéressés à moi : Southampton, Bristol et Leeds.
Les trois clubs évoluaient en League One comme Tranmere, ils avaient beaucoup de moyens sportifs et financiers. Il m’appelle pour m’expliquer les modalités sportives : “Si tu vas à Southampton, tu seras le numéro 3 à ton poste, si tu vas à Bristol, tu seras peut-être numéro 1 ou numéro 2, Si tu vas à Leeds, tu seras numéro 2”. Il m’a ensuite parlé du contrat à chaque fois. Ils étaient bien meilleurs qu’à Tranmere. Mais je n’étais pas très chaud pour partir. Ici, je jouais tous les matches car j’étais le numéro 1 à mon poste. J’avais cette philosophie en tête qui était : “Plus tu joues Angleterre et mieux tu seras vu”. J’ai donc pris la décision de rester, même si j’allais moins toucher forcément. Mais partir dans un autre club, juste pour avoir plus d’argent, ça ne sert à rien. En plus, je me sentais bien à Tranmere. Quand j’y repense, c’était pas mal, on avait tout ce qu’on voulait. Le club était très professionnel. On avait un kiné, un bon préparateur physique. Pour moi c’était une vraie bouffée d’oxygène. Le club me faisait vraiment confiance. Je me donnais à 100%. Je voulais les récompenser de la chance qu’ils me donnaient. Tranmere avait des ambitions et je voulais participer à la progression du club durant mon passage.
Lors de ma dernière saison là-bas, en 2013, il s’est passé quelque chose au niveau de ma vie privée qui m’a donné un second souffle. Je me sentais libre cette année-là. Pourtant, à la reprise, des choses avaient changé. La saison précédente, j’avais le numéro 3, quand tu as du numéro 1 jusqu’au 11, tu es sûr d’être titulaire indiscutable. En revenant à Tranmere, je vois que j’ai le numéro 14 et en plus de ça, le club a signé un autre arrière gauche. Honnêtement, ça ne me posait pas de problème. En revanche, le coach, Ronnie Moore, voulait que j’aille en prêt. Et là, j’ai compris que je n’avais plus ma place. Il avait même appelé mon agent pour le forcer à me trouver un autre club.
Je ne vais pas te mentir Zoumana, si lors du prochain match on perd et que tu joues mal, tu seras sur le banc jusqu’à la fin de la saison
Dès le début de la préparation, l’arrière gauche que le coach a fait signer se blesse. Je joue finalement tous les matches de la préparation. Le championnat commence, je marque le premier but. Puis ensuite, l’arrière gauche qui a signé n’arrive pas à revenir et j’enchaîne les bonnes prestations. À un moment donné, l’arrière gauche revient de sa blessure, mais il se blesse à nouveau. Ce qui est drôle dans cette saison, c’est qu’après un match où on perd, le coach vient me voir et me menace : “Écoute, il est en passe de revenir. Je ne vais pas te mentir Zoumana, si lors du prochain match, on perd et que tu joues mal, tu seras sur le banc jusqu’à la fin de la saison”. Ironie de l’histoire, je marque le match d’après et derrière, le coach n’avait aucune raison de me faire sortir de l’équipe-type ensuite. J’ai ainsi enchaîné tous les matches.
À Tranmere, j’ai vécu de bons moments. Il y a beaucoup de choses qui me viennent en tête. Déjà, comme je l’ai dit précédemment, le départ de notre coach qui a été remplacé par le kiné. C’était étrange de se dire que ton kiné pouvait être aussi ton entraîneur (sourire). Mais maintenant que j’y pense, j’ai une anecdote plutôt folle. Je venais d’emménager avec mon ex-compagne et ma fille à côté de Liverpool car Tranmere se situe à quelques kilomètres. Un après-midi, on est allés au supermarché pour faire des courses. Au moment de rentrer dans le magasin, on voit voiture noire qui s’arrête à côté d’une femme avec un bébé. Des mecs sortent alors de la voiture, kidnappent le bébé et s’en vont comme si de rien n’était. Ce jour-là, je me suis dit pourquoi j’avais signé à Tranmere : “Qu’est-ce que je fous là ? C’est quoi ce quartier ?” Finalement, il ne s’est rien passé ensuite. Mais on a appris par la suite que le quartier où on habitait était assez difficile. Il y avait pas mal de choses bizarres qui s’y passaient…
Après mon départ de Tranmere en 2013, je reçois plusieurs offres, dont une de Leicester qui évoluait alors en Championship. J’étais surpris par cette proposition. D’autres clubs, d’un niveau inférieur me voulaient également. Leicester est arrivé un peu de nulle part (sourire). À la base, j’hésitais entre Notts County qui évoluait comme Tranmere en League One, Wigan qui venait de descendre en Championship et Sheffield Wednesday. J’avais aussi reçu des propositions de Doncaster, Brentford, Barnsley et Watford. Mon objectif était d’aller dans un club en étant le numéro 1. C’est ce que me proposait Notts County et à l’époque, j’étais en bonne voie pour signer chez eux. Mais entre-temps, j’ai changé d’agent et c’est là que les ennuis ont commencé.
