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·23 Desember 2024
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Foot et rap font souvent bon ménage. La relation étroite entre footballeurs et rappeurs s’est même démocratisée grâce aux réseaux sociaux. De nombreux footeux s’essaient à la musique, et inversement. Artiste caché, Jonathan Ikoné a même un nom de scène « Joby ». Une activité qu’ il lie à son autre métier, celui de producteur. Via son label « YLS », l’ailier de la Fiorentina produit un talentueux chanteur urbain, Dinero. L’occasion d’une interview croisée entre « Jorko » et sa « Pépite ».
Voici quelques extraits de notre interview croisée de Jonathan Ikone et Dinero. L’intégralité de cet interview de 8 pages est à retrouver dans le magazine n°365 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 13 mai.
Comment s’est déroulée votre rencontre ?
Jonathan Ikoné : Une rencontre particulière. Je suis un gars qui aime aller au studio pour enregistrer des sons qui ne sortiront jamais, évidemment (sourire). Lors d’une séance studio, je rappais et un ami à moi, proche de Dinero, savait que j’écoutais sa musique et que je suivais son évolution, du coup, il m’a dit : « Tu veux faire un featuring avec Dinero même si ça ne sortira pas ? ». J’ai répondu : « Pourquoi pas ». Dinero est arrivé 30 minutes plus tard. Initialement, on devait simplement faire un son ensemble, mais on s’est bien entendu, le feeling est hyper bien passé. On a discuté de tout et de rien, on a appris à se connaître naturellement. Tout s’est fait au feeling, voilà notre premier rendez-vous.
Dinero : C’est exactement ça. Quand notre ami en commun m’a appelé pour me dire : « Jorko te propose de passer au studio », j’étais surpris. J’ai tout de suite dit : « Comment ça Ikoné rappe ? » (Rires). Je n’y croyais pas. Bref, ensuite, je l’ai rejoint au studio, on a fait un morceau qui ne sortira jamais. Mais comme Jorko l’a dit, le feeling est très bien passé. Et, au bout de quelques rendez-vous, on a entamé une collaboration.
Pourquoi ne pas sortir le son ? Il n’est pas assez bon ?
Jonathan Ikoné : (Direct) Ce n’est pas ça. Je préfère rester concentré. Je ne pense pas que ce sera bien vu : un footballeur qui fait de la musique. La France n’est pas prête à ça, je pense. Je n’ai pas envie de me lancer dans ce genre de choses. La musique, c’est juste un plaisir et une passion. Je kiffe ça depuis tout petit. J’écoute tout le temps de la musique. Ça fait partie de mon quotidien. Du coup, si je peux en faire, je vais en faire. Mais seulement à titre privé. Quand j’ai le temps, je vais au studio, j’enregistre des sons, mais c’est pour moi. Je les écoute dans ma voiture. C’est un plaisir personnel.
Vous écoutez votre son ?
Jonathan Ikoné : Moi, je l’écoute. Après lui, je ne sais pas (sourire).
Dinero : De temps en temps, je suis sur mes projets. Du coup, j’écoute plus mes sons pour voir ce que je peux améliorer. Mais évidemment que j’écoute notre son.
Comment était ce son ?
Dinero : C’était marrant !
Jonathan Ikoné : Il m’a donné une belle leçon (rires).
Dinero : C’est vrai que j’ai pris le dessus, mais tranquille, on est ensemble (rires). C’est la famille.
Le son parlait de quoi ?
Dinero : Un son tranquille, mélodieux.
Jonathan Ikoné : C’est vrai qu’il m’a pris à contrepied en optant pour la mélodie.
Dinero : attention, je n’ai pas eu besoin de le guider, Jorko a déjà des bases solides puisqu’il avait déjà enregistré des sons. Tout s’est fait naturellement.
Jonathan Ikoné : En plus, j’avais déjà commencé le morceau, le refrain existait. Quand Dinero est arrivé au studio, il a ajouté un coup de boost au refrain. Ensuite, chacun a écrit son couplet. Lui a fini rapidement, il a pris le temps de m’aider. On va dire qu’il a donné le tempo.
Jonathan, tu écris seul tes textes ?
