le11
·5 Januari 2025
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·5 Januari 2025
Ancien membre de la commission technique du district de la Somme et polémiste de l’émission La Tribune de France Bleu Picardie, Bruno Paris délivre son décryptage après chaque match de l’Amiens SC. Ce dimanche, retour sur la lourde défaite contre Troyes (0-3) pour clore une première partie de saison faite de hauts et de bas.
Si on avait pu parler de naufrage collectif après Guingamp, on parlait alors d’un naufrage d’une équipe. Cette fois, j’ai peur que ce soit le début du naufrage d’un club. Ce qui est bien plus grave. A force d’entendre le président s’exprimer à sens unique, à savoir uniquement sur le point de vue financier, en ne parlant jamais de sportif. On a le sentiment qu’il faut constamment vendre, pour ne pas dire se débarrasser de joueur. Cela finit par entrer dans les têtes de tout le monde, à commencer par les joueurs eux-mêmes. Je le ressens vraiment comme ça.
Je pense que le vestiaire est pour le moins perturbé. J’ai vu des joueurs qui avaient déjà le comportement qu’on peut avoir en fin de saison, quand il n’y a plus rien à jouer. Quand ceux qui doivent s’en aller à la fin de la saison le savent déjà et sont là sans être totalement là. C’est vraiment l’impression que j’ai pu avoir sur ce match. Je me demande si certains savent encore où ils sont.
On montre nos lacunes, nos difficultés et nos problèmes dans tous les secteurs et pas uniquement sur le terrain. Ce qui se passe depuis quelques semaines, c’est la résultante des décisions prises par ceux qui sont censés rassurer un peu tout le monde. A force de parler uniquement de financier et d’occulter la partie sportive, les joueurs suivent le mouvement. A partir de là, on ne peut pas reprocher aux joueurs de se demander s’ils ne seront pas les prochains à partir. On veut continuer à faire des ventes alors que le groupe est déjà plus que restreint. Je ne jette pas la pierre aux jeunes, parce que la Ligue 2 est un championnat difficile et qu’on ne les voit pas suffisamment pour se faire une idée définitive à leur sujet. Je ne dis pas que la situation est incontrôlable et qu’on ne peut pas inverser la vapeur. Par contre, il faut que tout le monde, à commencer par les dirigeants, change de discours.
Bien sûr, je ne le nie pas. Pour autant, il faut prendre en compte le contexte. Il y a eu du nouveau depuis le début de la période difficile. On a commencé à se rapprocher du mercato, on a commencé à entendre parler le président, on a laissé partir un titulaire indiscutable comme Mamadou Fofana… Ce n’est sans doute pas un hasard. Les spectateurs peuvent digérer ça, mais au niveau des joueurs ? Ce sont les premiers concernés quand on entend à longueur de temps dire que le club va mal financièrement, qu’il faut procéder à des ventes… Je ne nie pas l’existence d’un problème financier. Parfois, le diagnostic est bon mais le remède choisi peut prêter à discussions. Sur ce coup, je ne suis pas certain que faire l’impasse sur le sportif soit une bonne idée.
Je lis toujours avec passion les déclarations d’Omar Daf. Je suis très heureux de savoir qu’il a aligné les joueurs qui lui ont donné satisfaction à l’entraînement. Cela aurait été surprenant qu’il nous dise l’inverse. Je ne sais pas combien on aurait pu en prendre sans ça. Maintenant, il faut se demander si les discours de l’entraîneur sont en adéquation avec l’état actuel de l’effectif. Omar Daf passe son temps à déclarer que tout va bien. Il y a un problème. Sans lui jeter la pierre, pas grand monde aimerait être à sa place actuellement, il y a décalage entre ce qu’il dit et ce que l’on peut percevoir du terrain. La situation est réellement préoccupante.
Daniel Derajinski/Icon Sport
On peut aussi dire ce qu’on veut d’Urhoghide mais cela reste celui qui offre le plus de garanties.
Le départ de Mamadou Fofana n’est vraiment pas digéré. En plus de cela, la défense centrale alignée contre Troyes, c’est la dernière sur laquelle j’aurais pu miser. Mohamed Jaouab est en dessous depuis son retour et donne le sentiment de ne toujours pas être prêt. L’associer à un Siaka Bakayoko qui reste un jeune joueur, qui a finalement peu jouer en championnat dernièrement… On peut aussi dire ce qu’on veut d’Urhoghide mais cela reste celui qui offre le plus de garanties. Je pense que l’association Bakayoko-Jaouab est le début des soucis sur ce match. En plus de cela, Rémy Vita, même s’il a lutté, a été en grande difficulté. Même Régis Gurtner est dans le dur en ce moment.
Le contexte est pesant, personne ne peut le nier. On peut être porté par une euphorie quand le contexte est favorable. A l’inverse, quand le soleil ne brille plus, cela devient très vite compliqué. Amiens enchaîne les défaites, avec trois buts encaissés par match. On a tendance à l’oublier, mais il y a aussi eu une défaite en Coupe de France après avoir ouvert le score. Là encore, il y aurait beaucoup à redire de ce match. Maintenant, l’analyse d’Omar Daf doit être partagée par les joueurs et comprise par les dirigeants. Sans quoi, alors que j’ai tendance à être toujours positif, l’avenir peut s’avérer inquiétant. Si ça continue comme ça, Amiens pourrait bien s’enfoncer sportivement. On sait que cette équipe est capable de coups. Pour cela, encore faut-il que tout le monde tire dans le même sens.
C’est toujours ce qui plane au-dessus du club et des joueurs. A partir de là, comment reprocher aux joueurs de ne pas être totalement concentrés sur leur club actuel ? Même si ce sont des joueurs professionnels, cela reste aussi des humains. Ils peuvent être perturbés par tout ça. Les dirigeants peuvent aussi avoir des nuits agitées. Pour autant, ce n’est pas en agissant de la sorte qu’on va retrouver un allant collectif. On peut comprendre l’urgence de faire rentrer de l’argent, mais la situation sera encore plus alarmante si Amiens se retrouve dans la charrette en fin de saison. Il faut aussi que les dirigeants soient conscients de cela. Mon degré d’inquiétude ne cesse de s’amplifier semaine après semaine. Il faut que tout le monde y mette du sien. Je n’exonère pas les joueurs mais je n’oublie pas non plus la responsabilité des décideurs.
Propos recueillis par Romain PECHON
Crédits photo : Daniel Derajinski/Icon Sport