Le Fussball
·7 Juni 2025
Violence chez les jeunes : Aue – Zwickau, un derby devenu incontrôlable

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·7 Juni 2025
Un match de jeunes entre l’Erzgebirge Aue et le FSV Zwickau a de nouveau dégénéré ce samedi. Ce nouvel épisode, survenu dans un contexte pourtant amateur, est l’illustration d’une rivalité aussi ancienne que toxique, née dans les années 1970 et ponctuée de tensions régulières, parfois dramatiques. Retour sur 50 ans d’un duel devenu l’un des plus sulfureux d’Allemagne.
Le samedi 8 juin 2025, un match de championnat U16 entre Erzgebirge Aue et le FSV Zwickau en Landesliga Sachsen a dû être interrompu dès la 12ème minute après l’ouverture du score des locaux. En cause : des affrontements violents entre supporters dans le secteur visiteur, après l’arrivée d’un groupe masqué depuis un bois adjacent. Des vidéos montrent des individus franchissant les clôtures pour se battre, certains fuyant même à travers le terrain. La police enquête actuellement pour identifier les auteurs et victimes.
Le FC Erzgebirge Aue a immédiatement condamné les événements, qualifiant les agresseurs « d’incorrigibles » et s’est excusé publiquement. Le club avait pourtant prévu davantage de personnel de sécurité qu’à l’accoutumée. Malgré cela, l’arbitre a interrompu la rencontre pour des raisons de sécurité. Une scène surréaliste dans le football de jeunes mais tristement banale dans l’histoire de ce derby de l’Est.
Si Aue et Zwickau sont deux villes distantes de seulement 20 kilomètres à vol d’oiseau, leurs clubs respectifs se regardent en chiens de faïence depuis le 22 mars 1975. Ce jour-là, lors du match retour de la demi-finale de la FDGB-Pokal (Coupe d’Allemagne de l’Est), Aue s’incline 2-1 à domicile, mais surtout se voit refuser deux buts et un penalty par l’arbitre Rudi Glöckner. Les Erzgebirger crient au scandale, Zwickau file en finale, la gagne face à Dresden, puis réalise un parcours européen héroïque. Pour Aue, le sentiment d’avoir été floué marque un point de rupture.
Seize ans plus tard, la tension atteint un nouveau sommet. Le 22 mai 1991, lors de la dernière journée de la Ligue B (ancienne 3ème division de RDA), Aue mène 4-1 à Zwickau quand des « fans » locaux envahissent le terrain. Quatre joueurs d’Aue sont blessés, l’attaquant Michael Geßner souffre d’un traumatisme crânien et d’une fracture du nez. Le match est arrêté, le score validé en l’état par la ligue de football Est-Allemand deux jours plus tard. Mais la fracture est irréversible.
Le 10 mai 2016, les deux clubs se retrouvent en finale de la Sachsenpokal dans un stade d’Aue encore en construction. Les joueurs s’affrontent sportivement, Aue l’emporte 1-0 grâce à Mario Kvesic. Mais sur les tribunes et autour du terrain, c’est l’émeute. Jets de fumigènes, affrontements entre ultras, blessés parmi les supporters et la police. L’atmosphère est délétère, les incidents éclipsent le résultat.
Le même jour, des rumeurs circulent sur une entente illégale. Quelques années auparavant déjà, en 1994, Aue s’était senti floué lorsque Zwickau, avec une victoire 9-0 contre Tiefenort, avait comblé un retard de cinq buts pour passer devant au classement. Aue avait gagné à Weimar 4-1, pensant avoir assuré la montée. Une autre pilule amère.
Entre incendies de pistes d’athlétisme, saccages d’installations et échauffourées régulières, les derbys entre Aue et Zwickau ont rarement été paisibles. En l’absence de confrontations directes (dues à des relégations croisées ou des ligues séparées), la tension n’est jamais vraiment retombée. Pire : elle a souvent ressurgi dans les équipes de jeunes ou lors de simples matchs amicaux.
Les matchs de juniors, censés incarner les valeurs du sport et de l’apprentissage, deviennent eux aussi des théâtres de violence, avec des adultes qui règlent leurs rancunes historiques sur fond de rivalité locale.
Sportivement, ni Aue ni Zwickau ne peuvent revendiquer un statut de place forte durable du football allemand. Les deux clubs ont navigué entre 2. Bundesliga et Regionalliga, parfois même plus bas. Mais leur derby est l’un des rares de l’ex-RDA à avoir conservé autant de virulence et de mémoire collective.
Crédit photo : Ronny Hartmann/Getty Images for DFB
C’est aussi l’un des derniers à incarner une forme de folklore populaire enraciné dans les années DDR, avec ses héros, ses injustices perçues et sa rancœur tenace.
L’incident de ce 8 juin 2025 est une alerte de plus. Que les violences éclatent à ce niveau du football est un signal inquiétant. La rivalité entre l’Erzgebirge Aue et le FSV Zwickau fait partie du patrimoine émotionnel du football de l’Est. Mais quand la haine dépasse le cadre du jeu, frappe des enfants, et mobilise les forces de l’ordre dans des tournois de jeunes, il ne s’agit plus d’histoire ou de tradition. Il s’agit de responsabilité.
Il est peut-être temps que les clubs, les villes et les supporters prennent la mesure du poids qu’ils font porter à cette rivalité et qu’ils œuvrent à la désescalade. Sans effacer le passé mais sans en faire un carburant pour la haine.
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Crédit image : Dean Mouhtaropoulos/Bongarts/Getty Images