Comme je l’ai expliqué précédemment, au début de ma dernière année à Tranmere, le coach a voulu que j’aille en prêt. Il avait appelé plusieurs fois mon agent pour lui dire de démarcher des clubs. Personnellement, la situation m’arrangeait car à l’époque, je voulais pas que ce soit Tranmere qui fasse toutes les démarches. Je n’aurais pas eu mon mot à dire. Avec mon agent, c’était plus simple. Sauf que jusqu’en décembre, il n’a jamais répondu à mes messages ni à mes appels… En octobre, un agent est venu me voir : “Je suis intéressé par toi. Es-tu encore sous contrat avec ton agent actuel ?” À ce moment-là, je n’étais plus sous contrat avec lui car il ne répondait plus à mes messages. J’étais libre de choisir l’agent que je voulais. J’ai discuté avec le nouvel agent pendant plusieurs semaines et finalement, j’arrive à m’entendre avec lui.
J’étais complètement surpris de le voir ici. Il ne savait pas que j’avais signé avec un nouvel agent depuis quelques semaines
Le mercato hivernal débute. Certains clubs étaient intéressés par mon profil. Mais Tranmere ne savait pas que j’avais changé d’agent à ce moment-là. Les dirigeants continuaient de discuter avec mon ancien agent. Au final, ils discutaient avec lui. Puis, un jour, il toque à ma porte. J’étais complètement surpris de le voir ici. Il ne savait pas que j’avais signé avec un nouvel agent. Il rentre chez moi, je l’accueille, on déjeune ensemble. Il me sort alors des papiers : “Voilà, tu as devant tes yeux une prolongation de contrat de deux ans avec Tranmere”. Puis, il me dit que j’ai deux semaines pour réfléchir. Je lui réponds qu’il n’y a pas de problème. Une fois l’agent parti, j’appelle mon père : “Papa, mon ancien agent est venu me voir. Tranmere me propose un nouveau contrat alors qu’il y a encore quelques mois, le club voulait que j’aille en prêt…” Mon père était assez énervé car il pensait que le club et l’agent me prenaient pour un con. Il voulait même appeler mon agent et moi je lui ai dit : “Attends qu’il soit à mi-chemin de Londres, car si tu l’appelles maintenant, il va faire demi-tour tout de suite”. Il a donc attendu trois heures avant de l’appeler et lui dire : “Zoumana a signé avec un nouvel agent. Il n’était plus sous contrat avec vous depuis un moment. Il a tenté de vous joindre à plusieurs reprises pour partir en prêt et vous ne lui avez jamais répondu”.
Le lendemain, un membre du club m’appelle. Sur le coup, je suis content car c’est sans doute pour me dire que Tranmere allait laisser partir. J’arrive dans l’un des bureaux et je vois qu’il y a mon ancien agent qui est là. La discussion commence, l’agent n’arrête pas se plaindre. Il a l’impression que je l’ai trompé. Je lui explique que j’ai essayé de le joindre pendant je ne sais pas combien de temps et qu’il n’a jamais répondu alors que je devais – a priori – partir en prêt. J’étais en galère à ce moment-là. Le directeur sportif et l’agent m’ont alors répondu : “Mais oui on sait que c’était difficile, blablabla avant de rajouter “tu signes le contrat maintenant”. De mon côté, je leur explique que ce n’est pas possible car l’entraînement va commencer. Le coach vient alors dans le bureau et me dit d’aller m’entraîner avec le groupe.