Jonathan Ikoné : Oui, j’écris seul. Je parle de ce qui me passe par la tête, parfois, je parle de foot, d’autres fois, je parle du quotidien de la vie. Je ne suis pas rappeur, du coup, je n’ai aucune limite. Je touche à tout, et puis, je sais que c’est uniquement pour moi. Personne d’autre ne va écouter.
Dinero : Il a de bons textes pour un footeux.
Dinero, pourquoi étais-tu étonné que Jonathan fasse du rap ?
Dinero : C’est surprenant quand même ! C’est un footballeur professionnel, pour moi, il avait d’autres choses à faire. Avant le featuring avec Jonathan, j’ai appelé un ami qui s’appelle Poney pour lui annoncer la nouvelle. Il m’a directement répondu : « Mais comment ça il fait du rap lui ? ». Je lui ai répondu : « Même moi, je comprends pas, il faut que j’aille voir ça ». Je suis arrivé sur place et tout s’est bien passé…
Jonathan, quel est ton nom de scène ?
Jonathan Ikoné : Je n’ai pas encore choisi, mais je suis en train de m’orienter vers « JOBY ». C’est un surnom qu’on m’a donné à l’époque. D’ailleurs, j’ai trop de surnoms ! On m’appelle « Jorko », « Joby », « Jony » et j’en passe. Je ne me rappelle pas d’où vient ce surnom : « Joby ». J’ai oublié qui m’a donné ce blase.
Dinero : Personnellement, je préfère « Jorko », ça sonne bien.
Jonathan Ikoné : « Jorko », c’est mon surnom au foot, je ne peux pas tout mélanger.
Dinero, d’où vient ton nom de scène ?
Dinero : Ce blase n’a pas vraiment d’origine. À l’époque, je travaillais avec une équipe, j’avais fait un son du même nom, « Dinero ». Derrière, tout le monde m’a appelé « Dinero », c’est resté.
Votre relation est désormais professionnelle…
Dinero : Oui, la relation est devenue professionnelle. Mais elle est devenue pro grâce au feeling. Et surtout, la relation n’est pas simplement professionnelle. On discute de tout et de rien, quand il est off, il passe sur Paris et on se voit. J’essaie aussi de lui rendre visite à Florence. Un lien d’amitié s’est créé.
Jonathan Ikoné : C’est un tout. On est comme une famille, on peut parler boulot, mais aussi switcher et être en mode rigolade. On sait faire la part des choses. Quand il faut parler boulot, on va parler boulot. Et quand il faut rigoler, on rigole, car on aime trop ça (sourire). On veut avancer ensemble et créer des choses positives.
Pour aider les lecteurs à comprendre, Jonathan, tu es le producteur de Dinero, c’est ça ?
Jonathan Ikoné : On peut dire ça comme ça.
Comment as-tu décidé de devenir le producteur de Dinero ?
Jonathan Ikoné : Je me suis lancé dans la production il y a quelque temps. Le premier artiste que j’ai produit, c’est mon petit cousin. Il aimait trop le rap. Lorsque je jouais à Lille, à chaque fois qu’il venait à la maison, il rappait. Il me réveillait le matin et m’interprétait ses textes. De là, j’ai dit : « Allez, c’est parti, va enregistrer tes sons au studio ». Et j’ai commence à lui payer ses séances de studio. Par la suite, DJ Bellek (célèbre producteur franco-algérien, ndlr) m’a beaucoup aidé. Il a enregistré mon petit cousin, je me suis entouré de gens qui s’y connaissent. Ils venaient donc au studio pour donner leur avis et offrir des conseils. Ensuite, ils m’ont dit : « Mais pourquoi ne pas monter une structure ? ». Je me suis lancé pour faire quelque chose de plus grand, créer un truc sérieux. On a donc ouvert un label et on s’est mis à la recherche d’artistes talentueux. Pour le moment, je suis très content de ma structure.
Quel est le nom de ton label ?
