Furia Liga
·9 mai 2021
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Depuis sa remontée en Liga, Getafe surprend ou désole, mais a surtout longtemps performé avec le décrié Pepe Bordalás en patron d’escouade. Après avoir été troisième de Liga durant un temps et avoir perdu un 1/8 de finale de C3, les Azulones étaient attendu au tournant. Un mercato ambitieux, prémices d’un changement de style avec un gros investissement sur Enes Ünal devait permettre une stabilisation en haut de tableau. Une saison plus tard, c’est la déception.
Depuis sa remontée en Liga en 2017-2018, Getafe n’a jamais connu la seconde partie de tableau. Huitième à deux reprises, 5e en 2019, la légion de Bordal+as a d’abord surpris, puis le feu de paille a pris en consistante, confirmant que le style du natif d’Alicante n’étant pas qu’une posture, mais un modèle de jeu clairement travaillé. Il y a eu des variantes, des essais de joueurs à des postes particuliers, mais finalement ce 442, ce bloc compact, cette volonté de ne pas garder la balle trop longtemps et de très vite se projeter collent parfaitement avec un effectif qui semble mal conçu et qui pourtant s’épanouit parfaitement dans cet écosystème. On aime rappeler que faire courir le ballon c’est important, parce qu’il ne transpire pas. Dans la banlieue Sud de Madrid, où Getafe a une moyenne 44% de possession de balle et 64% de passes réussies, ce sont les joueurs qui transpirent. Et ce style aride a fait suer beaucoup de monde également.
Getafe et Bordalás semblent indissociables. Pourtant, chaque été, on annonce le départ du technicien vers un club plus fortuné, où il aura à loisir de disposer de joueurs de meilleure qualité. C’est une constante depuis son émergence comme un entraineur de Liga : le Mister explique que le style sale imprimé par sa formation est ainsi, parce que son équipe est faite pour ça. Cela n’a pas empêché les Azulones de tenter quelques coup avec des joueurs différents au profil type : Ignasi Miquel en 2018, Jack Harper en 2019, Enes Ünal, Take Kubo et Carles Aleñá cette saison.
À chaque fois pourtant, c’est Allan Nyom qui se dispose comme milieu excentré dans le milieu à plat du 442. À chaque fois, c’est la même paire de milieu qui équilibre une équipe qui s’épanouit sans avoir le ballon, qui s’adapte à son adversaire, lui propose un combat sur chaque ballon porté, un casse-tête sur chaque attaque placée et des attaques tranchantes sur chaque perte. Bordalás semble coincé : son équipe performe dans cette approche mais, comme le Cholo Simeone, il sait qu’il doit amorcer du changement, apprendre à contrôler le cuir, attaquer des blocs qui se referment, parce qu’il ne pourra pas toujours se comporter comme le petit, vu les résultats du club.
« En fin de compte, vous devez jouer avec l’équipe que vous avez. J’aimerais en avoir une qui pourait avoir de longues possessions et que l’adversaire n’ait pas la capacité de prendre le ballon. Mais nous avons les joueurs que nous avons. Il n’y a pas qu’une seule façon de jouer au football. Désormais, les équipes risquent très peu contre nous. elles sont plus verticales, jouent différemment car elles nous connaissent. Elles se regroupent et nous donnent le ballon ». pepe bordalás
La reprise avec la pause COVID a fait beaucoup de mal à Getafe, qui n’a jamais semblé en capacité de remettre en place son football. Cet arrêt a totalement chamboulé bon nombre d’approches, on le remarque à Liverpool par exemple. L’enchainement des rencontres et un rythme suffoquant rendent les équipes qui ont cette volonté de mettre beaucoup de vitesse et de verticalité à la perte moins enclines à performer sur la durée, le corps ayant ses limites. Dans le sud de Madrid, ce bouleversement tombe au même moment qu’un autre : la fin du premier cycle de Bordalás en Liga.
« Je ne regarde jamais en arrière. pour une équipe modeste comme getafe, avoir 4 ans de succès n’est pas habituel. le succès est de courte durée. cela arrive aux grands : comment cela ne peut-il pas nous arriver ? Nous sommes une petite équipe qui fait partie du top 8 de primera depuis 3 ans. c’est un énorme succès mais qui fait déjà partie du passé. ce qui nous arrive cette année est plus normal. notre objectif a toujours été le maintien, par potentiel et par budget ». pepe bordalás dans el país
Il est difficile d’établir la durée d’un cycle mais souvent le chiffre de trois ans apparait. Même s’il est difficilement quantifiable et n’est absolument pas une vérité absolue surtout qu’un entraineur qui reste plus de 18 mois dans le même club dans le football actuel est quasiment un miracle, cela reste un découpage intéressant. Surtout pour Getafe qui a connu la remontée en Liga en 2017, puis a enchainé 3 saisons de suite sans grand bouleversement en termes de joueurs. Getafe recrute souvent beaucoup, mais il est rare de voir un joueur s’installer durablement dans le onze. Marc Cucurella et Mathías Olivera sont les derniers arrivés à être devenus des indiscutables.