À la fin de l’entraînement, il vient me voir : “Je sais que tu es inquiet Zoumana. Tu as un match à préparer demain. Tu dois te concentrer sur ça. On s’occupe de tout ce qui est en dehors du terrain”. Peut-être qu’à l’époque, j’ai commis une erreur en signant avec quelqu’un d’autre car c’était grâce à mon ancien agent que j’étais actuellement en Angleterre… Le lendemain, juste avant le match, le coach vient me voir et me demande si je veux jouer ou non. Je lui réponds que oui et lors de ce match, j’ai marqué. C’est à ce moment-là que je me suis dit : “Allez, j’ai pris la bonne décision. Maintenant on termine la saison et verra ensuite”.
Finalement, j’ai opté pour Leicester durant le mercato estival de 2013. Mais pour être très honnête, je ne connaissais pas tout cette équipe (rires). En Angleterre, je ne m’intéressais pas aux autres clubs. Quand je parle des “autres clubs”, ce sont ceux qui ne jouaient pas en Premier League. Je ne savais pas où était Leicester sur la carte. Avant de m’y rendre, j’avais fait des recherches et j’avais vu que Sol Bamba était passé par le club. Il avait joué au PSG avec moi, malgré notre année d’écart, je suis de 1986 et lui de 1985. J’avais également vu des informations sur le coach Nigel Pearson. Il avait joué Liverpool et en équipe d’Angleterre. Je me suis donc dit : “Une proposition pareille ne se reproduira pas, j’y vais”.
En arrivant là-bas, j’ai découvert un autre monde et une autre manière de faire, à mille lieues de Tranmere. Ils faisaient tout en œuvre pour que l’on soit dans les meilleures dispositions. En face de moi, j’avais Paul Konchesky en concurrence. À l’époque, il devait partir à QPR. C’est pour ça qu’ils m’ont appelé, je devais le remplacer. Mais je me suis dit sur le moment, que s’il ne partait pas, j’allais être en concurrence avec lui et ça ne pouvait qu’être bénéfique pour moi. Je ne pouvais qu’apprendre à ses côtés. Il avait de l’expérience au haut niveau. Cette concurrence m’a encore plus motivé pour réussir à Leicester. L’équipe avait de grosses ambitions. J’étais à deux doigts de toucher la Premier League.
Sauf que les premiers mois ont été très durs. J’avais le sentiment que le coach n’avait pas confiance en moi. Je ne jouais que les matches de coupe. Intérieurement, je vivais mal cette situation. Moi, je voulais jouer en Championship. Je n’étais pas habitué à ronger mon frein sur le banc. La situation n’était pas la même qu’à Millwall par exemple. Là-bas, il m’arrivait d’être sur le banc, de jouer la réserve et de parfois jouer en championnat. Donc, au final, je jouais tout le temps. Mais là j’étais dans une situation où je ne jouais que les matches de coupe. Il n’y en avait pas toutes les semaines… J’ai appelé mon agent et je lui ai demandé de partir en prêt. Il a contacté plusieurs clubs, Leicester a accepté de m’envoyer en prêt et je suis allé à Yeovil, qui évoluait aussi Championship à l’époque. Là-bas, j’étais sûr de pouvoir jouer.
Le kiné m’a regardé droit dans les yeux et dit : “Non, non tu ne rentres pas”. Sur le coup, je n’avais pas mal à mon genou
J’ai su le jeudi que j’allais en prêt et le match était à Birmingham le lendemain. J’appelle le club pour leur dire que je les rejoins directement à l’hôtel. Là-bas, je fais connaissance avec certains joueurs contre qui j’ai joué l’année précédente vu que j’étais également en League One. Le coach aussi me connaissait assez bien. Je me suis très vite intégré. Le match commence, tout se passe bien, on mène 2-0 au bout d’une petite demi-heure. Un début rêvé pour moi. Et là, à la 35e minute, je me blesse, mais sur le moment, je ne pensais une seule seconde aux ligaments croisés. Je croyais que je m’étais déchiré les ischios. Je sors du terrain et je dis au kiné : “Je peux rentrer, ça va”. Il m’a regardé droit dans les yeux et dit : “Non, non, tu ne rentres pas”. Sur le coup, je n’avais pas mal mon genou. J’étais déçu de devoir laisser ma place sur le terrain. Je voulais jouer tout le match et prouver à Nigel Pearson, le coach de Leicester, qu’il pouvait compter sur moi car à l’origine, j’étais allé à Yeovil pour seulement un mois afin de retrouver du temps de jeu.