Jonathan Ikoné : « YLS Record », j’ai choisi ce nom, car j’avais pour objectif de me diversifier et d’ouvrir différentes structures sur la thématique suivante : « Your Lifestyle ». Pour te résumer le concept, c’est tout ce qui touche à la vie des gens, à ce que les gens aiment faire au quotidien. J’ai donc ouvert une conciergerie : « YLS Conciergerie », j’ai ouvert un label : « YLS Record », j’ai ouvert une boite de location : « YLS Location ». Je voulais réunir tous les loisirs des gens dans une seule et même grosse structure « YLS ».
Dinero, pourquoi avoir accepté de rejoindre YLS ?
Dinero : Le feeling tout d’abord. Le concept était bon. Quand j’ai intégré le label, il y avait déjà son petit cousin et un autre artiste. Je me suis donc dit : « Il s’y connait, il est déjà connecté dans le milieu ». Dans le même temps, je sortais d’une mauvaise passe avec mon équipe. Du coup, j’ai foncé.
Quel est votre mode de fonctionnement ?
Jonathan Ikoné : Je n’aime pas diriger les gens. Je ne suis pas dans la musique depuis très longtemps non plus, du coup, je laisse l’artiste se gérer pour s’exprimer au mieux. Si j’aime vraiment un son, je vais lui dire : « Dinero, ce son-là, il faut le mettre en avant, il a du potentiel ». Mais moi, j’aime quand la personne sait où elle veut aller. Déjà, mon petit cousin « RA2 », je ne le dirige pas. Alors je ne vais pas diriger Dinero qui a déjà une certaine expérience dans le milieu. Il a signé de bons featurings. Il connaît son travail, il a une certaine vision des choses. Je lui laisse une pleine liberté au studio. Ensuite, tout ce qui se passe autour, mon équipe et moi, on s’en occupe.
Dinero : Jonathan me laisse beaucoup de liberté. J’ai un peu d’expérience, il me fait confiance. Par contre, s’il doit me dire un truc, il ne va pas se gêner, il va me dire les choses. D’autres personnes travaillent également dans la structure, on communique tous ensemble. J’ai ma vision, j’ai ma liberté, je suis un artiste épanoui.
Pour mieux comprendre, Jonathan, tu mises sur Dinero.
Jonathan Ikoné : C’est exactement ça.
Il a donc des comptes à rendre…
Jonathan Ikoné : Non, je ne fonctionne pas comme ça. J’ai décidé de miser sur Dinero, ok. Mais c’est comme dans le football, un club décide de miser sur toi jeune. Le joueur va faire sa formation, évoluer, mais s’il ne devient pas professionnel, il ne va pas rendre l’argent investi au club. J’ai décidé de miser sur Dinero, si ça ne marche pas, ce ne sera pas seulement son échec à lui, ce sera aussi le mien. Ça voudra dire que j’ai loupé un truc, que je n’ai pas misé sur le bon artiste. Dans tous les cas, c’est ma décision, c’est mon investissement. Si l’artiste ne fonctionne pas, ça voudra dire que j’aurai mal investi tout simplement.
Dinero : J’ai envie de réussir pour lui montrer qu’il a eu raison de miser sur moi. Avant même de penser à tout ça, j’ai envie de réussir pour moi, je me donne les moyens d’y arriver. Je pense que Jorko l’a remarqué. Je veux faire des millions de vues, je veux faire de la musique qui plaît aux gens, je veux faire parler de moi. Je sais ce que je veux. Je ne me mets pas dans la tête que j’ai des comptes à rendre, je me dis qu’il faut bien travailler et faire les choses sérieusement pour n’avoir aucun regret.
Jonathan Ikoné : Je n’aime pas le terme « comptes à rendre ».
Dinero : Ça met la pression inutilement, nous ne sommes pas dans cette démarche.
Jonathan Ikoné : Je mise sur Dinero car je sais qu’il a un gros potentiel, tout simplement. À lui de l’exploiter au mieux.
Jonathan, en quoi consiste ton travail de producteur ?
Jonathan Ikoné : Déjà, j’ai un studio, ce qui me facilite la tâche. J’ai acheté un studio dans le 94. Donc, je n’ai pas à payer le studio puisqu’il m’appartient et que je le mets à disposition de mes artistes. Je finance les clips, la promo, et voilà. Je m’en sors bien, ce n’est pas un gros budget. J’essaie de stabiliser les dépenses et je fais en sorte d’être à l’équilibre.
