Le Corner
·19 octobre 2020
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·19 octobre 2020
La Copa América prévue pour 2020 a été reporté à l’été 2021. Signe du destin, cette édition organisée conjointement par la Colombie et l’Argentine se tiendra donc 20 ans après la seule et unique victoire des Cafeteros dans cette compétition, alors pays organisateur. Ironie du sort, l’édition 2001 fut aussi marquée par l’absence de l’équipe argentine, craignant pour sa sécurité.
Inutile de trop s’attarder sur le contexte social pesant en Colombie au tournant de notre siècle. Un pays déchiré par les affrontements entre des groupes paramilitaires et l’armée, sans oublier l’influence énorme des narcos toujours présents et la corruption évidente à tous les étages du gouvernement. L’organisation de la Copa América 2001 est décernée à la Colombie dès 1987. Le pays aurait déjà dû accueillir une Coupe du Monde en 1986 mais le projet était tombé à l’eau, demandant une injection d’argent trop importante pour le pays, déjà occupé à lutter, selon la version officielle, contre le narcotrafic. A l’époque, on imagine donc mal la Colombie être capable d’assurer la sécurité de toutes les délégations et des supporters, surtout quand la violence monte encore quelques mois avant le début de la compétition.
Le 11 janvier 2001, un attentat à la voiture piégée fait sept tués et des dizaines de blessés dans les rues de Medellín. Les FARC sont alors jugés responsables, en conflit avec l’État depuis de nombreuses années. Au mois de mai, rebelote dans les rues de Cali et de Bogotá. La police retrouvera par la suite des explosifs dans plusieurs autres villes du pays. La CONMEBOL, confédération sud-américaine de football, est alors inquiète. Comment la Colombie peut-elle assurer la sécurité lors d’un événement qu’elle n’a jamais organisé auparavant ? Le président de la République Colombienne Andrés Pastrana fait de la tenue de cette événement une priorité et insiste pour son maintien.
Après une première réunion concluante avec les membres de la confédération, un nouvel événement va ternir la tenue de la Copa. Le vice-président de la fédération colombienne de football Hernán Mejía Campuzano est enlevé par les FARC le 25 juin. Bien qu’il soit libéré deux jours plus tard, c’en est trop pour la CONMEBOL qui suspend la tenue de la compétition. Le Brésil se porte alors volontaire pour remplacer la Colombie sur le qui-vive.
Andrés Pastrana persiste et déclare : “nous enlever l’organisation de la Copa América serait le pire attentat”. Après plusieurs négociations, Nicolás Leoz, président de la CONMEBOL, trouve un accord. La compétition prendra lieu en 2002, le temps que tout se calme. Mais tout de suite un problème se pose. En 2002 oui, mais quand ? Pas en été puisqu’à lieu la Coupe du Monde en Corée du Sud et au Japon. Reste l’hiver, mais la Gold Cup est déjà prévue à cette période, et le Canada, équipe invitée à l’édition de la Copa América, doit y participer. Le temps presse, et sous la pression des diffuseurs et devant l’impossibilité de décaler la Copa América, la CONMEBOL décide qu’elle aura bien lieu aux dates prévues. Cette décision est prise 6 jours seulement avant le début de la compétition.
Problème, l’Argentine prévoit finalement de ne pas y participer. Le 27 juin, une lettre menaçant la délégation est reçue au consul d’Argentine à Bogotá. Les discussions se poursuivent jusqu’à deux jours avant le début du tournoi, pour se conclure sur une non-participation de l’Albiceleste. La sélection du Honduras est choisie pour remplacer les argentins sur le pied levé. Los Catrachos arrivent alors après le début de la compétition dans un avion affrété par l’armée colombienne.
Le Canada, nation invitée initialement, se désiste aussi. Après les longues négociations quant à la tenue ou non de la Copa América, la fédération avait renvoyé les joueurs dans leurs clubs. Impossible donc de les rappeler à quelques heures du coup d’envoi. Le Costa-Rica est lui aussi appelé d’urgence pour remplacer les nord-américains.
Et le football dans tout ça ? La compétition va finalement se dérouler d’une façon très normale, aucun incident ne fut à déplorer. Les Honduriens, invités de dernières minutes et pas préparés du tout vont créer la sensation. Après avoir passé les poules, ils vont éliminer en quart de finale la grande équipe du Brésil. Les mauvaises langues diront que c’était une équipe bis composée majoritairement de joueurs évoluant au pays, mais tout de même ! Le Honduras finira troisième de la compétition, en battant l’Uruguay aux penalties lors de la petite finale.
La Colombie va écraser la compétition de part sa solidité défensive. Los Cafeteros n’encaissent aucun but au fil des rencontres. Avec un grand Iván Córdoba en défense, la Colombie impressionne. C’est d’ailleurs lui qui marquera l’unique but de la finale, face au Mexique, scellant le succès de sa nation. Joueur ayant échoué en Europe, Victor Hugo Aristizábal réalisera un grand tournoi, étant l’auteur de 6 buts, soit plus de la moitié des réalisations de son équipe.
Malgré les nombreux revirements de situation et l’insécurité évidente en Colombie lors de la Copa América 2001, celle-ci s’est passée de la meilleure des manières. Transcendée par l’engouement de son peuple, la Colombie signera la seule victoire de son histoire dans une compétition internationale. Mais le succès sportif n’est peut-être pas le plus important au final. La Copa de la Paz, Coupe de la Paix, comme l’appelait Andrés Pastrana, a été une grande réussite. Le pays sud-américain montre actuellement de plus en plus un vif intérêt pour enfin organiser la Coupe du Monde, probablement en s’associant avec d’autres pays voisins. Et si l’histoire se répétait avec un nouveau succès ?
Crédit photos : Iconsport
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