Le soir même, je suis rentré à Leicester car j’avais un examen le lendemain pour constater ma blessure. Pour être honnête, une fois à Leicester je suis sorti avec Riyad Mahrez (rires). Comme je l’ai dit, sur le moment, je ne sentais rien, mais vraiment. Le lendemain, je me rends à l’hôpital. Le kiné de Leicester vient me chercher chez moi. On fait les examens et voilà, on attend. Puis, il vient me voir avec les résultats. Je lui demande : “Alors, qu’est-ce que j’ai ? Je me suis déchiré les ischio ? C’est ça ?” Il ne me dit rien. Puis, il me ramène chez moi, et à ce moment-là, le couperet tombe : “Tu t’es fais les croisés Zoumana”. Sur le moment, je ne comprends pas la gravité de la blessure. Je lui ai donc demandé combien de temps j’allais devoir rester sur le flanc. Je pensais à trois mois grand maximum. Il me répond : “Non, c’est environ huit mois, voire un an”.
C’est sans doute la pire période de ma vie de footballeur. J’étais en dépression. Je ne voulais plus aller au centre d’entraînement car je voyais les autres joueurs exercer leur passion
Là, dans ma tête tout s’est bousculé. Je n’avais signé qu’un contrat de deux ans avec Leicester et le temps de revenir, mon contrat serait terminé. Évidemment, je n’étais pas bien. À ce moment-là, ma mère était partie avec ma sœur pour un mariage en Côte d’Ivoire, le mariage de ma cousine, du côté de mon père. Je n’ai pas réussi à la joindre, ni mon père d’ailleurs. J’ai alors appelé ma tante, une deuxième maman pour lui expliquer la gravité de ma blessure. Je ne suis jamais resté autant blessé de toute ma vie. Je ne vais pas le cacher, c’est sans doute la pire période de ma vie de footballeur. J’étais en dépression. Je ne voulais plus aller au centre d’entraînement car je voyais les autres joueurs exercer leur passion. Moi, je n’arrivais pas à marcher… Jusqu’à la fin de l’année, j’étais très mal. J’allais au centre, mais le cœur n’y était pas. Je suis rentré en France pendant les fêtes de fin d’année pour pouvoir profiter de mes proches.
À l’époque, je ne connaissais rien à cette blessure. Je ne savais pas comment se déroulait la rééducation et ce que je devais faire exactement. Je n’avais plus aucune force dans le genou. J’écoutais le kiné, il me disait que c’était normal car le muscle était en reconstruction. À la fin de la saison, le club est monté en Premier League et le président nous a invités en Thaïlande pour aller célébrer le titre. Cela m’a fait vraiment du bien. Je suis sortie de cette zone de dépression toujours et j’ai pensé à autre chose. Être ailleurs, avec les autres joueurs, pour uniquement s’amuser et profiter, c’était vraiment quelque chose d’important pour moi. Mais en même temps, je me disais que je ne méritais pas d’être là-bas. Je n’avais pas participé à la montée. Avant de partir, j’avais dit au coach : “Franchement je n’ai pas envie de partir, je préfère rester là, plutôt que d’aller en Thaïlande pour célébrer une victoire dont je n’ai pas fait partie”. Il m’a répondu : “Tu vas venir avec nous. On a besoin de toi pour l’année prochaine, on va aller en Premier League et on compte sur toi”.