Dinero, ton travail est donc de te rendre au studio et d’être le plus productif possible ?
Dinero : Exactement. Je vais au studio, je fais en sorte d’être productif pour délivrer de la qualité. Je dois aussi avoir une vision pour ne pas m’éparpiller. Voilà en quoi consiste mon travail dans la structure. Ensuite, ce sont des échanges d’idées avec l’équipe. Mon boulot se résume en deux mots : production et qualité. Je me rends au studio trois fois par semaine. À la fin de chaque séance, Jorko reçoit mes sons, il les écoute puis me donne ses appréciations. Parfois, il préfère des sons plus que d’autres, et me le fait savoir. Lorsqu’il s’agit de clips, c’est le même principe. On échange et on se donne des idées. Ce n’est pas compliqué. J’ai ma vision, ma manière d’être, tout roule.
Jonathan Ikoné : En fait, il sait déjà ce qu’il veut faire. On n’a pas besoin de beaucoup se parler, Dinero est déjà rôdé. Il sait où il veut aller. On est juste là pour l’accompagner. C’est inné chez lui, il aime la musique, il est à fond, on n’a pas besoin de beaucoup parler. On a juste à regarder et faire les petites choses pour qu’il reste concentré sur la musique.
Jonathan, tu es apprécié par de nombreux rappeurs, tu en profites pour connecter Dinero ?
Jonathan Ikoné : Je ne suis pas dans le forcing. Oui, je suis connecté avec d’autres rappeurs, mais les connexions se sont faites par feeling. On est donc restés en contact. Et puis, surtout, Dinero a déjà un nom. Il n’a pas forcément besoin que j’aille toquer aux portes pour ramener des rappeurs. Dernièrement, un featuring avec Genezio est sorti, « Vices ». Si un jour, il a besoin de ça, on fera jouer les contacts. Mais à l’instant T, je n’ai pas besoin de démarcher. Je reste ami avec les autres rappeurs, ça suffit.
Dinero : Si demain, j’ai un besoin et que Jorko est connecté avec l’artiste en question, je lui demanderai. Et comme Jorko vient de le dire, j’ai déjà des connexions dans le milieu. Mais si besoin, je ne vais pas me gêner.
Jonathan, quels sont les rappeurs qui font partie de ton carnet d’adresses ?
Jonathan Ikoné : Rafael Leão (il éclate de rires). J’ai WAY 45. Je vais rester sur ce rappeur. Les autres rappeurs que je connais, ils savent, je sais, pas besoin de citer (sourire). Leão rappe en portugais ou en italien, je ne sais pas. Mais en tout cas, il a un bon flow, j’aime ce qu’il fait. J’espère qu’il va percer et faire de grandes choses dans la musique, comme dans le foot. Il y a de la place partout. J’espère qu’il va persévérer, je lui donne ma force.
Dinero : Pourquoi pas un featuring avec Leão dans le prochain album (sourire) ?
Jonathan Ikoné : On va ajouter une touche de Portugais dans l’album.
Rafael Leão est annoncé proche du PSG, ça pourrait faciliter le contact.
Dinero : C’est vrai que s’il vient sur Paris, tout sera plus simple. Bon après, je ne suis pas un supporter du PSG…
Jonathan Ikoné : (Rires) C’est un grand supporter du Real Madrid.
Jonathan, Rafael Leão est un bon exemple, tu peux sortir ta musique, toi aussi…. Memphis Depay l’a fait également.
Jonathan Ikoné : Ce sont des joueurs étrangers. Je ne pense pas qu’en France, on soit prêt pour ça : un footballeur - rappeur. Ça pourrait me retomber dessus. J’en suis sûr.
Dinero : La mentalité française est différente, il pourrait y avoir des répercussions. Si demain, il fait quatre ou cinq mauvais matchs, les gens diront : « C’est normal, il passe son temps au studio ».
Jonathan Ikoné : Et dans tous les cas, je n’ai pas envie de me lancer dans la musique. J’aime la musique, mais je ne veux pas faire carrière dans la musique. Je fais des petits sons pour le plaisir. Je les garde dans mon téléphone, je les mets dans ma voiture et je tourne avec. Et ça me va très bien. Je ne veux pas plus.