15e au classement cette saison à 5 journées de la fin, à 4 petits points de la zone rouge et 16 de la zone Europe, Getafe réalise une saison 2020-2021 très décevante. Pourtant, les joueurs n’ont pas vraiment changé. La colonne vertébrale est encore là, les stats sont sensiblement les mêmes que la saison dernière mais l’équipe marque moins, encaisse plus et semble souvent dépassée. L’équipe est souvent mise en échec par des équipes qui l’attendent bas, lui laissent moins d’espace en profondeur. C’est un gage de succès. Maintenant, le style de Bordalas est connu, il fait peur et donc les adversaires s’adaptent à Getafe quand avant, ils subissaient son approche.
L’arrivée d’Ünal en remplacement de Jorge Molina cet été, puis les signatures d’Alena et Kubo cet hiver devaient pourtant répondre à ce problème et permettre à Getafe d’avoir d’autres forces que toucher un buteur suite à un long ballon aérien avant d’activer la mobylette Cucurella. Cependant, les blessures du Turc qui n’a pas encore disputé 1000 minutes en Liga et la mauvaise forme globale de la formation n’ont pas permis à Bordalás d’amorcer une grande révolution. Certains diront qu’il a manqué de courage, d’autres que quand la maison brûle et que le maintien n’est pas assurée, revenir à une approche connue des joueurs permet d’avoir plus de succès et d’éviter une grande crise.
« il m’est arrivé beaucoup de choses. alors que j’étais sur le point d’accélérer mon rythme, j’ai eu un pépin. maintenant, je me sens bien mieux. je ne sais pas quelle est ma limite mais je peux certainement mieux jouer. de plus, l’adaptation a été difficile car vous ne pouvez pas passer beaucoup de temps avec des collègues en raison de la covid-19. même ainsi, je suis très heureux à getafe et j’aimerais y continuer de nombreuses années » Enes ünal
La saison minée par les blessures d’Ünal a expliqué le mauvais démarrage du club, surtout que Cucho Hernández n’a jamais été au niveau avec ce maillot bleu malgré son potentiel très intéressant et Jaime Mata a vécu une saison éprouvante, lui qui n’a marqué que 5 buts en Liga malgré un statut de titulaire indiscutable. La figure d’Ángel Rodríguez reste intéressante pour se sortir de pas mal de problèmes mais Bordalás ne lui accorde qu’un statut de supersub, ce qui semble lui convenir. Mais malgré des éléments contraires, des choses intéressantes sont en train d’émerger.
Titulaire deux fois sur les trois dernières journées, Ünal a marqué 3 fois. Mieux encore, il semble enfin au top physiquement. A l’aise dans le domaine aérien, intéressant pour s’inscrire dans des phases de sorties de balle ou de conservation par des décrochages et des remises, il apporte un style qui n’a jamais vraiment existé à Getafe sous les ordres de Bordalás. Aleñá, depuis son arrivée, enchaîne les rencontres, son style, sa capacité à être bon à la récupération et excellent dans la projection tout en ayant une vision du jeu et une science de la passe très intéressante en font un profil très intéressant. Il peut autant s’inclure dans le pivot au milieu de terrain que sur un côté, où la place de Nyom est de plus en plus remise en cause avec l’évolution du jeu attendue.
« nous avons fait ressortir le personnage et nous sommes très heureux de la victoire. nous avons vu un getafe qui a rappelé celui de la saison dernière. au moment le plus important, nous avons fait ressortir le personnage et nous sommes redevenus une équipe solide » enes ünal après son doublé contre huesca
Depuis que le vent commence à tourner et qu’Unal semble fin à 100%, Getafe se remet à performer. Un nul face à la B du Real Madrid, une belle victoire face à Huesca où Getafe a contenu les Aragonais une demi-heure avant d’imprimer son jeu avec des récupérations et des projections très rapides tout en concédant très peu défensivement. Cette saison reste décevante et l’intégration d’un Kubo est difficile par exemple, mais Bordalás a très bien compris qu’il devait faire évoluer son style et ne plus le rendre aussi dépendant d’une seule filière de jeu. Annoncé sur le départ, notamment à Valence, l’Alicantino semble se projeter encore un peu à Getafe. La presse locale affirme qu’il voudrait garder Alena la saison prochaine dans le sud de Madrid. Les Azulones ont vécu une saison difficile mais ils ne sont pas morts, loin de là. Bordalás, enfant de Mourinho et de Simeone, ne s’avouera jamais vaincu.
Benjamin Chahine @BenjaminB_13