Au bout de 15 minutes, je me refais les croisés et là, je m’en souviens encore, j’ai appelé ma mère après le match pour lui dire que j’arrêtais le foot
Ses mots m’ont redonné de l’aplomb. Une fois rentré, alors que les autres joueurs étaient tous en vacances, je suis allé au centre d’entraînement pour me soigner et être prêt pour la reprise. Au début de la pré-saison, on part en Autriche pour se préparer et jouer un match. Lors du premier match, le coach me fait rentrer 35 minutes et tout se passe bien. On revient à Leicester et quelques jours avant le début du championnat, je joue un autre match, mais avec la réserve. Au bout de 15 minutes, je me refais les croisés et là, je m’en souviens encore, j’ai appelé ma mère après le match pour lui dire que j’arrêtais le foot. Finalement, j’ai refait de la rééducation. Ma mère me disait de prendre mon mal en patience et que j’allais revenir. J’ai donc recommencé tout le processus comme la première fois. Je me suis soigné jusqu’à la fin de mon contrat. Et même à la fin, la blessure n’était pas encore tout à fait soignée, mais je l’ai su qu’après une rechute…
À la fin de mon contrat, Leicester décide de ne pas me conserver. C’était totalement logique. Avec mon agent, on se met alors en quête d’un nouveau club. Il a toujours été en contact avec Steve Davis, un coach qui m’a toujours voulu depuis mon arrivée en Angleterre et qui entraînait à ce moment-là Crewe Alexandra en League One. Après quelques discussions entre le club et mon agent, je me rends à Crewe pendant la préparation. À mon arrivée, le coach me demande si mon genou va mieux. Je lui réponds qu’il n’y a aucun problème, j’ai fait le nécessaire durant ma convalescence. Je commence donc le premier match de préparation. Je joue 45 minutes, ça se passe bien, mais je sens quelque chose d’étrange dans mon genou. Le lendemain, on dispute un autre match, je joue à nouveau 45 minutes. Je sors à mi-temps, mais j’ai l’impression que mon genou a gonflé…
Sur le coup, je ne ressens rien, donc je demande au coach de me laisser sur le terrain en deuxième période car je n’ai encore rien signé avec Crewe et je dois prouver que mon niveau est bien revenu. Il refuse catégoriquement : “Je ne peux pas te laisser continuer. Tu n’es pas assuré avec nous. Tu vas te faire les croisés”. J’accepte et je lui pose la question : “Est-ce que vous me voulez quand même ?” Il me répond : “Oui, je te veux, on va prendre soin de toi, on s’engage à ce que ton genou aille mieux et après on va voir”. De juillet à novembre, je n’ai jamais autant travaillé, même dans mes précédents clubs. Je n’ai jamais eu une telle intensité de travail sur mon genou à Leicester, jamais.
Là-bas, c’était plutôt tranquille, je faisais quelques exercices et je rentrais chez moi vers midi. Alors qu’à Crewe, je rentrais chez moi, il était 16 h. Ma rééducation a duré quatre mois. Pour pouvoir signer ensuite, je devais jouer plusieurs rencontres avec la réserve, ce que j’ai fait. J’ai ensuite signé un contrat dérisoire d’octobre à décembre. Le club ne voulait prendre aucun risque et savoir si mon genou allait tenir. Au bout de mon deuxième match, je marque (sourire). Au bout de quatre mois, ils m’ont proposé un nouveau contrat car un autre club me voulait. Et de là, je me suis relancé personnellement. Même si, à la fin de la saison, le club est descendu en League Two.
Je suis resté deux ans et demi à Crewe Alexandra où j’ai joué plus de 100 matches pour le club. J’ai même porté le brassard de capitaine plusieurs fois. Mais à l’issue de la saison 2017-2018, le club a décidé de ne pas renouveler mon contrat. Les dirigeants avaient de nouvelles ambitions. Un nouvel entraîneur est arrivé. Honnêtement, je n’étais pas déçu de quitter Crewe. Le club s’était bien occupé de mon genou. Par le passé, aucun club n’avait porté autant d’attention à ma santé physique. J’ai donc quitté Crewe en très bons termes. Puis, je savais que Tranmere montait en League Two cette saison-là. J’ai dit directement à mon agent : “Je veux signer à Tranmere coûte que coûte”.