Beaucoup de joueurs ont déjà écouté ta musique ?
Jonathan Ikoné : Bien sûr, tout le monde sait que je rappe. Je ne mets pas mes sons dans le vestiaire, mais parfois, je partage mes sons sur snapchat. Il y a même des choses que je ne peux pas t’expliquer (rires). De nombreux footballeurs rappent. On va taire leurs noms. Ils viennent faire des séances à mon studio. On a même fait des featurings avec d’autres joueurs.
Pourquoi avoir acheté un studio ?
Jonathan Ikoné : J’ai acheté un studio car mon activité est devenue professionnelle. Je n’ai pas acheté ce studio à titre personnel. J’ai des artistes et ils ont besoin de travailler. C’est comme au foot, je m’entraîne tous les jours sur le terrain ou en salle. Eux ont besoin d’un studio. S’ils n’y vont pas, ils perdent leur niveau. Ils ont un studio ouvert 24h sur 24h, il est disponible pour eux, ils ont les clés. Ils peuvent bien bosser comme ça. De nombreux artistes reconnus réservent mon studio. Le studio est bien, je l’ai acheté déjà équipé, mais j’ai ajouté une touche « YLS » pour qu’on capte notre univers. Je mets en place les choses pour que mes activités parallèles se développent comme il faut.
Dinero, tu ne te dis pas : « Mais pourquoi un footballeur se lance dans la production de musique » ?
Dinero : Au début, oui. Mais comme je sais que Jorko est un dingue de musique, je ne suis pas étonné par son investissement. Si ça avait été un autre joueur, j’aurais pu ne pas comprendre. Mais connaissant Jorko, c’est normal.
Comment expliquez-vous ce lien fort entre le foot et le rap ?
Dinero : Sur certains aspects, il y a beaucoup de similitudes.
Jonathan Ikoné : Déjà, on vient des mêmes endroits, on est originaires de quartiers similaires, on a grandi de la même façon. Par exemple, je viens de Bondy et je suis footballeur. Diddy Trix vient de Bondy et il est rappeur. On a vécu les mêmes choses. Le foot et le rap, ce sont deux milieux qui se ressemblent, on est proches. Les rappeurs ont essayé d’être footballeurs…
Dinero : Les footballeurs ont essayé d’être rappeurs. Je n’ai pas envie de stigmatiser les quartiers. Mais souvent, on pense à deux issues : le sport ou l’art. On se rejoint sur tellement de choses. Dans l’écriture de nos textes, tu retrouveras toujours des références footballistiques. Mais aussi dans la vie de tous les jours. Un rappeur change de label, un footballeur change de club. C’est le même principe.
Dinero, tu aurais aimé être footballeur ?
Dinero : Bien sûr ! Mais je n’étais pas bon (rires).
Jonathan Ikoné : Tu n’utilises pas l’excuse des ligaments ?
Dinero : Vraiment pas, je n’étais juste pas bon. Il faut être clair. Mais j’aime bien regarder le foot. J’ai arrêté le foot en U17, je jouais à la Jeunesse d’Aubervilliers. Je n’étais pas constant. Pendant une saison, je faisais du foot, la saison suivante, je ne faisais pas de foot, ensuite, je prenais une licence mais je n’allais pas aux entraînements. J’étais ailier ou milieu droit.
Jonathan Ikoné : Tu étais un milieu droit qui était droitier ? Ou un milieu droit gaucher ?
Dinero : Droitier. J’allais tout droit, j’ai joué en U17 nationaux, j’aurais d’ailleurs pu affronter Jonathan en équipe de jeunes. Je n’étais pas concentré sur le foot, j’y allais pour accompagner mes potes. Les coachs étaient des grands de mon quartier. C’était pour m’amuser.
Jonathan, tu as déjà vu jouer Dinero ?
Jonathan Ikoné : Non, je l’ai vu jongler (rires). Et c’était pas mal. Je vais prochainement organiser un Five. On va voir qui est qui et qui vaut quoi.
Dinero, tu suis la carrière de Jonathan ?