Mon agent recontacte le club et parvient à m’envoyer un essai là-bas. Je fais quelques matches de préparation, puis je signe mon contrat. Ce qui m’a encore plus marqué, c’était la ferveur. Elle était encore plus forte qu’à l’époque. Au début de la saison, on ne visait pas du tout la montée, mais le maintien. C’était le maintien à tout prix et rien d’autre. Personnellement, j’ai eu beaucoup de pépins physiques à Tranmere la saison dernière. Je n’ai pas beaucoup joué. Du moins, pas autant que je ne l’aurais souhaité. Mais va dire que cela a été compensé par la montée. Mon nombre de matches ? 21 ou 24, je ne sais plus (rires). En France, ce n’est pas trop mal, mais ici, ce n’est pas assez. Pour moi, une vraie saison, c’est à partir de 35 matches disputés (sourire). Je n’étais pas content de ma saison, mais j’ai pris du plaisir à rejouer pour ce club. Surtout que le club a gagné la finale des playoffs face à Newport. je ne vais pas mentir, Tranmere est gravé à jamais dans mon cœur.
Après Tranmere, mon agent m’a envoyé à Bury qui montait en même temps que nous en League One. Il y avait beaucoup de joueurs à l’essai. Je suis parti là-bas, je me suis entraîné mais tout le monde savait qu’il y avait de gros soucis financiers dans ce club et que leur futur était incertain. Beaucoup de joueurs venaient quand même car il y avait la perspective de pouvoir jouer en troisième division. Au bout de quelques semaines, tout le monde pensait que les problèmes financiers s’étaient arrangés, mais pas du tout en réalité, ça s’est même empiré. Avant que le club ne fasse faillite, je reçois un message d’un mec qui me dit qu’il a eu mon numéro par Tranmere : “Bonjour Zoumana, je m’appelle Jimmy et je travaille pour Notts County. Nous avons vu tes images de toi, c’était impressionnant. Tu as même joué contre nous d’ailleurs par le passé. Je vais pas te mentir, nous voulons te proposer un contrat dès maintenant”. Sur le coup, je ne pouvais pas le rappeler car j’étais en train de faire mes courses au supermarché (rires).
Je ne me pose plus autant de questions par le passé. Je travaille dur et si j’ai ma chance, j’essaie de la saisir de la meilleure manière
Je rentre donc chez moi et j’appelle le gars du club, il décroche et me dit à nouveau : “Nous te voulons absolument. Est-ce que tu as un agent ?” J’appelle alors mon agent et je lui annonce que Notts County souhaite m’enrôler. Il était content parce qu’il habite à Nottingham : “Je vais l’appeler demain”. Le contrat était sur le table le lendemain (sourire). Le projet m’intéressait et aujourd’hui je suis très heureux de mon choix. Tout se passe bien, même s’il y a des moments où je ne joue pas toujours… Mais je ne me pose plus autant de questions que par le passé. Je travaille dur et si j’ai ma chance, j’essaie de la saisir de la meilleure manière. Si je ne l’ai pas, j’attends et je patiente tranquillement. En tout cas, tout se passe bien avec mes coéquipiers.
L’enfer. C’était l’enfer (rires). Franchement, je n’y arrivais pas. Millwall avait même engagé une prof d’anglais à mon arrivée pour que j’apprenne l’anglais et je n’y arrivais pas (rires). Ce qu’on apprend à l’école en France n’a rien à voir ici. Absolument rien à voir. En Angleterre, les gens ont des accents différents, tu ne comprends pas tout. J’ai donc appris sur le tas au fur et à mesure des années. Le problème, c’est que j’étais toujours avec un Français, donc je comptais toujours sur lui (sourire). J’ai vraiment appris à parler anglais quand j’étais à Tranmere en fait, c’est-à-dire au bout de mon troisième club. Je commençais à bien maîtriser la langue à partir du mois de décembre. Lors de ma deuxième saison à Tranmere, un autre français m’a rejoint : Maxime Blanchard (ex Plymouth). il parlait bien anglais et m’a aidé à encore plus progresser. En revanche, il est parti au bout d’un an et lors de ma troisième saison là-bas, j’étais livré à moi-même.
J’ai commencé à avoir des amis une fois que j’avais bien appris l’anglais. J’ai pu m’intégrer, échanger par rapport à n’importe quel sujet. À partir du moment où tu apprends la langue, c’est plus facile pour l’acclimatation et s’ouvrir. Les personnes voient que tu fais des efforts pour t’intégrer à leur pays. On peut sortir tranquillement et ne pas rester seul chez soi.