Dinero : Évidemment, j’aime beaucoup son style de jeu. Je l’ai vraiment découvert à Lille, ils avaient une équipe de fou. Depuis, je suis son évolution, il a aussi joué en équipe de France quand même. Je regarde ce qu’il fait en Italie. Je ne lui fais pas de débrief, je ne me mets permets pas. Je donne mon avis de temps en temps. Quand il fait des bons matchs, je lui dis. Mais je ne lui ai jamais dit : « Tu as fait un mauvais match » (rires). Avant les matchs, je lui écris un petit message pour lui donner de la force. On s’entre-aide. Lui aussi me donne beaucoup de forces.
Tu es donc un grand supporter du Real Madrid ?
Jonathan Ikoné : C’est un fou du Real ! Il parle tout le temps de cette équipe.
Dinero : Ce club dégage un truc spécial. Le Real Madrid sent la classe, c’est un club légendaire avec des joueurs immenses et de grands espoirs. L’état d’esprit de ce club est exceptionnel.
Jonathan Ikoné : C’est aussi un grand fan de Cristiano Ronaldo. D’ailleurs, dans ses sons, il utilise un gimmick en dédicace à Cristiano.
Dinero : Je lui ai volé son « Siuuuuuuuu ».
Jonathan Ikoné : Exactement. C’est sa marque de fabrique, il l’utilise dans tous ses sons. Quand il envoie un son et que je vois qu’il a oublié son gimmick, je lui dis : « Rajoute ton gimmick, mets le Siuuuu » (rires). J’invite tout le monde à écouter son « Siuuuu », c’est le vrai « Siuuuu » de Cristiano lorsqu’il lève son bras et qu’il joue avec les supporters. (Il imite les supporters en criant « Siuuuu »)
Dinero : Si Jorko signe au Real un jour, ce sera la folie ! Je peux te garantir qu’il ne bougera plus de là-bas (rires). Ce serait magnifique.
Jonathan Ikoné : On espère, ce serait beau.
De nombreux rappeurs ouvrent des structures d’agents de joueurs de football. Qu’en pensez-vous ?
Jonathan Ikoné : Ils peuvent, il y a de la place. Ce n’est pas parce que tu as une carrière dans un domaine que tu ne peux pas te lancer dans un autre domaine. Surtout si tu sens que tu es potentiellement bon. Si tu sens que tu peux le faire, il faut se lancer. S’ils pensent qu’ils peuvent devenir agents de joueurs de tennis, bah il faut foncer. Pourquoi pas ? Il ne faut pas se fixer de limites. Là où tu es bon, il faut y aller et exploiter ton potentiel. Pour ma part, je n’ai pas envie de m’essayer à une carrière dans le rap. Je me suis fixé des limites, je fais du rap uniquement pour moi. Mais si j’avais voulu le rendre public, je l’aurais fait. Si je suis bon, pourquoi me priver ? J’espère que tous ces rappeurs qui se lancent dans le foot réussiront. Je leur apporte tout mon soutien. J’espère qu’ils trouveront des pépites. Et qu’on les verra dans de grands stades.
Dinero : Moi, je pourrais me lancer dans le foot à l’avenir. C’est un beau métier. Voir des collègues rappeurs faire agents, c’est un truc de fou. Il faut que ça se popularise de plus en plus.
Jonathan, tu pourrais confier ta carrière à un rappeur ?
Jonathan Ikoné : Pourquoi pas ? Si le gars est diplômé, je ne parlerai pas à un rappeur, mais à un agent, tout simplement. On va faire des rendez-vous, il va me présenter son projet et essayer de me convaincre. S’il arrive à me convaincre, pourquoi ne pas signer avec lui ? Je peux. Face à moi, ce ne sera pas un rappeur, mais un agent. Un agent qui est bon dans la musique.
Dinero, tu pourrais confier la carrière de footballeur de ton fils à un rappeur ?
Dinero : S’il a ses diplômes, bien sûr. Je dissocie les deux. J’aurai l’agent en face de moi, non le rappeur.
Jonathan, qu’est-ce qu’un bon agent ?
Jonathan Ikoné : Un bon agent dit la vérité d’entrée. Il ne faut pas qu’il invente des discours au joueur en lui disant par exemple : « Je suis en capacité de te faire signer au Barça ». C’est simple, il faut dire à son joueur : « Fais le boulot, et moi, je fais le mien ». Plus le joueur est performant, plus les clubs se manifestent. L’agent peut n’avoir qu’un seul joueur, mais si son seul joueur est fort, les plus grands clubs viendront car c’est le football qui parle. Il faut dire la vérité à son joueur. Et le joueur, je lui conseillerai toujours de prendre un avocat en plus. Les histoires de contrat, ce n’est pas que dans le rap. C’est important de se sécuriser.
Dinero, qu’est-ce qu’un bon producteur ?
Dinero : L’équivalent de l’agent dans la musique, c’est le producteur-manager. Un bon producteur, c’est un mec transparent avec son artiste. Il bosse pour son artiste et pas pour ses poches. Et c’est un mec présent.
Le foot et le rap sont deux milieux gangrenés par l’argent. Comment éviter les gens malintentionnés ?
Jonathan Ikoné : C’est un problème ça. C’est pour ça que je t’ai dit précédemment : il faut prendre un avocat. C’est à ce moment-là que l’avocat va te servir. La personne qui vient uniquement pour l’argent ne pourra pas faire ce qu’il veut. Car il y a des contrats à signer, des engagements à respecter. L’agent peut te promettre de belles choses, mais ce sont seulement des paroles. Ce n’est pas sûr que ces paroles vont se concrétiser. Du coup, il faut un avocat et tout mettre sur papier. Et si quelqu’un veut utiliser la force, on lui donne rendez-vous au tribunal, on se retrouve en justice. On n’est pas dans la rue. Il faut régler ses affaires dans les règles.
Dinero : J’ai déjà eu des problèmes d’entourage par le passé. Désormais, je suis plus concentré sur ce genre de choses. Comme Jorko l’a dit, il faut prendre un avocat mais pas seulement. Il faut également s’intéresser, lire, faire ses propres recherches. Il faut s’instruire, lire les contrats, essayer de comprendre les termes. Il ne faut se réfugier derrière un avocat ou un comptable, ou qui sais-je. Souvent, les gens ont tendance à signer sans vérifier.
Jonathan Ikoné : C’est vrai, il faut mettre ses yeux partout. Oui, il y a des personnes mieux placées pour gérer, mais il faut aussi savoir ce qu’il se passe.
Dinero, fais-tu de références footballistiques dans tes textes ?
Dinero : Oui, j’en fais plusieurs même. J’ai déjà dédicacé Jorko, je parle souvent du Real et de Vini dans mes textes. Il y a le gimmick de Cristiano Ronaldo aussi. Dans mon dernier freestyle, je mentionne Rafael Leão. Je rappe ce que je vis, ce qui m’intéresse, ce que je regarde. Le foot fait partie intégrante de ma vie.
Jonathan, tu écoutes beaucoup de musiques avant les matchs ?
Jonathan Ikoné : Grave ! Ça me motive de fou. Je suis obligé de ramener ma baffe à chaque match. À l’hôtel, tout le monde m’entend. Dans le vestiaire, je mets mes écouteurs, je me concentre avec la musique. Je ne rigole pas avec la musique, je danse, je m’enjaille, je chante, je kiffe. En Italie, les joueurs ne mettent pas de musique, au départ, ils se posaient des questions. Mais au bout d’un moment, ils ont compris que c’était ma manière de me préparer. J’ai besoin de m’enjailler avec de la musique pour être concentré. C’est bizarre, mais c’est ça.
Tu écoutes quoi en ce moment ?
Jonathan Ikoné : J’ai trois sons en ce moment : « Vices » de Dinero et Genezio, « Mucho Cuir » de RSKO et SDM et « Enfant du Ghetto » de Genezio et Landy.
Dinero, tu regardes le football à quelle fréquence ?
Dinero : Chaque week-end, je regarde le Real Madrid, la Ligue 1, la Premier League et la Fiorentina. Mais je ne regarde que Joby (rires). Dès qu’il sort du terrain, je change de chaîne.
Dinero, si tu étais journaliste, tu poserais quelle question à Jonathan Ikoné ?