Lorsque je suis revenu à Alfortville pendant un an, je ne me suis pas senti à l’aise. Au bout d’une semaine, je voulais repartir en Angleterre
La mentalité ? Je le sens quand je rentre en France. Les Anglais sont plus ouverts que les Français. Les Anglais ne sont pas dans le jugement de l’autre. En France, ils jugent systématiquement. Je le vois à chaque fois que je rentre après la fin de la saison. Ils tirent en plus la gueule (sourire). Lorsque je suis revenu à Alfortville pendant un an, je ne me suis pas senti à l’aise. Au bout d’une semaine, je voulais repartir en Angleterre (rires). Les gens en France sont beaucoup trop fermés. Ici, tout le monde est ouvert, tu parles à tout le monde, il y a des gens que tu ne connais pas, ils vont te dire bonjour comme ça. Ils vont sympathiser avec toi pendant quelques minutes, après ils vont faire leur vie. À Paris, je n’ai jamais connu ça.
La passion ici est incroyable. Ça n’a strictement rien à voir avec la France (rires). Les Français sont avant tout fans des clubs comme le PSG, l’OM ou l’OL. C’est tout. Au PSG, les supporters ne sont pas fans de Niort (sourire). On ne regarde pas les matches de divisions inférieures, à part Lens, Auxerre ou Nancy qui sont des clubs historiques du championnat français. Je ne connais pas un supporter passionné par la troisième et la quatrième division en France. Ici, c’est le cas. Ils transmettent leur passion d’un petit club de génération en génération. C’est-à-dire que toute la famille va supporter par exemple Dover. En France, personne ne va supporter le PSG et un autre club parisien. Moi, je n’ai jamais entendu ça, du moins, pas autant qu’en Angleterre.
Si le club descend en Championship, en League One ou en League Two, les supporters vont continuer à venir en nombre
En plus, même si ton club n’a pas un gros budget ou de grosses infrastructures, il y aura toujours du monde qui viendra te voir chaque week-end. Par exemple à Torcy, je n’ai pas connu ça. Il y a beaucoup de clubs en Angleterre qui s’investissent. Quand je dis ça, je pense surtout aux fans qui s’investissent pour le club. Ils donnent de l’argent au club pour pouvoir passer à un niveau supérieur. Il y a des clubs comme ça en Premier League comme Bournemouth. Bournemouth était en League Two quand je suis arrivé en Angleterre. Aujourd’hui, ils sont en Premier League depuis plusieurs années avec une vraie identité sportive, un beau stade et énormément de fans. Il y avait aussi Southampton qui était descendu en League One à ce moment-là. Mais pareil, les fans étaient là. En France, un club comme Évian Thonon Gaillard ne devait pas avoir autant de fans en Ligue 1 qu’en Ligue 2 non ? Ici, ce n’est pas la même chose. Si le club descend en Championship, League One, League Two, les supporters vont continuer à venir en nombre. Ils seront peut-être moins nombreux, mais ils vont continuer à venir. Ils vont essayer de remplir le stade. Donc oui, ici la ferveur, ça n’a rien à voir avec la France.
Quand je suis arrivé à Brighton, c’est fou, mais les gens chantaient mon nom. Moi ça m’avait choqué (rires). Les gens criaient mon nom, venaient me voir après les entraînements et les matches, les petits me demandaient un autographe alors que je n’étais pas encore avec le groupe professionnel. Et c’est comme ça partout. Certains portent même ton maillot. Il y en a qui chantent ton nom, mais, ce sont des chants réfléchis. Des bonnes chansons, par exemple, ils en prennent une des Beatles, mais à la place de mettre les paroles des Beatles, ils vont glisser ton nom dedans.
Ils ont cassé la barre transversale d’un des buts. Ils sont restés avec nous dans les vestiaires pendant je ne sais combien de temps. On ne pouvait pas sortir !
J’ai des anecdotes à la pelle. Depuis mon arrivée, j’ai vécu beaucoup de choses (rires). Mais je m’en souviens plus particulièrement d’une. C’était à Tranmere lors de ma première saison chez eux. On était en difficulté et dans la zone rouge toute la saison. On jouait notre dernier match à Stockport à côté de Manchester. On devait absolument gagner pour se sauver. Nos fans étaient 4000, alors que de l’autre côté, il devait y avoir 1200 personnes. Les locaux jouaient à l’extérieur (sourire). Ce match, on le gagne 4-1. Et à chaque fois qu’on marquait un but, tout le monde rentrait sur le terrain. Ils célébraient avec nous.
Au coup de sifflet final, tous les fans sont rentrés sur la pelouse et ont célébré avec nous. Ils ont cassé la barre transversale d’un des buts (rires). Ils sont restés avec nous dans les vestiaires pendant je ne sais pas combien de temps, on ne pouvait pas sortir. Notre bus ne pouvait pas venir nous chercher car il y avait trop de monde (rires). Personnellement, ce fut une belle journée car mon père était venu au match et je n’étais pas au courant. ce jour-là, c’était quelque chose. Franchement, je retiens plus ça que la montée en Premier League avec Leicester. On va dire, ce jour-là c’était émouvant parce que toute l’année on était dans la zone rouge, c’était vraiment la crise au club. On avait subi des critiques pendant tout le championnat. Les fans n’étaient pas heureux de cette situation. C’était un vrai soulagement pour tout le monde de se maintenir.
Les meilleurs stades ? Sheffield Wednesday, Sheffield United et Aston Villa me viennent directement à l’esprit. Je dirais ensuite Wembley car j’ai eu la chance d’y jouer la saison dernière en finale des playoffs. Ensuite, Nottingham Forest quand le club évoluait en League One et Swansea qui évoluait également en League One à l’époque. De mémoire, c’était Roberto Martinez qui les entraînait. Je cite ces stades par rapport aux infrastructures et l’architecture. Des tunnels, des tribunes, les supporters, l’ambiance, forcément tout cela te fait quelque chose. Surtout à Hillsborough, le stade de Sheffield Wednesday. Là-bas, on a l’impression que ce sont les fans de l’équipe nationale qui sont au match car les chants sont exactement les mêmes. Il y a un vacarme d’enfer quand tu rentres sur le terrain.
Je suis musulman. En général, je n’en parle pas vraiment de ma religion dans les clubs où je joue, hormis le kiné. Il doit être au courant, par rapport à ma santé et ce que je dois manger. Mais sinon, je n’en parle pas, je garde ça pour moi parce que je pense que la religion, c’est quelque chose de personnel. Tu n’es pas obligé de le crier sur tous les toits. Donc, moi je garde ça pour moi mais les joueurs savent parfois que je suis musulman. Pourquoi ? Ils me demandent pourquoi je ne mange pas de porc et c’est à partir de ce moment-là que je leur explique ma religion. Sinon, je ne viens pas vers eux pour le dire. Comme je disais, je n’en parle pas car c’est personnel. je garde ça pour moi, c’est ma croyance, je ne la partage pas facilement. Je la partage uniquement quand je vais bien connaître la personne. Mais sinon, toute ma famille est musulmane.
C’est une religion de paix comme la religion chrétienne ou le judaïsme
La religion m’a permis d’avancer dans la vie. Être musulman, c’est plus une croyance, un comportement à suivre. C’est-à-dire que des gens ne savent pas vraiment ce que c’est la religion musulmane. Ce n’est pas tout ce qu’on voit dans la presse, quand on parle d’Al-Qaïda ou de Daech qui sont des organisations terroristes. C’est une religion de paix comme la religion chrétienne ou le judaïsme. Ça m’a beaucoup plus aidé niveau personnel plus qu’au niveau footballistique. Le football, c’est d’abord une passion qui est devenu un métier. Mais voilà, c’est plus au niveau de la personne où tu dois évoluer. Au niveau du foot, c’est autre chose. C’est une passion, c’est comme si tu vas jouer dehors avec tes potes, c’est la même chose. Je préfère avoir cette sensation-là que mettre forcément la religion en avant. c’est un métier certes, mais à la base, tu fais ce jeu-là par passion. Et c’est le plus important.
Entretien réalisé par Thomas Bernier et Téva Vermel le jeudi 23 janvier 2020
Zoumana Bakayogo est à retrouver dans le webdocumentaire Outsiders : https://app.racontr.com/projects/outsiders/
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