Dinero : (Il réfléchit longuement) Dans l’équipe de France actuelle, avec qui tu as la meilleure relation ?
Jonathan Ikoné : William Saliba. Il est de Bondy, en plus, c’est son anniversaire aujourd’hui. C’est mon frère.
Comment définiriez-vous votre état d’esprit ?
Dinero : Je vais dire persévérance par rapport à d’où je viens et comment j’ai commencé.
Jonathan Ikoné : Je vais rebondir sur ce qu’il vient de dire, je vais aussi utiliser le terme persévérance. Je sors aussi d’un quartier compliqué. Je suis content parce que j’ai su mettre ma famille à l’abri. Mais ce n’est jamais assez. Une fois que tu arrives à mettre ta famille à l’abri, il faut qu’ils gardent le cap toute leur vie. Il faut que mes enfants aussi soient bien. Il faut être persévérant et concentré.
Quelle est votre meilleure anecdote au quartier ?
Jonathan Ikoné : Mes meilleurs anecdotes se sont passées au collège Jean Zay, mais c’est préférable de garder ça pour soi (rires). Ce sont des mauvaises choses à raconter. En tout cas, on avait une belle amitié, tout le monde était soudé. On partageait tous les mêmes choses. Aujourd’hui, on fait de belles choses ensemble, c’est une belle satisfaction. C’est important que mes proches sentent que je suis là et que je n’ai pas changé de mentalité.
Dinero : Ma meilleure anecdote, c’est après la sortie de mon premier projet en 2019. Tout le monde s’était réuni au quartier, et ce soir-là, une équipe de la BAC est passée pour voir ce qu’il se passait. J’avais des CD en physique, du coup, j’en ai donné un au policier. Le lendemain, il est venu au quartier et il a dit aux gens : « Il est où Dinero ? ». Je n’étais pas là. Et ils ont dit : « Dites lui qu’on a écouté son album, il est top » (rires).
Jonathan Ikoné : C’est une belle satisfaction.
La police doit aimer les photos avec toi.
Jonathan Ikoné : Je prends des photos avec tout le monde. Les fans, c’est tout le monde. Ça peut être des policiers, des enfants, des pompiers. Ça fait plaisir de rendre heureux les gens. À force, je me dis : « Ah ouais, je peux changer des choses, j’ai un rôle ». Le père qui est fan peut mettre son fils au foot grâce à moi. Et du coup, il peut y avoir moins de délinquance.
Jonathan, si tu étais journaliste, tu poserais quelle question à Dinero ?
Jonathan Ikoné : Je vais abuser du truc, j’ai deux questions (rires). Première question : quel est ton meilleur featuring ? Deuxième question : avec qui tu aimerais faire ton prochain feat ?
Dinero : Mon meilleur featuring, c’est celui avec 4Keuss. Pourquoi ? Déjà, le son est bien, ensuite, c’est un de mes sons qui a eu les meilleurs scores. En studio, j’ai préféré me retrouver avec Leto, on est un peu les mêmes. La connexion est bien passée. Concernant ta deuxième question. (Il réfléchit longuement) Franchement, je ne sais pas.
Jonathan Ikoné : Je sais que tu sais (sourire).
Dinero : Ninho (rires). C’est vrai que Ninho, j’aimerais beaucoup. C’est l’un des meilleurs rappeurs, et surtout, je pense que musicalement, ça va bien marcher entre nous.
Si vous deviez terminer par une phrase en commun ?
Dinero : Je vais dire un mot « pépites ».
Jonathan Ikoné : Je vais rajouter des petits mots, « pépites » virgule « persévérance ».
Dinero : Virgule « Famille » virgule « YLS ».
Jonathan Ikoné : Virgule « bientôt » virgule « soon ».
Dinero, tu noterais comment Jonathan Ikoné ?
Dinero : Je lui mettrais bon 7 sur 10, il maîtrise son sujet.
Jonathan Ikoné : Je vais lui mettre un 7 aussi, comme ça, on reste sur la même lignée.
Dinero, un message à Didier Deschamps pour finir.
Dinero : Si tu peux mettre Jonathan dans ta liste pour l’Euro, ce serait magnifique et ramenez le trophée !
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